Dossier : Comment le colonel israélien Vach a inventé le mensonge des bébés carbonisés pour justifier le génocide

La motivation du colonel Golan Vach : manufacturer un consentement à l’anéantissement total par Israël de la bande de Gaza. Un dossier de David Sheen.

 

Le colonel Golan Vach, qui dirigeait la principale unité de secours de l'armée israélienne, a complètement imaginé des histoires d'atrocités concernant des bébés calcinés afin de justifier le génocide à Gaza.

Le colonel Golan Vach, qui dirigeait la principale unité de secours de l’armée israélienne, a complètement imaginé des histoires d’atrocités concernant des bébés calcinés afin de justifier le génocide à Gaza. (Photo : Yotan Ronen / ActiveStills)

 

David Sheen, 11 juin 2024

Les atrocités sur des bébés, que le chef de l’unité nationale de secours de l’armée israélienne prétendait avoir été perpétrées par les guerriers du Hamas lors de leur attaque d’un kibboutz israélien le 7 octobre, étaient en fait de sinistres mensonges inventés par l’officier même, dans l’intention de fournir un prétexte au génocide dans la bande de Gaza et de protéger les véritables perpétrateurs du massacre : les troupes mêmes de l’armée israélienne agissant sous les ordres d’un général de haut niveau.

Quand les forces israéliennes ont repris les territoires temporairement occupés par le Hamas un peu plus tôt ce jour-là, le commandant de l’unité nationale de secours du Commandement du Front intérieur de l’armée israélienne, le colonel Golan Vach, a dirigé la récupération des cadavres dans la région, qui s’étendait sur plusieurs centaines de kilomètres carrés. Une semaine plus tard, Vach se mettait à affirmer que les guerriers du Hamas avaient brutalement exécuté « huit bébés » dans une seule maison du kibboutz de Be’eri.

« Ils s’étaient concentrés là et ils les avaient tués, puis les avaient brûlés »,

avait expliqué Vach à un parterre de journalistes le 14 octobre, montrant de la main ce qui restait d’une fenêtre dans le living calciné de Pessi Cohen, une résidente du kibboutz.

Toutefois, selon les deux seules captives à avoir survécu au bain de sang, un total de 13 civils étaient morts, à la maison de Cohen, y compris Cohen elle-même, mais il n’y avait parmi les morts ni de bébés ni d’enfants en bas âge.

Toutes ces personnes étaient d’âge moyen, voire plus âgées, hormis deux jumeaux adolescents pris en otage à la maison d’à côté.

Aucun des 13 civils tués n’a été exécuté et seul l’un d’entre eux a été tué à coup sûr par les combattants du Hamas, qui ont conquis le kibboutz maison par maison le matin du 7 octobre, déclarent les survivants. Les 12 autres ont été tués quelques heures plus tard, lors de la contre-offensive israélienne en vue de reconquérir le territoire.

Après des échanges téléphoniques houleux avec le commandant d’une unité de combat de Qassam de quelques dizaines d’hommes retranchés dans la maison des Cohen à Be’eri, la police israélienne est arrivée sur les lieux au milieu de l’après-midi en faisant feu de toutes ses armes.

Au moins deux captifs ont été tués dans les heures de cessez-le-feu qui ont suivi, mais la plupart des 10 captifs restants, sinon tous, ainsi que les derniers combattants de Qassam, ont perdu la vie dans le coup final de la bataille, soit carbonisés soit déchiquetés par les éclats d’obus tirés directement sur la maison par deux chars des forces israéliennes.

 

Israël tue ses propres ressortissants : la directive Hannibal

Une enquête effectuée en décembre par le journal israélien Yedioth Ahronoth a révélé qu’Israël avait appliqué une version de sa directive Hannibal contre ses propres civils capturés le 7 octobre : Israël a recouru à une force meurtrière écrasante, même au risque de tuer des Israéliens en même temps que leurs ravisseurs palestiniens, et ce, afin d’éviter de les laisser en vie et d’être détenus en tant que captifs et, par la même occasion, d’avoir à payer un prix politique élevé pour leur retour.

Bien que l’application par Israël de la directive Hannibal ait été répandue le 7 octobre, son utilisation à la maison des Cohen ressort du fait qu’un plus grand nombre de captifs ont été tués là que dans toute autre structure le même jour. Un officier supérieur israélien a qualifié les actions de « Hannibal a un degré exponentiel ».

Et, au contraire d’autres captifs israéliens qui ont été tués en route vers Gaza, ces 12 civils se trouvaient à Be’eri, à des kilomètres de l’enclave et juste à quelques centaines de mètres de l’entrée du kibboutz, où des centaines de soldats israéliens lourdement armés étaient stationnés en attendant des ordres.

En février, à la suite d’une campagne lancée par des proches des civils tués à la maison des Cohen, l’armée israélienne a ouvert une enquête autour de l’incident et la démolition de la maison a été reportée tout le temps qu’a duré l’enquête proprement dite.

Un parent de trois des civils qu’Israël a incinérés à l’intérieur de la maison des Cohen à l’aide de ses obus de char – les jumeaux Yanai et Liel Hatsroni, un garçon et une fille de 12 ans, ainsi que leur grand-tante et tutrice Ayala, 73 ans – s’est plaint auprès du diffuseur national israélien Kan que les actions d’Israël sur le champ de bataille avaient été un échec, si on analysait le rapport coût / bénéfice.

« J’accepte de payer un prix : que nous tuions nos civils en échange de quelque chose d’autre »,

a dit Omri Shifroni à Kan.

« Mais qu’est-ce, autre chose ? Progresser rapidement ? Pourquoi ? Pourquoi ? Avons-nous avec certitude sauvé quelqu’un en tirant un obus ici ? »

En mars, l’armée a nié que ses officiers avaient sciemment tué des captifs dans la maison des Cohen.

« Toute tentative en vue de fustiger et de blâmer les soldats et les commandants des FDI comme s’ils avaient à dessein porté préjudice à des civils est fautive et absolument sans fondement »,

a-t-elle dit au diffuseur israélien Kan.

Mais, fin décembre, l’officier supérieur qui dirigeait la reconquête du kibboutz par Israël – le commandant de la 9e Division d’Infanterie et à l’époque commandant en attente de la Division Gaza, le brigadier général Barak Hiram – admettait dans les colonnes du New York Times qu’il avait commandé à un char israélien de tirer des obus sur la maison, bien qu’il ait su qu’il y avait toujours des captifs israéliens vivants à l’intérieur.

« Cassez tout, même au détriment de pertes civiles »,

se souvenait Hiram d’avoir ordonné au commandant du char.

La révélation de ce que les ordres de Hiram sur le champ de bataille ont mis fin aux existences de civils israéliens a suscité l’indignation parmi certains Israéliens laïques.

« L’ensemble des valeurs des messianistes et des fascistes – qui, apparemment, préfèrent la terre et la mort violente de l’ennemi à la sainteté de la vie – s’introduit dans l’armée. C’est embarrassant et doublement dérangeant quand nos otages sont toujours détenus dans la bande de Gaza »,

écrivait l’activiste israélienne Nava Rozolyo sur X, anciennement Twitter.

Cette critique à son tour a déclenché une large vague de soutien à deux chiffres à Hiram et à son application de la directive Hannibal aux civils israéliens.

« Le brigadier général Barak Hiram et tous les sionistes religieux sont accusés de préférer la terre et la mort violente de l’ennemi à la sainteté de la terre »,

écrivait le président du conseil des colons de Cisjordanie Shlomo Neeman dans le magazine israélien BeSheva.

« La terre est-elle plus importante que la vie ? La terre est plus importante que la vie. »

« L’amour de ces parcelles de terre est inscrit dans le cœur du peuple juif tout entier »,

écrivait Neeman.

« Ce n’est pas une valeur d”un fils du sionisme religieux’, c’est une valeur pour les fils du sionisme, comme ce l’est pour l’écrasante majorité des juifs dans ce pays. »

Hiram a continué de commander certaines des forces d’invasion israéliennes qui, depuis le 8 octobre, ont tué plus de 36 000 civils palestiniens, en ont blessé plus de 80 000 autres et ont détruit absolument chaque facette de la vie dans la bande de Gaza, y compris, entre autres, des hôpitaux, des boulangeries, des mosquées, des écoles et des universités.

L’Université al-Israa de Gaza, la dernière institution d’enseignement supérieur encore debout, a été pillée de ses trésors historiques et a été utilisée durant des mois comme position à partir de laquelle des snipers pouvaient tirer sur des civils palestiniens de passage et, ensuite, en janvier, elle a été complètement détruite à coups d’explosifs sur ordre de Hiram.

Hiram a été censuré plus tard pour avoir rompu la chaîne de commandement de l’armée et ordonné la démolition de l’université sans le consentement explicite préalable de son supérieur, le major général Yaron Finkelman.

« Si vous aviez soumis la requête de destruction de l’université à mon approbation, je l’aurais approuvée »,

avait déclaré Kinkelman, chef du Commandement du Sud d’Israël, selon la radio de l’armée israélienne.

Si l’avancement de Hiram est bloqué en raison de ces incidents, il sera toutefois probablement récompensé, et non puni, pour les décisions qu’il a prises sur le champ de bataille. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a déjà interviewé Hiram en vue d’en faire son prochain secrétaire militaire, rapportait le quotidien israélien Haaretz en mars.

Quel que soit le sort de Hiram, il est très peu probable que l’armée israélienne aille soit soutenir entièrement ses explications de l’incident « Hannibal massif » à la maison de Pessi Cohen, soit révéler tout ce qu’elle sait à propos de ce qui s’y est réellement passé le 7 octobre, parce que le faire la forcerait à saborder un pilier de la propagande israélienne sur les événements de cette journée : l’allégation selon laquelle le Hamas a sans la moindre pitié exécuté des bébés israéliens – un mensonge promu par Hiram, mais inventé d’abord par le commandant de l’unité nationale de secours intérieur de l’armée israélienne, le colonel Golan Vach.

 

L’enquête autour de la maison de Pessi Cohen commence immédiatement

L’enquête d’Israël sur le bain de sang de la maison Cohen n’a pas commencé en janvier, quatre mois après le combat. En fait, elle a débuté dans les 48 heures. Déjà, le lundi 9 octobre, des enquêteurs israéliens collectaient du matériel génétique auprès de la famille d’un des captifs tués sur place.

