« Vive la liberté », le cri de Hans Scholl, de la « Rose Blanche » est le cri de chaque Palestinien

Es lebe die freiheit – vive la liberté – est le cri de chaque Palestinien et de tous ceux qui aspirent à se libérer du colonialisme. Ce furent également les derniers de Hans Scholl, un membre du mouvement de résistance antifasciste de la Rose Blanche, en Allemagne nazie, avant d’être exécuté le 22 février 1945. La Rose blanche porta les crimes des nazis à la connaissance du public et il réclamait justice pour leurs victimes.

Majed Abusalama, août 2020

Victoire pour les Humboldt3

Manifestation en guise de soutien aux Humboldt3

Plus de soixante-dix ans plus tard, nous, les Humboldt 3, avons puisé notre inspiration dans la Rose blanche. En juin 2017, en compagnie des activistes antisionistes israéliens Ronnie Barkan et Stavit Sinai, j’ai interrompu une conférence donnée à l’Université Humboldt de Berlin par une représentante de l’Etat israélien, Aliza Lavie. Nous avions entrepris cette action en raison de sa complicité directe dans des crimes de guerre contre les Palestiniens de Gaza. Lavie avait également joué un rôle fondamental dans la mission de censure d’Israël, consistant à réduire au silence et discréditer les activistes palestiniens et ceux de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) en Europe.

Pour notre action pacifique contre Lavie, nous avons été accusés d’intrusion, expulsés physiquement de la salle de conférence et accusés à tort d’antisémitisme par les médias allemands. Pourtant, le 3 août dernier, dans un tribunal berlinois, notre combat de trois années s’est terminé par notre victoire sur l’Université Humboldt et sur le lobby sioniste. Ronnie et moi avons été acquittés de toute accusation, alors que Stavit se voyait infliger la plus petite possible, 450 euros, sans doute pour sauver la face du Ministère public. La « tentative d’agression » dont elle a été reconnue coupable avait consisté, après notre expulsion, à asséner un coup dans la porte de la salle de conférence afin de connaître l’identité d’un membre du public qui lui avait asséné un coup de poing au visage.

Dans chaque étape de l’affaire, nous avons transformé la procédure juridique contre nous en une opportunité d’élever la cause palestinienne en parlant de la réalité de l’apartheid israélien et des crimes israéliens contre l’humanité. Notre premier appel en tant que Humboldt 3 a consisté à encourager les gens de conscience à s’exprimer à une époque d’apartheid. Dans notre deuxième déclaration, nous avons demandé à nos partisans d’affronter l’apartheid partout où il apparaissait. Nous avons célébré l’importante victoire récente de nos camarades contre le gouvernement français, qui a violé la liberté d’expression des activistes propalestiniens accusés d’avoir fait campagne en faveur d’un boycott des produits israéliens. La Cour européenne des droits de l’homme avait enjoint à la France de payer 101 000 euros de dommages et intérêts à onze activistes.

L’Allemagne a failli envers les Palestiniens, dans l’ensemble, et la lutte palestinienne pour la liberté, depuis le nettoyage ethnique de la Nakba jusqu’à nos jours, n’a pas changé. L’Allemagne est à l’avant-plan dans le combat contre BDS en Europe, quand elle censure et menace les voix palestiniennes et propalestiniennes qui appellent à la décolonisation de l’Allemagne et de l’Israël de l’apartheid. L’appel du mouvement BDS est en  accord avec les lois internationales et les revendications en faveur de la fin de l’occupation de 1967, de la fin du système de l’apartheid partout dans la Palestine historique et du droit au retour pour tous les réfugiés palestiniens forcés à l’exil depuis plus de sept décennies. BDS est sur le point de ramener la lutte à sa période initiale et à sa grande sincérité. Pourtant, réclamer l’égalité depuis le Jourdain jusqu’à la Méditerranée a été de plus en plus perçu comme une menace politique par l’Etat allemand ainsi que par l’Israël de l’apartheid.

