Bien que « tristes », les responsables UE sont heureux d’encourager la coopération avec Israël

Les responsables de l’UE étaient « très tristes » qu’une épicerie ait été détruite dans le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est occupée – bien qu’ils n’aient pas été suffisamment tristes pour réclamer des sanctions contre Israël, l’État qui a perpétré ce crime de guerre.

Mariya Gabriel, la responsable scientifique de l’UE, est maintenue dans l’ignorance à propos du soutien à l’industrie de guerre israélienne. (Photo : Commission européenne)

UNION

« De futurs gains commerciaux »

Si la demande d’Israël en vue de rallier Horizon Europe est acceptée, les fabricants d’armes habitués à assaillir Gaza vont probablement continuer à recevoir les subsides scientifiques de l’UE.

Des documents obtenus par le biais d’une requête introduite au nom de la liberté d’information indiquent que la bureaucratie de Bruxelles a déjà décidé qu’Israël ferait partie d’Horizon Europe.

Bien que les documents soient truffés de statistiques, il n’est nulle part fait mention de la façon dont les sociétés d’armement Elbit Systems et Israel Aerospace Industries vont être subventionnées par l’UE.

Cette omission est révélatrice.

Les documents ont été établis pour Mariya Gabriel, la commissaire de l’UE pour la science et la recherche. Prévenir Gabriel de la façon dont l’UE soutient les profiteurs des crimes de guerre israéliens n’a évidemment pas été jugé nécessaire par les responsables qui ont préparé ces mêmes documents.

Au lieu de cela, les 25 années de participation israélienne aux activités de recherche de l’UE sont dépeintes comme tout à fait « bénignes ».

« Israël contribue activement à l’image de marque mondiale de l’UE dans la recherche et l’innovation », lit-on dans un document.

La coopération avec Israël fournit une « opportunité de gains commerciaux futurs pour l’Europe », ajoute-t-il.

En janvier 2020, Gabriel a rencontré Aharon Leshno-Yaar, l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis.

Une note préparée pour Gabriel avant cette rencontre lui recommandait de célébrer « l’excellente coopération dans la recherche et l’innovation » entre l’UE et Israël.

Les firmes et institutions israéliennes ont absorbé plus de 1,45 milliard de dollars, dans le cadre d’Horizon 2020, le prédécesseur d’Horizon Europe.

Pourtant, il ne s’agit pas de l’ampleur totale du soutien de l’UE à Israël.

L’UE décerne des labels de qualité à des projets de recherche qu’elle considère favorablement, mais ne peut les financer en raison de contraintes budgétaires. Ces labels – connus sous l’appellation de « sceaux d’excellence » – peuvent alors aider un projet à recevoir une aide financière de la part de sources alternatives.

Israël a reçu plus de 800 « sceaux d’excellence », sous Horizon 2020, selon le document préparé pour Gabriel. C’est davantage que le nombre accordé à n’importe quel autre pays non européen ayant participé au programme.

La coopération nucléaire

La note de préparation destinée à Gabriel explique aussi que des discussions ont eu lieu autour d’une possible coopération future avec l’industrie nucléaire israélienne.

Un accord concernant ce genre de coopération – le tout ayant été fait très discrètement – expirait en 2018. « Plusieurs réunions avaient afin d’examiner les possibilités d’extension de la coopération », ajoute le document.

En théorie, toute la recherche commune avec Israël a été fait à des fins « pacifiques ». En réalité, Israël n’a jamais exprimé le moindre engagement envers un usage « pacifique » de l’énergie nucléaire.

L’accord portant sur la coopération nucléaire a été signé entre l’UE et la Commission de l’énergie atomique d’Israël. Ce corps gère le réacteur de Dimona, où étaient développées les armes nucléaires d’Israël.  

Du fait qu’Israël a refusé de signer le traité de non-prolifération, les inspecteurs internationaux n’ont pas l’autorisation d’enquêter sur ses activités nucléaires.

L’an dernier, plusieurs personnalités de la bureaucratie bruxelloise ont suggéré qu’Israël puisse être exclu des activités de recherche de l’UE s’il annexait une partie de la Cisjordanie.

Mariya Gabriel ne semble pas avoir fait partie des personnes qui ont mis en garde Israël contre de telles répercussions.

En juin 2020, Gabriel a pris la parole lors d’une conférence en ligne sur la façon dont l’UE et Israël pouvaient coopérer autour des « technologies vertes ».

Un document préparé pour Gabriel expliquait clairement qu’elle devait simplement y aller de quelques remarques d’ouverture et qu’aucune question ne pouvait être formulée par des spectateurs. Le document contenait néanmoins une section intitulée « points défensifs ».

Il est apparu qu’il contenait des avis sur la façon de traiter la question de savoir si Israël pouvait tirer parti du financement de recherche de l’UE après qu’une annonce d’annexion avait été formulée. Le document esquivait cette question.

« Les considérations politiques ne peuvent être prises en compte que si elles deviennent pertinentes », déclarait le document.

Jusqu’à présent, Gabriel n’a pas eu l’occasion de blablater de la façon suggérée par ses conseillers. Benjamin Netanyahou, qui était encore Premier ministre d’Israël, n’est pas allé de l’avant l’an dernier avec ces plans d’annexion officielle – bien que le vol et la colonisation de terres palestiniennes se poursuivent rapidement.

Les « points défensifs » insistaient sur le fait que l’implication d’Israël dans les activités de recherche de l’UE « a toujours été fructueuse » et qu’elle constitue « un fleuron de notre coopération bilatérale ».

Ce langage endiablé montre à quel point l’UE est déterminée à continuer à faire pleuvoir sur Israël ses subventions scientifiques.

Voici huit ans, le gouvernement Netanyahou avait réagi avec colère quand l’UE avait déclaré que la recherche organisée par les Israéliens en Cisjordanie ne pouvait en aucun cas être susceptible de financement.

Israël a découvert des façons de contourner cet obstacle. L’Université Ariel a participé à des activités de l’UE bien que son quartier général soit établi dans une colonie implantée illégalement en Cisjordanie.

En aidant l’Université Ariel – intentionnellement ou pas –, l’UE a favorisé les activités israéliennes de peuplement, bien que toutes ces activités sans exception violent les lois internationales.

Pourtant, cette question ne figurait aucunement dans les documents de briefing préparés à l’intention de Mariya Gabriel.

Peut-être serait-elle attristée d’apprendre – ou de s’entendre rappeler – cette obscénité. Mais elle ne serait pas encore assez triste pour décider enfin d’entreprendre la moindre action.


Publié le 2 juillet 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

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