La France rejette l’étiquette d’apartheid collée à Israël
Le président Emmanuel Macron a rejeté les conclusions de plusieurs grandes organisations des droits de l’homme prétendant qu’Israël est coupable du crime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien.
Ali Abunimah, 25 février 2022
« Il n’est pas acceptable, au nom d’un juste combat pour la liberté, que des organisations utilisent à mauvais escient des termes historiquement chargés et infamants pour décrire l’État d’Israël »,
a déclaré jeudi 24 février le Premier ministre Jean Castex lors du dîner de gala du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), la principale organisation communautaire juive et lobby pro-israélien de France.
Castex a lu un discours que Macron prévoyait de délivrer lui-même. Toutefois, en raison de la crise en Ukraine, le président a chargé son Premier ministre de le remplacer.
« Comment ose-t-on parler d’apartheid dans un État où les citoyens arabes sont représentés au gouvernement, au Parlement et occupent des postes à responsabilités et de direction ? »,
peut-on entendre dans le discours de Macron.
Le jeton de présence des citoyens palestiniens d’Israël dans diverses institutions israéliennes est souvent déployé par les apologistes d’Israël comme un bouclier contre la discrimination systématique et légalisée ainsi que l’oppression auxquelles sont confrontés les Palestiniens autochtones de la part d’un État qui, via ses lois fondamentales, accorde des droits supérieurs à ses citoyens juifs.
Un peu plus tôt, ce mois-ci, Amnesty International a rallié Human Rights Watch et l’organisation israélienne B’Tselem pour conclure qu’Israël perpètre bel et bien le crime d’apartheid contre le peuple palestinien dans son ensemble.
L’organisation de défense des droits a déclaré que,
« depuis sa création en 1948, Israël poursuit une politique explicite d’établissement et de maintien d’une hégémonie démographique juive et de maximisation de son contrôle sur la terre afin d’avantager les Israéliens juifs tout en réduisant le nombre de Palestiniens, en limitant leurs droits et en entravant grandement leur capacité à contester cette dépossession ».
Amnesty a rallié les organisations palestiniennes qui insistent auprès de la Cour pénale internationale afin « d’enquêter sur la perpétration du crime d’apartheid » – l’un des crimes contre l’humanité les plus graves à être répertoriés dans le Statut de Rome fondateur du tribunal.
Jérusalem « capitale éternelle »
Le discours de Macron – en lice dans l’espoir d’être réélu cette année – affirme également que « Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif ».
« Cela n’empêche personne de reconnaître et de respecter l’attachement d’autres religions à cette ville », trouve-t-on encore dans la déclaration du président.
Voilà qui est bizarre, et à des titres divers. La France ne reconnaît pas officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël. Toutefois, seuls les pays ont des capitales, mais pas les peuples, ni les religions.
Macron prétend-il par conséquent que Jérusalem est également la « capitale éternelle » des Juifs français vivant en France ?
Si tel était le cas, cela constituerait une confusion antisémite entre être juif et être israélien.
Et, alors que Macron reconnaît l’« attachement » d’autres religions à la ville, de façon significative, il ne déclare pas Jérusalem « capitale du peuple musulman » ni non plus « capitale du peuple chrétien ».
Le faire serait tout aussi absurde et chauvin, en fait, que de la déclarer « capitale du peuple juif ».
En effet, si un seul musulman français devait déclarer, par exemple, que La Mecque est la « capitale éternelle » des musulmans français, cela serait susceptible d’amener la police à sa porte. Il serait accusé de « séparatisme » – la version française moderne de l’accusation antisémite de « double loyauté » émise contre les juifs.
La déclaration de Macron à propos de Jérusalem est un soutien manifeste de la France à la suprématie juive même qui sous-tend le brutal système israélien d’apartheid, tout particulièrement dans son nettoyage ethnique en cours des Palestiniens de Jérusalem, lequel cherche à judaïser la ville par le biais d’une colonisation illégale.
Le discours du président français ne contenait pas un seul mot de critique à l’encontre des crimes israéliens contre les Palestiniens, pas même ceux auxquels la France prévoit de s’opposer – la construction de colonies de peuplement juives en terre palestinienne occupée et l’annexion de territoires palestiniens et syriens en violation complète des lois internationales et des résolutions de l’ONU.
Ceci, en contraste flagrant avec la dénonciation par la France de la reconnaissance par Moscou des régions séparatistes en Ukraine – qui a précédé l’invasion militaire russe – en tant que violation des lois internationales et attaque contre la souveraineté de l’Ukraine.
Censure et répression
Macron a également réaffirmé son intention de poursuivre sa guerre contre la population musulmane de France et contre les sympathisants des droits palestiniens, sous le prétexte de combattre l’« antisémitisme » et le « séparatisme ».
Le discours du président se targue de ce qu’en 2019, l’Assemblée législative française a adopté la très controversée définition de l’antisémitisme de l’IHRA, un document promu par Israël et son lobby et qui confond la critique envers Israël et son idéologie étatique raciste avec le sectarisme antijuif.
Il en résulte, affirma Macron, que
« nos forces de sécurité, nos juges ainsi que nos écoles apprennent mieux comment démasquer ses nouveaux visages, les mots sous lesquels se cache l’antisémitisme, souvent teinté d’antisionisme ».
L’attaque contre l’antisionisme – qu’on peut entendre dans la vidéo sur Castex en train de lire son discours – est absente du texte officiellement publié.
Ce n’est toutefois pas la première fois que le président français a assimilé l’opposition à l’idéologie politique sioniste d’Israël à la haine des juifs.
La déclaration de Macron à l’adresse du lobby pro-israélien en France a eu lieu le jour même où son ministre de l’Intérieur – agissant selon les directives présidentielles – a entrepris de mettre hors la loi deux organisations de solidarité avec la Palestine sur les bases qu’elles « faisaient la promotion de la haine envers Israël ».
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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.
Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impass
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Publié le 25 février 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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Lisez également : La France veut mettre hors la loi deux organisations de solidarité avec la Palestine