Une enquête immédiate de l’armée était nécessaire pour identifier avec certitude les noms des morts. Les tirs du char israélien commandés par Hiram avaient non seulement tué chaque humain resté dans le bâtiment ou dans ses parages cette nuit-là, sauf une civile israélienne, ils avaient également défiguré bon nombre de leurs corps au point qu’il était devenu très difficile de les identifier.

Mais, avant qu’Israël ne puisse utiliser l’ADN collecté, confirmer de qui il s’agissait et utiliser ces données pour assembler son compte rendu sur ce qui s’était passé à la maison de Pessi Cohen le 7 octobre, les faits basiques de l’incident avaient été publiquement établis quand l’une des deux seuls captives israéliennes à avoir survécu à la bataille avait raconté ce qu’elle avait vécu lors d’une interview télévisée donnée en direct un peu plus tard le même jour.

Le 9 octobre, Yasmin Porat, 44 ans, rappelait sur Channel 12 comment elle s’était enfuie avec son partenaire du festival Supernova et s’était réfugiée à Be’eri. Le couple avait été découvert quelques heures plus tard par les combattants de Qassam et détenus ensuite en compagnie d’un groupe de 14 autres captifs dans la maison de Pessi Cohen, une habitante du kibboutz.

Pendant leurs heures de captivité, la sœur de Cohen, Hannah, lui avait raconté comment, dans le groupe des 15 captifs, les combattants de Qassam n’avaient tué que son mari, Yitzhak Siton, « pendant leur entrée de force ».

« Quand ils ont essayé d’entrer, Siton a essayé de les en empêcher en s’appuyant sur la porte. Ils ont tiré dans la porte et il a été tué »,

avait dit Hannah à Porat.

« Ils ne l’ont pas exécuté. »

Une fois maîtrisés, les Israéliens n’ont plus subi de mauvais traitements des mains des combattants palestiniens, a dit maintes fois Porat aux interviewers.

« Ils n’ont pas été violents avec nous. Ils nous ont traités de façon très humaine »,

a dit Porat à la radio Kan.

« Ils nous donnaient quelque chose à boire de temps en temps. Quand ils voyaient que nous étions nerveux, ils nous calmaient. C’était très effrayant, mais personne ne nous a traités avec violence. »

Porat a eu la vie sauve lorsque le commandant de Qassam, Hasan Hamduna, a négocié par téléphone sa reddition aux forces israéliennes et a franchi leurs lignes au beau milieu du combat, emmenant Porat également dans le camp israélien.

Hamduna a été maîtrisé sur-le-champ et Porat a alors expliqué à toute une série de commandants israéliens sur place – le dernier étant le brigadier général Barak Hiram – que des dizaines de combattants de Qassam et une douzaine environ de captifs israéliens étaient toujours en vie dans la maison et tout autour.

« Pourquoi tirez-vous autant ? »

se souvient Porat d’avoir demandé aux officiers.

« Je ne comprenais pas pourquoi ils tiraient autant, s’ils comprenaient qu’il y avait des otages, ici. »

Deux jours après la première interview de Porat sur vidéo, l’armée israélienne sortait les premières conclusions de son enquête sur l’incident « Hannibal massif » à la maison des Cohen, mais elle ne les montrait qu’à la famille d’un seul civil israélien tué sur place : Tal Katz, le conjoint de Porat.

Les familles des 11 autres Israéliens tués au même endroit n’allaient pas être informés officiellement par l’État avant la semaine suivante, voire le mois suivant, que les êtres qui leur étaient chers avaient été tués. La plupart en furent informés entre six et sept jours plus tard, alors que la famille des captifs les plus carbonisés – Liel Hatsroni et sa grand-mère et tutrice Ayala – ne le fut qu’environ six semaines plus tard.

Mais, avant qu’aucune de ces familles israéliennes n’apprenne les pénibles nouvelles à propos de ses êtres chers, les autorités allaient d’abord informer la famille d’un adulte civil, presque entièrement incinéré par les tirs du char israélien, hormis ses dents. L’ADN de ses restes correspondait à celui prélevé sur des membres de sa famille deux jours plus tôt, le 9 octobre.

Des 13 civils tués à la maison des Cohen, la seule personne qu’Israël a fait passer avant toutes les autres, ironiquement, n’était pas un Juif israélien mais un musulman palestinien, Suhayb al-Razim, 22 ans, de Jérusalem-Est occupée.

Israël a tout d’abord identifié les corps d’al-Razim et de Katz et a informé leurs familles une semaine avant toutes les autres, parce qu’ils étaient les seuls captifs tués à la maison des Cohen qui n’étaient pas des résidents connus du kibboutz, ni leurs proches parents.

Katz avait cherché à se réfugier au kibboutz avec sa conjointe Yasmin Porat, après s’être enfui du festival Nova, alors que le conducteur de minibus al-Razim, qui avait transporté des fêtards sur le site du festival, y avait été capturé par les combattants de Qassam et amené à Be’eri, pour servir de traducteur entre eux et leurs captifs qui parlaient hébreu.

Une fois que l’armée israélienne eut établi les identités de tous les civils morts à la maison des Cohen et ce qu’ils faisaient en cet endroit, elle se mit à informer les médias à propos du combat, mais l’histoire qu’elle raconta à la presse était passablement différente des faits établis par Yasmin Porat, la première survivante à s’exprimer.

Le 11 octobre, le général Hiram dit à la publication d’infos en ligne Walla que les forces placées sous son commandement avaient sauvé quatre civils israéliens détenus en otage là-bas, alors qu’en fait, deux seulement avaient survécu au combat : Yasmin Porat et une autre femme, Hadas Dagan, 70 ans.

Hiram présenta également des chiffres différents pour le nombre total de captifs et de ravisseurs, portant le nombre total de civils sur le champ de bataille à 18 et le nombre total de Palestiniens à 20, bien que les chiffres réels aient été 15 otages civils gardés par au moins 40 combattants de Qassam. Il prétendit aussi, lors de la reconquête du kibboutz, avoir découvert des « bébés abattus dans leurs landaus ».

Toutes les listes établies avec les Israéliens morts le 7 octobre et dans son sillage immédiat révèlent qu’aucun bébé n’a été trouvé abattu dans un landau, et ce, dans aucune des zones dont le Hamas s’est emparé ce jour-là.

Hiram n’était pas le premier officier israélien à accuser le Hamas d’infanticides qui n’ont pas eu lieu, et il ne serait pas le dernier. Trois jours après la première série d’interviews de Hiram, la version de la bataille par l’armée à la maison de Pessi Cohen allait de nouveau changer, et cette fois, en adoptant une toute nouvelle tournure complètement insensée.

 

Les premières allégations à propos de bébés décapités ont été rapidement discréditées

Dans les tout premiers jours qui suivirent le 7 octobre et par l’entremise de ses assistants, le Premier ministre israélien Netanyahou se mit à accuser le Hamas d’avoir exécuté des bébés israéliens. Le porte-parole de Netanyahou insista en disant que parmi les victimes israéliennes se trouvaient des bébés et des enfants en bas âge qui avaient eu « la tête décapitée », et un officier supérieur israélien avait dit sur la chaîne de télévision i24 que les combattants palestiniens « coupaient les têtes des enfants ».

Les allégations de l’officier, le major Davidi Ben-Zion, a toutefois rapidement perdu une bonne partie de sa crédibilité, toutefois, quand il s’est avéré qu’il était le vice-responsable du conseil des colons israéliens en Cisjordanie du nord et qu’il avait lancé un appel en faveur d’un nettoyage ethnique des Palestiniens.

En février, Ben-Zion avait appelé dans un message sur les médias sociaux à « rayer de la carte » un village palestinien de plus de 5 000 habitants, Huwwara.

Mais l’allégation israélienne disant que les combattants du Hamas tranchaient les têtes des bébés fut surtout infirmée par le manque total de preuves pour l’étayer.

En fait, aucune photographie ou vidéo d’un enfant israélien décapité ce jour-là n’a jamais été rendue publique, que ce soit par le gouvernement israélien ou par quelqu’un d’autre.

Le 11 octobre, l’armée israélienne déclara qu’elle ne fournirait pas la moindre preuve médicolégale susceptible d’étayer cette accusation d’infanticide :

« Je n’ai pas la moindre preuve et je n’en cherche pas non plus [sic] »,

avait expliqué à Business Insider le porte-parole de l’armée, le major Nir Dinar.

L’accusation sembla se démêler rapidement, sous un examen plus minutieux : Le lendemain, un rapport de CNN la traitait avec un certain scepticisme, citant un haut responsable du gouvernement israélien qui revenait sur l’allégation définitive concernant les enfants décapités.

« Il y a eu des cas où des militants du Hamas ont effectué des décapitations »,

avait déclaré le fonctionnaire, resté anonyme.

« Toutefois, nous ne pouvons confirmer si les victimes étaient des hommes ou des femmes, des soldats ou des civils, des adultes ou des enfants »,

avait-il ajouté.

Le récit endura un autre coup d’importance quand Joe Biden prétendit faussement avoir vu des photos de

« terroristes décapitant des enfants »,

uniquement pour que la Maison-Blanche admette par la suite que ni le président ni aucun autre haut fonctionnaire américain n’avaient vu de telles photos et que l’administration n’avait pas de confirmation indépendante des allégations en provenance du gouvernement Netanyahou.

 

Un officier supérieur évoque une nouvelle allégation

C’est ainsi que, dans la brèche ouverte, put entrer un nouveau témoignage de première main à propos d’un bébé décapité et, cette fois, la chose émanait d’un témoin d’un rang supérieur, un premier répondant avec un dossier impeccable, habitué à représenter Israël sur le plan mondial.

Cet homme était le colonel Golan Vach, qui avait commandé l’unité nationale de secours du Commandement du Front intérieur de l’armée israélienne pendant six ans, de 2017 à janvier 2024.

Vach avait également dirigé la récupération des victimes israéliennes le 7 octobre et au cours des jours qui avaient suivi.