Avoir grandi dans un camp de réfugiés dans la prison à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza m’a obligé d’assister dans le moindre détail à la répression et au nettoyage ethnique de nos terres.  Je ne puis comprendre pourquoi réclamer les droits humains en Palestine devrait être perçu comme radical, quand c’est une solution morale et logique qui devrait être défendue par la totalité du spectre politique. La revendication des Palestiniens en faveur de la justice inspire des voix dans la masse, de même que des résolutions des Nations unies, et elle constitue le cœur même de la lutte de libération palestinienne depuis plus d’un siècle. Le peuple palestinien a transformé sa répression en un outil d’espoir, y compris pour les Gazaouis en dépit du misérable blocus et des assauts continuels qu’ils ont subis. Un jour, bientôt, le rêve de liberté deviendra réalité : une révolution qui rassemblera tous les Juifs et les Palestiniens afin de rejeter la suprématie ethnique d’Israël.

S’exprimer contre l’oppression terrible qui sévit en Palestine colonisée requiert des gens conscients et courageux désireux de traîner les criminels de guerre en justice. Nous savons que le monde, et particulièrement l’Allemagne, n’est pas encore disposé à prêter l’oreille aux récits palestiniens des souffrances ou de la résistance au colonialisme. L’État allemand, et bien d’autres, font de leur mieux actuellement pour tuer la lutte palestinienne en maintenant le silence sur des crimes contre l’humanité et l’annexion permanente de nos terres. Certains gouvernements essaient de nos raconter, à nous et au monde, que notre souffrance est une souffrance humanitaire, et non pas politique, qui requiert plus d’aide financière, un hôpital ou deux, quelques paroles passe-partout, tout en essayant de réduire au silence notre appel à la liberté et à l’égalité.

On ne nous réduira pas au silence. Israël n’est plus capable de dissimuler la façon inhumaine dont il traite les Palestiniens. Les victoires du mouvement BDS viennent l’une après l’autre, en dépit de la répression que doit affronter le mouvement dans la plupart des pays occidentaux, ce qui prouve le soutien néocolonial des gouvernements occidentaux à l’apartheid israélien. La victoire des Humboldt 3 est un autre signe que le blanchiment de l’apartheid ne peut plus être légitimé face à la rectitude morale et au message humaniste du mouvement palestinien.

Dans le monde entier, les activistes palestiniens sont unis pour élever la cause des droits palestiniens dans la lutte plus large contre le colonialisme et l’impérialisme. On l’a clairement vu dans le débordement de solidarité avec les Humboldt 3 à Berlin avec, en face du tribunal,  plus d’une centaine de manifestants pro-BDS venus de nombreux pays pour réclamer le respect de la liberté d’expression et de l’activisme des droits de l’homme. Les Humboldt 3 sont parvenus à inverser le discours, à riposter et à dénoncer la brutalité systématique de l’apartheid et ce, avec la complicité allemande. 

Les Palestiniens sur le terrain et les activistes dans le monde entier ne cesseront pas de faire passer au premier plan la lutte des Palestiniens pour leur libération et leur autodétermination.

Israël a deux options : la première, de continuer son camouflage, que ce soit en blanc, en rose ou en vert, de ses crimes contre l’humanité, et de tenter de réduire au silence l’opposition telle que BDS,  les organisations de solidarité avec la Palestine et les organisations des droits de l’homme du type Human Rights Watch et Amnesty International ; la seconde, de se calmer dans ses tentatives en vue de maintenir sa suprématie ethnique à tout prix et d’accepter notre revendication en faveur d’un meilleur avenir pour tous par le biais de la justice et de l’égalité, et ce, depuis le fleuve jusqu’à la mer.

La seconde option ne pourra être qu’une question de temps. Quand tout sera dit, quand tout sera fait et quand la justice règnera en Palestine, l’Allemagne devra se demander si elle a jamais reconnu son droit au peuple palestinien, ou si elle a failli envers lui, comme ce fut le cas jadis avec Hans Scholl et la Rose Blanche.


Publié le 20 août 2020 sur Mondoweiss, sous le titre : « Victory for the Humboldt3 »
Traduction : Jean-Marie Flémal

Majed AbusalamaMajed Abusalama est né et a grandi fièrement comme réfugié au camp de Jabalia, Majed participe à la gestion du site internet We Are Not Numbers et il est cofondateur de la Palestine Speaks Coalition en Allemagne, ainsi que du site en hébreu www.bordergone.com. On peut également le suivre sur twitter : @MajedAbusalama.

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