Au lieu d’ordonner que le ramassage des corps soit effectué par les hommes sous son commandement, lesquels avaient été entraînés à cette tâche par l’armée, Vach avait choisi de confier la sous-traitance de ce travail morbide à une organisation extérieure d’amateurs qui manquait des compétences nécessaires mais qui partageait sa conception religieuse du monde : ZAKA.

En octobre, Vach avait prétendu que ZAKA s’était chargé du fardeau de collecter les corps parce que d’autres organisations refusaient de le faire.

« Personne ne voulait entrer dans ces endroits, mais [ZAKA] était là »,

avait déclaré Vach à l’organisation Forum israélien de défense et de sécurité au cours des journées qui avaient suivi les attaques du 7 octobre. Selon un officier de l’unité du Commandement du Front intérieur formée pour effectuer ce travail macabre, toutefois, ses supérieurs avaient « supplié » leurs commandants d’assumer la nomination pour laquelle ils avaient été formés, mais leurs supplications avaient été repoussées.

Trois mois plus tard, Vach donnait une explication différente de l’engagement de ZAKA.

« L’officier de l’unité nationale de sauvetage en charge de ramasser les blessés et les morts est également l’officier des opérations spéciales de ZAKA, Chaim Otmazgin. C’est un excellent officier et, en même temps, un grand ami. À mon avis, c’est également le meilleur professionnel sur le terrain dans l’État d’Israël »,

déclarait Vach lors d’une interview.

« Essentiellement, ZAKA a été là du fait que Chaim était un officier de l’unité [nationale de sauvetage] »,

avait expliqué Vach.

« Il a emmené une chaîne de volontaires de ZAKA vers les sites où nous étions : la fête en plein air, le soir du 7 octobre et, les jours qui ont suivi, Be’eri, Kfar Aza, Nir Oz et, ensuite, tous les autres sites, naturellement. »

En mai, Associated Press a révélé qu’un adolescent israélien tué dans l’attaque du 7 octobre contre le kibboutz Be’eri n’avait pas subi d’agression sexuelle de la part des combattants palestiniens, comme Otmazgin l’avait prétendu à maintes reprises au parlement israélien et dans la presse internationale.

Finalement, quand il avait été confronté aux faits quelque six mois plus tard par AP, Otmazgin avait rétracté son allégation sinistre en disant :

« Finalement, il s’en est suivi quelque chose de différent, de sorte que j’ai corrigé mes propos. »

 

Fondé par quelqu’un accusé d’être un violeur d’enfant

ZAKA est l’un des plus importants fournisseurs de secours en Israël et, de façon surprenante, il a été fondé par un messianiste juif arrêté pour terrorisme dans les années 1980, bien qu’il n’ait certainement pas été le seul.

Le travail difficile consistant à préparer des corps à l’inhumation est un important service public que l’État d’Israël a en grande partie sous-traité à une organisation privée fondée par un terroriste religieux, Yehuda Meshi-Zahav.

Dans les années 1980, Meshi-Zahav dirigeait le Keshet, un gang de fanatiques ultra-orthodoxes qui terrorisaient les habitants de Jérusalem en faisant sauter des arrêts de bus, des magasins et des domiciles privés afin de punir l’utilisation de l’électricité les jours de sabbat, l’exhibition de photographies de femmes et la vente de journaux laïcs.

Parce qu’ils violaient prétendument les lois juives sur l’inhumation, le Keshet harcelait et menaçait de mort les médecins et les archéologues. Passablement effrayé après que des membres de sa famille avaient été arrêtés en raison de leur appartenance au gang, Meshi-Zahav s’était reconverti en tant que premier intervenant de l’élite parrainé par l’État.

Il avait alors fondé et dirigé pendant trois décennies ZAKA, une organisation qui rassemble en vue de les inhumer des corps qui ont été déchiquetés par l’un ou l’autre désastre naturel ou par la violence humaine.

Yehuda Meshi-Zahav, l'accusé de viol d'enfant qui a fondé ZAKA, l'organisation de « sauvetage » dont les membres ont inventé de multiples histoires d'atrocités le 7 octobre, avait des contacts avec les plus hauts responsables d'Israël. Yoav Gallant, à l'époque ministre de l'éducation, félicite Meshi-Zahav pour sa sélection en vue du prix Israël, comme le montre cet instantané extrait d'une vidéo postée sur Facebook par Gallant lui-même, le 2 mars 2021. Quelques jours plus tard, la police entamait officiellement une enquête sur de vieilles accusations de viol d'enfant émises à l'encontre de Meshi-Zahav.

Yehuda Meshi-Zahav, l’accusé de viol d’enfant qui a fondé ZAKA, l’organisation de « sauvetage » dont les membres ont inventé de multiples histoires d’atrocités le 7 octobre, avait des contacts avec les plus hauts responsables d’Israël. Yoav Gallant, à l’époque ministre de l’éducation, félicite Meshi-Zahav pour sa sélection en vue du prix Israël, comme le montre cet instantané extrait d’une vidéo postée sur Facebook par Gallant lui-même, le 2 mars 2021. Quelques jours plus tard, la police entamait officiellement une enquête sur de vieilles accusations de viol d’enfant émises à l’encontre de Meshi-Zahav. (Photo : via Facebook)

 

Meshi-Zahav a mis un terme lui-même à sa vie, quelques semaines après que, en 2021, la police avait ouvert une enquête suite à des allégations disant qu’il avait utilisé le pouvoir qu’il avait accumulé – tout d’abord comme chef du Keshet, ensuite, comme responsable de ZAZA – pour commettre de violents crimes sexuels contre des adultes et des enfants des deux sexes, et ce, pendant quatre décennies.

La longue série de crimes sexuels de Meshi-Zahav n’a sans doute été qu’un secret de polichinelle, au sein des communautés ultra-orthodoxes d’Israël, où certains l’avaient surnommé le « Jeffrey Epstein haredi ».

Pourtant, quand une masse critique d’accusateurs avaient été reçus dans les médias israéliens, le commandant de ZAKA pour les opérations spéciales, que le colonel Golan Vach avait chargé de superviser la découverte des corps après les combats du 7 octobre, n’avait pas pris ses distances vis-à-vis de son patron.

Au lieu de cela, Chaim Otmazgin l’avait publiquement défendu, prétendant que les nombreuses preuves à l’encontre de Meshi-Zahav avaient été obtenues par extorsion.

« La dernière chose qu’il était capable de faire, c’était de blesser autrui »,

avait insisté Otmazgin dans le journal israélien Maariv.

De façon surprenante, la transformation de Meshi-Zahav de terroriste à confident d’un chef de gouvernement s’était faite en parallèle avec celle d’un terroriste lanceur de bombes qui, aujourd’hui, siège encore au comité de direction de ZAKA : Nathan « Noose » Nathanson, le président du Conseil rabbinique de Jérusalem. En 1980, l’homme faisait partie d’une cellule de terroristes qui, lors d’un attentat à la bombe, avaient fait perdre ses jambes au maire palestinien de Naplouse, Bassam Shakaa.

Nathanson et ses camarades du Jewish Underground (Clandestinité juive), jetés en prison pour avoir tué par balles ou à coups de bombes des étudiants de l’Université de Hébron, avaient bénéficié d’un large soutien des dirigeants juifs d’Israël et des États-Unis, parmi lesquels le fondateur et président du Centre Simon Wiesenthal, le rabbin Marvin Hier. Plus tard, les peines de prison prononcées contre le Jewish Underground avaient été écourtées par le président israélien Chaim Herzog, père de l’actuel président Isaac Herzog.

Outre le fait qu’il supervise les opérations de ZAKA, le non-repenti Nathanson est depuis des années l’un des proches conseillers de l’ancien Premier ministre israélien Naftali Bennett. Bennett a lui aussi amplifié le mensonge prétendant que Liel Hatsroni a été brûlée vive le 7 octobre par des combattants palestiniens antisémites, et il a lui aussi demandé par la même occasion qu’Israël puisse la venger en incendiant Gaza.

« Elle a été assassinée pour la simple raison qu’elle était juive »,

avait tweeté Bennett en novembre.

Après que le brigadier général Barak Hiram avait admis dans le New York Times qu’il avait ordonné au char de tirer sur la maison de Pessi Cohen « même au prix de pertes humaines », Bennett était revenu sur X pour le défendre contre la critique de sa décision d’appliquer la directive Hannibal contre une douzaine de civils israéliens.

« Arrêtez. Tout simplement, arrêtez immédiatement avant que cette idée ne se propage »,

avait tweeté Bennett en hébreu.

Après le 7 octobre, des volontaires de ZAKA chargés par Vach de rassembler des corps ne se sont pas gênés pour consigner par écrit ce qu’ils avaient vu sur le champ de bataille. Bien vite, ils se sont mis à prétendre, toutefois, que les Palestiniens avaient perpétré des crimes particulièrement barbares, ce jour-là, dont le plus révoltant était peut-être bien le fait que les combattants palestiniens avaient arraché un fœtus du ventre d’une femme et l’avaient poignardé à mort dans la tête.

Bien que cette allégation ait été complètement démystifiée et discréditée comme étant une invention du commandant de ZAKA pour la région sud, Yossi Landau, elle a été répétée comme avérée un peu partout dans le monde.

 

Le colonel a accusé le Hamas de la mort de personnes brûlées vives par Israël

Aussi horribles qu’elles soient, les histoires d’atrocités inventées par Landau et d’autres volontaires de ZAKA sont bien pâles en comparaison avec celles qu’a inventées le colonel Golan Vach, qui commandait l’opération de collecte des corps de l’armée israélienne le 7 octobre et dont les témoignages ont constitué la base des allégations israéliennes disant que le Hamas a assassiné – en les brûlant vifs – huit bébés israéliens ce jour-là.

Le 12 octobre, Vach affirmait une première fois face aux journalistes, lors d’un briefing en ligne, qu’il avait personnellement découvert dans une maison de Be’eri le corps d’« un bébé à la tête tranchée ». Quand les journalistes en ligne lui avaient demandé des photographies du bébé et d’autres détails sur les circonstances des décapitations, Vach s’était énervé.

Le lendemain, le 13 octobre, Vach avait prétendu avoir retrouvé personnellement les corps de plusieurs enfants en bas âge tués le 7 octobre.

« J’ai trouvé certains bébés à qui on avait tranché la tête et je les ai évacués personnellement »,

avait expliqué Vach à Jewish Insider.

« Je sais que certaines personnes demandent des preuves et je prenais des photos, mais je n’ai pas pu prendre des photos du bébé, je n’ai tout simplement pas pu le faire. »

Prendre une photo de qui que ce soit, jeune ou vieux, et déterminer si sa tête n’est pas en position correcte est un acte banal qui ne requiert pas de compétences particulières. Les journalistes qui demandaient à Vach des preuves photographiques d’un bébé décapité posaient en fait des questions valables qui ne pouvaient être aisément rejetées.

Pour que l’on croie l’histoire du bébé décapité, cette histoire allait devoir être améliorée d’une façon qui aurait mis les journalistes dans l’impossibilité de la vérifier, même avec des preuves photographiques.

Le lendemain, le 14 octobre, Vach proposa à des dizaines de journalistes locaux et étrangers de faire le tour du kibboutz Be’eri. Sur place, Vach se plaça en face d’une maison incendiée et affirma qu’il avait personnellement retiré le corps d’un bébé décapité de l’intérieur de la maison, le 7 octobre.

Les médias traditionnels des États-Unis – dont le New York Times – et du monde entier ont pris les propos de Vach au pied de la lettre et se sont donc mis à rapporter ses allégations d’infanticide comme s’il s’agissait de faits réels.

« Le bébé était décapité »,

avait dit Vach à Global News, du Canada.

« Les histoires de bébés décapités sont véridiques. »

Dans son récit en direct de l’affaire, toutefois, Vach a prétendu qu’il avait découvert le bébé décapité dans les bras d’une femme qui présentait des blessures par balles dans le dos – et que tous deux, elle et le bébé, avaient été horriblement brûlés par les flammes.

« J’ai découvert une mère gisant sur le sol et protégeant son bébé et elle avait été abattue dans le dos, et le bébé était décapité »,

avait déclaré Vach à la nuée de journalistes.

« Était-ce un garçon ou une fille ? »,

avait demandé un journaliste à Vach.

« Je n’ai pas vu, il était brûlé »,

avait-il répondu en hébreu.

« Oh, brûlé aussi ? Un bébé, vraiment ? »,

avait insisté le journaliste.

« Oui »,

avait répondu Vach, acquiesçant et montrant du doigt la maison derrière lui.

« Vous pouvez voir la maison. »

Les brûlures provoquent une défiguration sévère, de sorte que définir l’identité d’une personne qui est morte carbonisée est souvent impossible à partir d’une seule photographie. Pourtant, Vach n’a pas fourni la moindre preuve photographique susceptible d’étayer ses allégations.

À partir de ce jour-là, toutefois, on allait le croire quoi qu’il en soit. Par conséquent, Vach continua d’amener des groupes de journalistes à la même maison incendiée afin de leur servir son sinistre récit.

« Une femme était couchée ici. Elle brûlait toujours, de sorte qu’on a pu la reconnaître. Elle avait été touchée dans le dos et elle protégeait un bébé. Un petit bébé, je ne sais pas exactement, un an, ou deux ans, et le bébé était décapité. J’ai pris le bébé avec mes propres mains »,

avait expliqué Vach à i24 News deux semaines plus tard.

Dans la maison où Vach prétendait avoir retrouvé ces deux corps, les combattants palestiniens avaient en fait tué deux Israéliens, nommés Cohen également, mais sans relation avec Pessi. L’une des victimes était Milla Cohen – le seul bébé (une fille) tué dans sa maison le 7 octobre, dans les bras de sa mère.

Mais le parent de la fillette tué dans cette maison n’était pas la mère de Milla, Sandra, mais son père, Ohad Cohen.

« Ils sont restés assis pendant des heures dans la pièce sécurisée. Ils entendaient les terroristes à l’intérieur de la maison. Des balles ont percé la porte. Et, malheureusement, Milla a été tuée tout de suite »,

a expliqué plus tard un ami de la famille à l’ONG israélienne Darkenu.

« Ohad a ouvert la fenêtre, a déboulé vers l’extérieur et les terroristes sont revenus et l’ont tué. »

Sandra Cohen elle-même a été touchée par des balles palestiniennes, a dit la femme, mais elle et ses deux fils sont parvenus à survivre à l’épreuve.

Milla Cohen a été tuée par des balles qui ont traversé une porte fermée. Elle n’a pas été décapitée. Ni elle ni sa mère n’ont été brûlées vives. Le colonel Golan Vach s’est emparé de l’horrible homicide de Milla et l’a déformé pour en faire un mensonge calomnieux aux proportions grotesques.

 

Le colonel Golan Vach se tient en face de la maison d'Ohad Cohen au kibboutz de Be'eri le 14 octobre 2023. C'est là que le bébé Milla Cohen a été tué par des balles qui ont traversé une porte fermée. Vach a menti aux médias en disant que Milla, le seul bébé israélien à avoir été tué dans sa maison le 7 octobre, avait été décapité et brûlé.

Le colonel Golan Vach se tient en face de la maison d’Ohad Cohen au kibboutz de Be’eri le 14 octobre 2023. C’est là que le bébé Milla Cohen a été tué par des balles qui ont traversé une porte fermée. Vach a menti aux médias en disant que Milla, le seul bébé israélien à avoir été tué dans sa maison le 7 octobre, avait été décapité et brûlé. (Photo : Yotam Ronen / ActiveStills)

 

Il a été prétendu que les Israéliens brûlés par Hiram étaient des bébés brûlés par le Hamas

Alors que Milla et Sandra Cohen n’ont pas été carbonisées, de nombreuses personnes mortes le 7 octobre l’ont en fait été au point de défier toute reconnaissance.

En novembre, Israël a révisé ses chiffres concernant le nombre de ses citoyens tués lors de cette fameuse journée, le faisant passer d’environ 1 400 à environ 1 200, et ce, après avoir compris qu’au moins 200 des personnes brûlées vives ce même jour n’étaient pas des Israéliens, comme il l’avait d’abord présumé, mais en fait, des combattants palestiniens.

Une telle erreur de calcul n’a pu se produire de la part d’Israël que si ses forces avaient tiré sur les gens sans se préoccuper de ce qu’ils aient été israéliens ou palestiniens.

Et, effectivement, nombre des personnes dont les corps ont été retrouvés faisaient partie des citoyens israéliens et le groupe le plus connu d’entre eux se trouvait de l’autre côté du kibboutz, dans la maison de Pessi Cohen.

Vach a également amené des personnalités de premier plan, des journalistes et d’importants hommes politiques à la maison de Pessi Cohn et, sur place, à maintes reprises, il a répété son affirmation disant qu’il avait personnellement retrouvé des corps de bébés brûlés – non plus un, mais huit, cette fois !

« Là, exactement où vous êtes, deux couples étaient couchés. Deux hommes, deux femmes. Menottés. Et, à l’intérieur de cette maison, se trouvaient 15 autres personnes carbonisées. Parmi ces personnes, huit bébés »,

expliqua Vach à un groupe de journalistes, le 14 octobre.

« Dans ce coin-ci. Ils étaient concentrés là et ils les ont tués, puis les ont brûlés. »

Interrogé par un journaliste d’Anadolu désireux de savoir s’il avait lui-même ramassé leurs corps, Vach avait répondu sans équivoque par l’affirmative :

« C’est moi qui les ai évacués »,

en insistant bien sur le « moi ».

Quand Golan Vach était venu à la maison de Pessi Cohen pour évacuer les corps qui s’y trouvaient, il avait dit qu’il avait vu les corps de 19 civils israéliens tués par le Hamas et dont huit étaient des bébés brûlés.

En fait, ce qu’il y avait devant lui, c’étaient les restes déchirés et carbonisés d’un civil palestinien de Jérusalem, de dizaines de combattants palestiniens de Gaza et d’une douzaine de civils israéliens, dont deux seulement étaient des adolescents, alors que le reste était constitué des personnes d’âge moyen ou plus âgées. Il n’y avait pas un seul bébé, pas même un petit enfant, parmi ces morts.

À l’exception de Yitzhak Siton (abattu par le Hamas lors de sa prise initiale du kibboutz), le sang de la plupart des morts – sinon tous – de la maison de Passi Cohen entache les mains du commandant israélien qui a donné l’ordre de tirer deux obus de char sur la maison, le brigadier général Barak Hiram.

Si l’accusation de Vach disant que les combattants du Hamas avaient exécuté et brûlé huit bébés israéliens n’a aucun fondement de vérité, l’homme est du moins honnête quant à la raison pour laquelle la maison Cohen non seulement a été considérablement endommagée au cours de la bataille, mais a également été laissée dans un état de ruine absolue.

« Cette destruction a été provoquée par l’attaque de nos chars »,

a déclaré Vach à l’adresse du même journaliste d’Anadolu.

« Parce qu’ils étaient bloqués dans ces maisons. Et nous devions reconquérir la totalité de la colonie. »

À l’instar du mensonge de Vach disant qu’il avait retrouvé un bébé israélien brûlé dans la maison d’Ohad Cohen, son autre mensonge à propos de sa prétendue découverte de huit bébés israéliens brûlés dans la maison de Pessi Cohen a en fait été rapporté aux États-Unis et a fait le tour du monde.

Le lendemain du jour où Vach avait inventé le mensonge des huit bébés brûlés dans la maison de Pessi Cohen, Yasmin Porat avait raconté l’histoire de sa survie à la presse israélienne, en l’occurrence à l’émetteur de radio Kan. Elle avait de nouveau expliqué comment elle et un groupe d’Israéliens, parmi lesquels ne figurait aucun petit enfant, avaient été brutalement capturés par le Hamas et détenus en otage dans la maison de Pessi Cohen mais, par la suite, avaient été traités avec humanité, sans qu’il y ait d’exécution sommaire ni quelque préjudice que ce soit.

Dans un fragment d’information publié le lendemain, Vach avait tâtonné dans sa narration concernant les huit bébés prétendument brûlés, et il avait gonflé le nombre de corps israéliens qu’il prétendait avoir récupérés dans la maison de Pessi Cohen et aux alentours en vue de les inhumer.

Quand il entama son récit le 14 octobre, Vach déclara aux dizaines de journalistes qu’il avait récupéré 15 corps israéliens à l’intérieur de la maison, et quatre autres dans la pelouse devant la maison, ce qui faisait en tout 19 corps.

Lors d’une autre visite du même site, le jour même, Vach fit une pause de quelques secondes au beau milieu d’une phrase, additionnant apparemment les deux chiffres ensemble dans son esprit, et il prétendit ensuite que 15 était le nombre d’adultes israéliens tués par les combattants de Qassam à l’intérieur de la maison, auxquels il ajoutait les huit bébés qu’il disait avoir trouvés sur place, ce qui faisait 23 corps à l’intérieur de la maison plus quatre autres victimes à l’extérieur, soit un total de 27 Israéliens morts.

« Nous avons découvert une famille à l’extérieur, exactement là où vous vous tenez pour l’instant »,

avait-il dit.

« Ils gisaient là. Deux couples : menottés et exécutés. Deux femmes, deux hommes. Mais ce n’était que le début de ce que nous avons vu à l’intérieur »,

avait ajouté Vach alors qu’il se trouvait en face de la maison de Pessi Cohen.

« Dans ce coin du séjour, nous avons découvert une concentration de huit bébés brûlés parmi 15 autres personnes (…) dans ce séjour et dans le suivant. » (Les italiques sont de l’auteur de l’article, NdT.)

Ce n’est que trois jours plus tard, le 17 octobre, qu’Israël allait informer les familles des résidents du kibboutz détenus en otage sur place que leurs proches avaient en fait perdu la vie.

Mais ce fut une semaine après que l’armée avait été mise au courant des identités de chaque civil mort à la maison de Pessi Cohen. C’était après que le général directement responsable de leur mort et le chef de l’unité de secours qui avait rassemblé les corps avaient donné de multiples interviews à la presse en mentant sur ce qui s’était passé en cet endroit.

La seule exception dans l’information des familles par Israël a été la famille Hatsroni : Ayala, la voisine de Pessi Cohen, et Liel, la petite-nièce qu’elle avait élevée dès sa naissance, n’allaient pas être déclarées mortes officiellement avant un autre mois, parce qu’elles avaient été complètement carbonisées à la suite des tirs du char israélien, et même des traces infimes de leur ADN n’avaient pu être concluantes.

 

Un général israélien enjolive le récit de la bataille afin de tenir compte des atrocités inventées par le chef des secours

Les nouvelles allégations du colonel Golan Vach selon lesquelles 19 et même 23 civils israéliens avaient été tués par le Hamas à la maison Cohen ont créé un sérieux problème pour le général Hiram, qui avait ordonné les tirs de char.

Les comptes de Vach du nombre de civils israéliens tués en cet endroit étaient jusqu’à 50 pour 100 plus élevés que les chiffres corrects rapportés plusieurs fois par Yasmin Porat, qui avait survécu au bain de sang. Pire encore, Vach avait introduit huit enfants dans le nombre de morts – des bébés qui n’avaient jamais existé.

Hiram n’eut alors d’autre choix que de modifier sa version des événements, gonflant les chiffres qu’il avait divulgués deux semaines plus tôt à l’organe d’information israélien Walla.

Le 26 octobre, dans une interview superficielle avec Ilana Dayan, l’animatrice de Uvda, la prestigieuse émission d’enquête de la chaîne israélienne Channel 12, Hiram fit passer le nombre de combattants palestiniens qu’il avait combattus de 20 à 26 et le nombre de civils israéliens qu’ils avaient prétendument tués de 14 à 16.

Dans cette interview, Hiram soutint tacitement aussi l’affirmation de Vach disant que le Hamas avait exécuté huit bébés sur place, tout en modifiant la cause présumée de leur décès : ils avaient été abattus et non plus brûlés.

« Nous avons trouvé là huit bébés attachés ensemble et tués par balle »,

dit Hiram à Dayan.

Outre le mensonge à propos du Hamas qui aurait exécuté huit enfants israéliens dans la maison Cohen, les allégations modifiées de Hiram selon lesquelles ses forces « avaient sauvé environ quatre » des 20 civils détenus en otage et tué 26 de leurs ravisseurs palestiniens restent en contradiction avec les comptes rendus des seules survivantes civiles de la bataille.

Quand une deuxième survivante civile, Hadas Dagan, rompit le silence lors d’une interview sur Channel 12 diffusée début décembre, elle confirma le récit de la bataille par Yasmin Porat : Au moins 40 combattants palestiniens (et non entre 20 et 26) détenaient 15 civils en otage dans la maison Cohen, et seules deux Israéliennes avaient survécu.

L’une des deux survivantes, Porat, avait été éloignée du camp de bataille par Hasan Hamduna, qui commandait les forces de Qassam, alors que Dagan avait survécu aux autres civils parce qu’elle avait été protégée par le corps de Tal Katz, le conjoint de Porat, et par le corps de son propre mari, Adi Dagan, des obus de char qui avait tué toutes les autres personnes restées dans la maison ou tout autour.

Les forces de Hiram n’ont « pas mené un combat vraiment héroïque », à la maison Cohen, comme l’a prétendu la journaliste Dayan, de Channel 12. À aucun moment de la bataille, longue de plusieurs heures, elles n’ont exécuté son commandement supposé de risquer leur vie et de

« faire irruption à l’intérieur pour tenter de sauver les citoyens ».

Les nouveaux chiffres proposés par Hiram à Channel 12 semblent avoir été une tentative de trouver un compromis entre les récits d’atrocités inventés par le chef des secours israéliens, le colonel Golan Vach et l’embarrassante vérité assénée à plusieurs reprises par les seules survivantes civiles de la bataille, Yasmin Porat et Hadas Dagan.

Deux mois plus tard, le New York Times publiait un article sur les combats qui avaient eu lieu le 7 octobre à Be’eri, y compris le combat à la maison Cohen.

L’article répertorie correctement le nombre de civils détenus en otage sur place et inclut de nouvelles réflexions de Hiram à propos de la bataille, mais ne fait aucunement mention de ses interviews antérieures ou de ses comptes erronés. Et, alors que l’article du NY Times incriminait Hiram pour avoir appliqué la directive Hannibal, provoquant ainsi la mort de civils israéliens, il couvrait également ses allégations d’infanticide – des allégations instrumentalisées par le gouvernement israélien pour accroître la légitimité de son offensive contre Gaza après le 7 octobre.

Le surlendemain, à la veille de Noël, The Electronic Intifada révélait que les récits de la bataille de Hiram étaient truffés de mensonges et que son allégation disant que les combattants palestiniens avaient exécuté huit enfants israéliens n’était qu’une sinistre accusation de meurtre.

 

Des histoires d’atrocités sans la moindre preuve

Les témoignages de Hiram ne peuvent être confirmés ou infirmés par le commandant de l’unité de chars qui, apparemment, a exécuté son ordre de tirer des obus sur la maison de Pessi Cohan, le lieutenant-colonel Salman Habaka : il est mort en novembre.

Habaka a été l’officier israélien le plus haut gradé à être abattu dans l’invasion au moment où il a été pris en embuscade dans la bande de Gaza après avoir répondu à un appel au secours du lieutenant-colonel Tomer Greenberg, le commandant d’unité du 13e bataillon de la brigade Golani. Greenberg lui-même allait être tué en action à Gaza juste une semaine plus tard.

Un autre soldat qui manœuvrait le char est toujours assailli par ses souvenirs de la conclusion du combat.

« Je suis sorti de là en pensant : De quoi ai-je l’air ? D’un assassin ? »

a déclaré sur Channel 12 en mars un soldat uniquement identifié par la lettre Y.

« Vous pensez que vous êtes venu pour faire de votre mieux, que vous venez défendre la colonie et, ensuite, rétrospectivement, il s’avère que vous avez tué des citoyens. »

Les nombreux mensonges de Hiram à propos de la bataille à la maison de Pessi Cohen à Be’eri ont apparemment été des tentatives en vue de se protéger lui-même des conséquences de ses décisions de commandement.

Sa haine des Palestiniens n’a rien de suspect, toutefois. Il est résident de la colonie de Tekoa, près de Bethléem, en Cisjordanie occupée et, dans son interview sur Channel 12, Hiram a décrit les attaques du 7 octobre non pas comme « la sauvagerie du Hamas » ni même comme « la barbarie palestinienne », mais comme « la soif de meurtre des Arabes ».

La haine de Hiram à l’égard des Arabes ne date pas du 7 octobre, selon des Israéliens qui le connaissent depuis sa jeunesse. Quand sa professeure d’éducation civique à l’école supérieure de Haïfa essayait d’inculquer des valeurs démocratiques à ses étudiants, Hiram ripostait par des arguments d’extrême droite, ou des

« commentaires à la Kahane »,

a expliqué l’un de ses camarades de classe.

« Les positions exprimées par Barak au sujet des Arabes étaient extrémistes et généralisatrices. Comme son statut social était solide et qu’il était doté d’un charisme extraordinaire, il entraînait un nombre non négligeable d’étudiants, rappelait un autre copain de classe de Hiram.

« Dans chaque sujet où la professeure tentait de transmettre un message humaniste libéral, Barak répondait d’une façon très contraire. »

L’incessante hostilité de Hiram envers les Palestiniens poussa finalement la professeure à quitter la classe. La paille qui brisa le dos du chameau, rappelait le copain de classe, fut un cours sur le massacre de Kafr Qasem, en 1956, quand la police israélienne des frontières assassina 49 citoyens palestiniens et en blessa des dizaines d’autres.

« Barak dit quelque chose d’intolérable et la professeure quitta la classe en pleurs. Il fut très clair dès ce moment qu’elle ne nous enseignerait plus rien »,

rappelait le copain de classe dans Haaretz.

Plus tard, Hiram a vécu et travaillé pendant des années à Sde Bar, une école de terrain pour jeunes juifs en difficulté, située en Cisjordanie occupée. Il y a quinze ans, le journal israélien Maariv rapportait que l’école était complètement imprégnée de racisme et que, régulièrement, les étudiants allaient « se déchaîner » sur les Palestiniens locaux.

Selon Maariv, le fondateur et directeur de l’école, Yossi Sadeh, encensait le tueur en série de Palestiniens, Baruch Goldstein, et il se vantait que, durant son service militaire, lui-même

« avait torturé des Arabes et transpercé leurs jambes avec des éclats de verre ».

Quand cette violence raciste fut révélée, Hiram – qui, à l’époque, était déjà devenu capitaine à l’armée – prit la défense de Sadeh en déplorant le fait que dénoncer ses crimes équivalait « à mettre sa tête à prix ».

N’empêche, il est probable que la principale motivation de Hiram dans ses mensonges sur les événements de Be’eri soit d’éviter les répercussions d’avoir abrégé l’existence de civils israéliens de l’une des façons les plus effroyables qui soient, en les brûlant vifs.

Protéger la réputation de Hiram constitue également la motivation probable des soldats qui ont combattu sous ses ordres et qui, ces derniers mois, l’ont encensé dans les médias israéliens.

« Le 7 octobre, j’ai combattu à Be’eri, j’ai tiré des obus de char sur des terroristes dans le kibboutz »,

a expliqué le lieutenant-colonel Guy Basson à la chaîne israélienne Channel 12 lors d’une interview diffusée le 20 janvier, tout en faisant remarquer qu’il était présent au combat de la maison de Pessi Cohen et qu’il avait

« vu les choses de tout près ».

Invité à rappeler les pires scènes qu’il avait vues ce jour-là, Basson décrivit la maison Cohen comme « une garderie » et dit qu’à l’intérieur, il avait vu « huit bébés » qui avaient été « massacrés » par les Palestiniens.

Après avoir répété le mensonge du colonel Vach et du général Hiram à propos des huit bébés israéliens exécutés, Basson ajouta alors ses propres fioritures au récit des atrocités.

« Une autre image qui m’a frappé, c’est quand j’ai vu Genia – qu’elle repose en paix –, une vieille femme du kibboutz Be’eri, quand j’ai vu le numéro tatoué sur son bras »,

dit Basson.

« Elle avait survécu à l’Holocauste à Auschwitz et, pour finir, elle était morte au kibboutz de Be’eri. »

Aucune personne de ce genre n’a vécu ou n’est morte à Be’eri le 7 octobre ; l’histoire a été entièrement inventée par Basson.

Après que le quotidien israélien Haaretz eut fait remarquer que les allégations de Basson à propos de huit bébés exécutés étaient fausses, l’armée israélienne dit qu’elle n’avait

« pas l’intention de décrire une réalité qui ne s’était pas produite, et nous présentons nos excuses si quelqu’un a été offensé. Nous rétablirons les faits dans leur vérité et les clarifierons à tous les commandants impliqués dans l’effort médiatique ».

En effet, le vétéran – c’est ainsi que l’homme s’est présenté – de la bataille de la maison de Pessi Cohen à avoir plaidé ensuite au nom de Hiram dans les médias – un certain colonel Ashi – n’a fait aucune mention d’enfants israéliens de quelque âge que ce soit ayant été abattus, brûlés ou violés en cet endroit de quelque façon que ce soit – ni même d’avoir été du tout sur les lieux de combat.

En fait, non seulement Ashi n’a pas mentionné le moindre bébé israélien brûlé vif dans la maison de Pessi Cohen – il a également suggéré qu’aucun Israélien n’avait été brûlé vif en cet endroit. Selon Ashi, tous les civils tués dans la maison étaient déjà morts au moment où Hiram avait donné l’ordre de tirer les obus de char meurtriers.

« Je ne crois pas qu’il y ait encore eu des gens vivants, en cet endroit »,

a déclaré Ashi sur Kan dans une interview diffusée le 1er mars.

« Pour autant que je sache, l’obus a frappé en hauteur, au-dessus des chevrons de la maison et, par conséquent, je ne crois vraiment pas que quelqu’un ait été blessé de ce fait. Mieux encore, je suis allé dans la maison par la suite et, là non plus, je ne pense pas que quelqu’un ait été blessé par l’obus tiré vers l’intérieur. »

Le récit d’Ashi allait être particulièrement discrédité par les témoignages des deux seules civiles à avoir survécu à la bataille.

Yasmin Porat dit qu’après avoir quitté la maison Cohen et avoir traversé vers les lignes israéliennes quand la bataille était engagée depuis une heure, elle avait calmement expliqué à une série de commandants de l’armée, le dernier étant le général Hiram en personne, qu’il restait environ une douzaine d’otages vivants dans la propriété.

Yasmin Porat et Hadas Dagan disent toutes deux que Liel Hatsroni avait sans cesse hurlé de façon hystérique durant plusieurs heures, depuis le début de la bataille jusqu’à la fin.

« Quand les deux obus ont frappé, elle a cessé de crier »,

avait dit Dagan à Porat, qui s’en souvient, après la bataille.

« Après cela, ç’a été le silence. »

« Ce que Hadas a décrit de l’intérieur de la maison était exact »,

a confirmé le colonel Shlomo Pariente, un autre militaire israélien qui a participé à ce combat.

« Après cet obus, il n’y a plus rien eu »,

a expliqué Pariente à Haaretz.

« Pas de bataille, pas de tirs, non, plus rien du tout. »

Plus tard, quand il fut confronté à la différence entre ses déclarations et celles des survivantes Porat et Dagan, Ashi refusa de clarifier ses commentaires en faisant remarquer à Haaretz :

« Je ne vous dirai rien. »

Basson et Ashi ont sans doute menti, à propos de la bataille de la maison de Pessi Cohen, pour tenter de protéger leur officier supérieur Barak Hiram des répercussions pour avoir appliqué la directive Hannibal à une douzaine de civils au moins.

Toutefois, le chef des secours de l’armée, le colonel Golan Vach, qui n’était arrivé à Be’eri que plusieurs heures après que le char avait tiré ces obus décisifs, n’a pas menti à propos de la bataille par loyauté envers Hiram. Il avait plutôt une motivation propre à vouloir transformer les échecs militaires en récits d’atrocités antisémites : manufacturer un consentement à l’anéantissement total par Israël de la bande de Gaza.

 

Le chef des secours veut réprimer Gaza

Dès le départ, Vach n’a pas hésité sur les leçons qu’il croyait devoir être tirées des récits d’atrocités qu’il avait inventés à propos des combattants palestiniens brûlant des bébés israéliens. Dans des interviews données à nombre de publications d’information, Vach avait à maintes reprises tiré une ligne directe entre les bébés brûlés non existants et la riposte correspondante que, selon lui, Israël allait devoir déchaîner contre la bande de Gaza.

« J’ai découvert ce concept au cours des quelques jours écoulés : concentrer les gens dans un endroit pour les tuer et les brûler. Quelle est exactement la raison de la chose, je n’en sais rien. Mais, après quelques jours, je savais que j’allais devoir suivre les incendies »,

avait déclaré Vach au journal The Sun alors qu’il se tenait en face de la maison de Pessi Cohen, le 14 octobre.

« Ainsi donc, dans cette maison en particulier, il y avait 19 personnes. Et j’en fais l’exemple de ce à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui même à Gaza. Et c’est exactement la raison dont nous avons besoin pour nettoyer cette région, et pas seulement le périmètre autour du kibboutz. »

« Dans ce coin de cette salle de séjour, nous trouvons une concentration de huit bébés, brûlés »,

a expliqué Vach à un autre groupe de journalistes tout en se tenant en face de la même maison, le même jour.

« Si nous avions besoin de quelque chose pour nous convaincre, c’est que nous ne pouvons pas utiliser les mêmes outils démocratiques qu’utilise le monde. Ce ne sont pas les droits humains, qui vous viennent à l’esprit »,

a-t-il dit plus tard au groupe.

Dans une troisième interview donnée le même jour à The Mirror, Vach est parvenu à transmettre brièvement les deux messages en exactement 29 mots :

« Non seulement, j’ai vu un bébé décapité par le Hamas, je l’ai tenu en main. C’est pourquoi la région doit être nettoyée de ces gens-là. »

On peut présumer que Vach a transmis les mêmes histoires fausses – et le même argument disant qu’elles exemptent Israël de ses obligations vis-à-vis des lois internationales – quand il a proposé des visites du kibboutz détruit la veille, le vendredi 13 octobre, à certains des hommes politiques les plus puissants d’Europe : la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, la présidente du parlement de l’Union européenne, Roberta Metsola et d’autres VIP encore.

Les mensonges de Vach ont indubitablement contribué à l’énorme soutien apporté à l’anéantissement de Gaza.

Dans une interview enregistrée quelques jours après ces visites, Vach a expliqué à l’organisation Israel Defense and Security Forum qu’il espérait que l’armée israélienne allait envahir Gaza pendant cinq mois et

« y régler les comptes pour les cent années à venir ».

Le mois suivant, le secrétaire général du forum se mit lui aussi à sortir de fausses allégations d’infanticide pendant qu’il proposait une visite des sites des combats du 7 octobre au nom de l’armée.

« Ils n’ont pas seulement tué des juifs ici – ils l’ont fait en les maltraitant sévèrement »,

dit le lieutenant-colonel Yaron Buskila à un correspondant en langue hébraïque lors d’une interview sur vidéo postée en ligne fin novembre.

« Ici, il y avait également des enfants, des bébés suspendus à une corde à linge, littéralement en une rangée. »

« Ç’a été une scène très pénible… Je – quand je l’ai vue, cela m’a choqué »,

déclara Buskila.

Le journaliste israélien détruisit la vidéo et s’en excusa le lendemain quand on lui fit remarquer les mensonges de Buskila.

Le faux témoignage de Buskila et sa démystification rapide soulevèrent bientôt des questions sur d’autres histoires d’atrocités colportées par Israël et ses partisans. Le journal israélien Haaretz avait utilisé des données qu’il avait collectées sur tous les citoyens israéliens et ressortissants étrangers tués le 7 octobre afin de démontrer que de nombreuses allégations d’atrocités commises par les combattants palestiniens étaient en fait des mensonges purs et simples.

Haaretz déclara par euphémisme que Golan Vach et plusieurs autres avaient « diffusé des informations non vérifiées » à propos de ces combats.

Dans son enquête, Haaretz fit remarquer que les médias sociaux du gouvernement israélien avaient publié une vidéo de Vach en train de raconter ses mensonges en face de la maison de Pessi Cohen. Le texte du message était celui-ci :

« Écoutez les propos du témoin des huit bébés brûlés et du bébé décapité qui ont été charcutés par les terroristes du Hamas le 7 octobre. Le mal absolu. »

Le message est toujours en ligne au moment où le présent article est publié, c’est-à-dire de nombreux mois plus tard.

En guise de réponse à Haaretz, l’armée israélienne déclara que Vach

« avait utilisé les mots ‘bébés’ pour décrire un certain nombre de corps d’enfants qui avaient été trouvés. L’erreur avait été commise en toute bonne foi et ne diminue en rien la gravité des atrocités commises. »

Quand les organisations de solidarité palestiniennes ont protesté contre la visite de Vach en Afrique du Sud en avril, faisant remarquer ses mensonges à propos des bébés brûlés en réclamant son arrestation, Vach s’empressa de sortir la même excuse, admettant tacitement que ces bébés n’existaient pas vraiment, prétendant que les corps qu’il avait retrouvés

« avaient tellement rétréci d’avoir été brûlés qu’il était malaisé de savoir s’il s’agissait de bébés ou d’enfants ».

Présumant que « des corps d’enfants » est une référence aux jumeaux de 12 ans Liel et Yanai Hatsronibrûlés vifs par les tirs de char commandés par Barak Hiram – l’armée prétend ici que Vach parlait des corps de deux jeunes étudiants du secondaire quand il avait dit :

« Dans ce coin de cette salle de séjour, nous avons trouvé une concentration de huit bébés, brûlés. »

Lors de sa première interview télévisée, 48 heures après la bataille, la survivante Yasmin Porat, mère de trois enfants, estima que les jumeaux Hatsroni, qu’elle avait vus pour la première fois le 7 octobre, étaient des

« adolescents (…) de 14 ou 15 ans. »

Dans une interview ultérieure, Porat fit remarquer que Liel et Yanai avaient passé tout le temps de la bataille dans un petit WC derrière la cuisine, de l’autre côté de la maison ; et non dans la salle de séjour où Vach prétendait avoir découvert « huit bébés, brûlés ». De plus, un parent des Hatsroni déclara à The Electronic Intifada que les jumeaux avaient été complètement incinérés et qu’ils n’avaient pas laissé de corps qui auraient permis à Vach de les retrouver.

Un reportage d’AFP sur les allégations israéliennes d’atrocités publié deux semaines plus tard se concentrait lui aussi sur les commentaires émis par le colonel Vach lors d’une visite médiatisée de Be’eri. L’affirmation de Vach disant à l’agence d’information AFP qu’il avait « personnellement » récupéré du kibboutz de Be’eri le corps d’un « bébé décapité » a été démentie par les données de la sécurité sociale israélienne, qui ont prouvé que cette victime n’existait pas. Interrogée par AFP afin de clarifier cette contradiction flagrante, l’armée a gardé le silence.

En même temps, toutefois, une firme privée américaine fournissant des services de vérification des faits à Facebook et TikTok a déterminé que la maison de Pessi Cohen n’a pas été détruite par les tirs de char israéliens et que les corps trouvés à l’intérieur comprenaient en fait huit bébés israéliens brûlés par le Hamas.

« Une vidéo montre-t-elle un commandant de l’armée israélienne qui, le 14 octobre 2023, déclare que les Forces de défense israéliennes ont piégé et brûlé des civils israéliens dans une maison ? Non, ce n’est pas vrai »,

rapportait le film présenté sur le site Lead Stories.

Les faux contrôleurs de faits ont vérifié les allégations d’infanticide de Vach transmises à l’agence Anadolu en s’appuyant uniquement sur une déclaration de soutien émanant du Bureau de presse du gouvernement (BPG) israélien.

« C’est le Hamas qui a commis les tueries »,

a déclaré Ron Paz, le directeur du département de la presse étrangère du BPG israélien.

« C’étaient des actions du Hamas. »

Dix jours plus tard, l’équipe de vérification des faits du journal israélien Globes resservait la même analyse, déclarant que les victimes brûlées décrites dans la vidéo par le colonel Vach avaient été tuées par des Palestiniens, et non par les tirs du char israélien.

« Il s’ensuit que cela concerne un incident perpétré par le Hamas »,

écrivait Globes.

À cette date, The New York Times avait publié son rapport sur les combats du 7 octobre à Be’eri, déclenchant une certaine colère en Israël avec sa mention de l’aveu du général Hiram d’avoir ordonné à un char de tirer sur la maison de Pessi Cohen,

« même si cela doit coûter des pertes civiles ».

Avec son attention concentrée sur le commandant de la bataille qui avait en réalité provoqué ces pertes, le chef des secours, qui avait dit aux journalistes étrangers que ces pertes comprenaient huit bébés israéliens brûlés par le Hamas, a échappé à tout examen depuis lors.

L’armée désormais abandonnait le récit des atrocités à propos des « bébés brûlés » inventé par Vach et se tourna vers un autre récit tout aussi fictif de la bataille, et qui allait susciter une impression moins mauvaise à propos de Hiram.

En avril, dans une série de fuites, l’armée rejeta des témoignages de témoins disant que la quasi-totalité des captifs avaient été déchiquetés ou incinérés par les tirs des chars, et elle commença à impliquer que les civils, en fait, étaient morts de blessures par balle provoquées par des fusils d’assaut.

Le 2 avril, le journaliste israélien de droite Amit Segal rapporta sur Channel 12 que la division blindée de l’armée israélienne avait enquêté et découvert qu’

« on ne pouvait pas dire qu’ils avaient été tués par les tirs des chars » et que « la grande majorité avaient été tués avec des armes légères ».

Mais aucun rapport officiel n’avait été publié et l’armée nia que son enquête générale sur l’incident avait tiré des conclusions.

« L’incident fait toujours l’objet d’une enquête et les trouvailles ou les conclusions n’ont pas encore été menées à terme. Les détails présentés ne constituent pas un avis officiel »,

déclara un porte-parole de l’armée aux médias israéliens.

En mai, le Premier ministre israélien Netanyahou publia une vidéo fustigeant le fait que le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan avait requis un mandat d’arrêt contre lui-même et son ministre de la Défense Yoav Gallant pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés à Gaza.

Dans la vidéo, Netanyahou répétait la diffamation de meurtre inventée par Vach, prétendant que les combattants palestiniens qui avaient attaqué Israël le 7 octobre « avaient brûlé des bébés juifs ».

 

Le colonel Golan Vach, à gauche, est salué par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ministre de la Défense Yoav Gallant, après que les secouristes israéliens sont rentrés d'avoir apporté leur aide suite au tremblement de terre en Turquie, en février 2023.

Le colonel Golan Vach, à gauche, est salué par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ministre de la Défense Yoav Gallant, après que les secouristes israéliens sont rentrés d’avoir apporté leur aide suite au tremblement de terre en Turquie, en février 2023. (Photo : Wikimedia Commons)

 

Le chef des secours a poussé le lobby d’extrême droite à réprimer les Palestiniens en Galilée

Le colonel Golan Vach a servi comme soldat de l’active dans l’armée israélienne pendant un quart de siècle et, après 2018, il est resté dans les réserves durant plusieurs mois chaque année comme commandant de l’unité nationale de secours du commandement du front intérieur, qui fait partie des rares unités, dans le monde, à se trouver sous commandement militaire.

Vach a régulièrement dirigé l’unité à l’étranger, en aidant à retrouver des victimes de catastrophes dans d’autres pays, y compris aux EU. Israël a probablement payé pour publier le récit auto-publié de Vach sur les efforts de l’unité pour retrouver les victimes d’un effondrement d’immeuble dans un faubourg de Miami, en Floride, en 2021.

Ces dernières années, vu ses compétences en tant que premier responsable de l’État d’Israël dans ce domaine, Vach a été fêté par plusieurs chefs d’État musulmans, dont ceux de l’Albanie et de la Turquie.

En raison de sa stature et de sa réputation, le chef des secours nationaux d’Israël, Golan Vach, a été cru par les journalistes et les rédactions du monde entier, lesquels ont publié ses mensonges éhontés à propos des décapitations et des incinérations des bébés israéliens par les Palestiniens le 7 octobre, et cela, même sans la moindre preuve.

Lorsqu’un journaliste a suggéré que certains pourraient estimer ses allégations de décapitation et d’incinération difficiles à avaler, Vach riposta avec virulence, comparant ces sceptiques aux négationnistes de l’Holocauste nazi.

« Certaines personnes disent que l’Holocauste n’a pas existé »,

a déclaré Vach dans The New Worker en octobre.

« Ces personnes aussi, si elles pouvaient voir la situation de leurs propres yeux, diraient que nous avons déformé les faits. »

S’ils avaient seulement rejeté cette manipulation mentale et fait ce qu’on attendait d’eux, ces mêmes médias auraient trouvé de nombreuses preuves, dans le domaine public, du désir de Vach de « nettoyer cette région » des Palestiniens sans le moindre égard pour les « droits humains », et ce, bien avant cette date.

Vach est né et a grandi à Kiryat Arba, où son père, Shalom Vach, était le conseiller en chef de la très célèbre colonie extrémiste, la première construite par Israël en Cisjordanie en 1968, près de la ville palestinienne de Hébron.

En compagnie du rabbin Oury Cherki, le chef spirituel du parti Likoud, Shalon Vach dirigeait Israeli Immigrant Absorption, une ONG qui aidait les juifs venus de l’étranger à s’installer en Cisjordanie occupée, grâce, ces dix dernières années, à environ un quart de million de dollars de soutien annuel de la part du gouvernement. Golan Vach lui-même joue un rôle de premier plan dans une filiale de l’organisation, Yisraela.

En compagnie de ses parents septuagénaires et de la plupart de ses 10 frères et sœurs, Golan Vach dirige également Vach Family en tant que groupe musical qui a enregistré six albums de versets bibliques mis en musique dans des harmonies de type folk.

Afin de promouvoir leur musique parmi leurs compagnons juifs orthodoxes, les Vach ont demandé et obtenu l’approbation de Dov Lior, l’ancien grand rabbin de Kiryat Arba qui conseille le parti kahaniste Force juive et qui avait dit du fameux tueur en masse, membre du mouvement, Baruch Goldstein, qu’il était

« un martyr plus saint que tous les saints martyrs de l’Holocauste ».

Un disque en tirage limité des principaux tubes de Vach Family a été pressé et distribué aux donateurs de la tristement célèbre Bnei David Yeshiva, une académie religieuse de la Cisjordanie occupée qui a toujours préconisé l’asservissement littéral des Palestiniens. Vach se rappelle toujours avec enthousiasme sa première année passée à étudier dans cette école en tant qu’adulte.

« Ç’a été l’année la plus influente et la moitié de ma vie »,

avait-il déclaré l’an dernier sur le diffuseur israélien Channel 7.

Par la suite, Vach s’est marié, est devenu père de sept enfants et a construit une maison pour sa famille qui prenait de l’ampleur dans un kibboutz du nord du pays, Beit Rimon. Depuis, il a dirigé une organisation de lobbying en faveur du peuple juif, financée par le gouvernement, et qui aspire également à « nettoyer la région » des Palestiniens. Lev BaGalil, ou « Cœur de la Galilée », que Vach a dirigé entre 2019 et 2021, a été constitué en 2015 par le Bezalel Smotrich, le ministre israélien d’extrême droite des Finances, en tant que branche nord de l’organisation de peuple sioniste, Regavim.

La stratégie de Lev BaGalil en Galilée a été brièvement résumée par le voisin de Vach à Beit Rimon, Ofir Schick, l’actuel président de l’organisation qui a précédé Vach dans de rôle avant de lui succéder de nouveau.

« Il existe une réalité linguistique de nos jours qui ne permet pas le discours direct. Toute personne qui approche un ministre du gouvernement et lui parle de judaïsation de la Galilée ne recevra pas le moindre soutien. Ils ne peuvent soutenir ce genre de choses. Ce n’est pas en raison d’une loi ou d’une décision du gouvernement à laquelle ils sont liés, mais le sentiment dans le public et dans les médias est tel qu’on ne peut parler de « judaïsation » et c’est pourquoi, en pratique, nous inventons toutes sortes d’autres termes pour nous emmener vers l’objectif »,

a déclaré Schick sur Channel 7.

« Chaque conseil local de Galilée, 100 pour 100 d’entre eux, vraiment, partage le désir de faire pencher la balance et d’augmenter le nombre de juifs en Galilée »,

a ajouté Schick,

« mais ils savent qu’il leur est interdit de le dire explicitement. »

Durant son mandat à la direction de Lev BaGalil, Vach a uni les divers conseils locaux de Galilée et des hauteurs occupées du Golan en une seule coordination, et ce, afin de négocier de plus importants budgets gouvernementaux.

Fin 2022, le fondateur de l’organisation, Bezalel Smotrich, et le reste de l’extrême droite israélienne étaient retournés au gouvernement, et Lev BaGalil avait même convaincu le Mouvement israélien des Kibboutzim à amplifier leur propagation de la peur hostile au Arabes :

« Vous devez venir coir ici la disgrâce nationale en cours au cœur de la Galilée. L’Etat d’Israël a oublié pourquoi il manifestait et il a abandonné ici toute une région », avait annoncé Nir Meir, le secrétaire général du Mouvement des Kibboutzim lors d’une réunion avec les dirigeants de Lev BaGalil.

« J’invite instamment le Premier ministre à définir la chose comme priorité nationale : un million de juifs en Galilée. Pas un de moins »,

avait dit Meir qui, tout récemment encore, était chef du caucus des kibboutzim au sein du Parti travailliste israélien.

Pour Vach et ses partenaires politiques, les non-juifs sont des ennemis apparemment incorrigibles qui doivent être tenus en échec par tous les moyens légaux, jusqu’à ce que puisse être fabriqué un faux prétexte en vue de pouvoir abandonner les « droits humains » et, finalement, les soumettre à un génocide complet.

 

« Un juif dirige un orchestre de vengeance »

Quand il a débarqué en uniforme militaire sur les ruines fumantes des colonies israéliennes attaquées le 7 octobre, même un vétéran endurci des sites de catastrophe comme le colonel Golan Vach a dû être ébranlé par la mort et la destruction qu’il a découvertes.

Mais l’armée israélienne avait formé et chargé Vach plus que tout autre à assumer cette tâche difficile et il était dans l’obligation de rapporter la vérité sur ce qu’il avait découvert quand il avait débarqué sur ces sinistres champs de bataille.

Au lieu de cela, Golan Vach a inventé une diffamation de meurtre de proportions horribles afin de fabriquer le soutien à une riposte militaire qui, jusqu’à présent, a tué plus de 30 fois plus de Palestiniens que d’Israéliens le 7 octobre.

« Les créatures de l’autre côté de la clôture ont besoin de recevoir une brûlure si forte qu’ils s’en souviendront comme de la Nakba du 7 octobre 2023 »,

avait dit Vach le même mois dans Makor Rishon, une publication israélienne d’informations religieuses.

Vach a également affirmé à maintes reprises que les forces palestiniennes qui avaient attaqué Israël avaient été aidées par des renseignements glanés par des Gazaouis qui avaient travaillé en Israël avant le 7 octobre, et qu’elles avaient même reçu de l’aide logistique de certains citoyens palestiniens d’Israël.

« Le Hamas disposait de renseignements intérieurs d’Arabes qui travaillaient dans les kibboutzim. Ce n’est pas une supposition, c’est un fait »,

avait dit Vach dans une publication juive américaine orthodoxe, Jewish Action.

« Les terroristes ont bénéficié de l’aide interne de traîtres à l’intérieur d’Israël, des Arabes. »

En s’appuyant sur les seuls allégations de Vach, The Irish Sun a traité l’histoire des bébés décapités et brûlés sous le titre

« Le massacre du ‘Hamas’ a été un ‘boulot interne’ utilisant des Palestiniens qui ont aidé à tuer et voler les familles israéliennes qui les employaient ».

En mars, le Shin Bet, la police secrète d’Israël, a déclaré qu’après avoir interrogé pendant des mois des milliers de travailleurs palestiniens détenus, il avait conclu que les travailleurs palestiniens n’avaient pas conspiré avec les combattants palestiniens qui avaient attaqué Israël le 7 octobre et qu’ils ne leur avaient apporté aucune information sur les colonies israéliennes où ils travaillaient, ni sur leurs vulnérabilités potentielles.

Après avoir supervisé pendant des semaines la récupération des corps, Vach avait rallié l’invasion terrestre de la bande de Gaza pour conseiller les combattants israéliens sur la façon d’opérer parmi des immeubles en ruine – une situation pour laquelle l’armée n’avait jamais été entraînée.

Après son retour du front, Vach avait réfléchi dans une série d’interviews sur ce qu’il avait observé sur place. Si, dès le départ, il avait espéré que l’invasion israélienne allait durer cinq mois, trois mois plus tard, il s’est permis dernièrement d’espérer plus encore.

« Sur le plan opérationnel, nous en sommes réellement au début »,

avait déclaré Vach en janvier, dans une vidéo d’interview filmée par la chaîne religieuse Hidabroot.

« Au début de la première phase au cours de laquelle nous allons prendre soin de Gaza. »

À l’époque, l’invasion israélienne de la bande de Gaza avait déjà tué plus de 24 000 Palestiniens.

En mars, Vach déclara à l’adresse du Jewish Journal :

« Nous en avons encore au moins pour quelques années de guerre en plus. »

Vach a également affirmé que la plupart des civils palestiniens étaient coupables d’attaques « contre le peuple juif ».

« La bande de Gaza est cancéreuse du nord au sud »,

avait dit Vach.

« La grande majorité vote pour le Hamas, soutient le Hamas, a créé le Hamas. »

Dans une autre interview donnée au diffuseur national israélien, les commentaires de Vach ont adopté un ton explicitement religieux et sectaire.

« Notre Dieu est miséricordieux et gentil. Notre Dieu est la source de vie »,

a-t-il dit.

« Lieu dieu est violent et mauvais. Leur dieu est la source de la mort », a-t-il ajouté.

Vach a poursuivi en rappelant la joie qu’il avait éprouvée à la vision du carnage dans la bande de Gaza.

« L’entrée à Gaza a consisté en l’armée israélienne dans toute sa gloire. Les Forces aériennes avec leurs pites (…) et l’artillerie, et tout le monde qui tirait vers le même point (…) ceux dans le ciel et ceux sur les flancs et ceux au sol »,

a rappelé Vach.

« Et vous voyez un point vers lequel toutes les lignes convergent, où leurs lignes de feu font mouche, comme une personne avec un cœur. »

« Une scène insensée où vous voyez tout qui brûle (…) toute une scène de puissance, de feu et de fumée. Et, à certain moment, tout cela converge et nous voyons un nuage de fumée rouge en l’air, un nuage massif »,

a ajouté Vach.

« Voilà à quoi ressemble le mont Sinaï. »

Dans une interview imprimée par le journal Israel Hayom, Vach a résumé la plupart des thèmes récurrents de toute son existence : le judaïsme orthodoxe, de la musique joyeuse et l’armée israélienne détruisant la Palestine et son peuple.

« Faites l’expérience d’un peu de la pureté révélée à l’intérieur de la bande de Gaza et retournez chez vous en bien meilleure santé (…) C’est comme si le roi Saül était de fort méchante humeur et que le futur roi David jouait de la musique pour lui »,

dit Vach.

« Entrez à Gaza, écoutez un soldat juif jouer de la mitrailleuse – et vos bonnes humeurs reviendront. »

« On requiert aujourd’hui des FDI qu’elles se montrent cruelles, dans la guerre »,

a ajouté Vach.

« La face du mal se trouve à Gaza (…) mener la guerre contre eux, c’est aimer l’humanité. »

Officiellement, Vach s’est retiré de son rôle de commandant de l’unité de secours national de l’armée en janvier et il est retourné à la vie civile.

Sa carrière qui couvre trois décennies va laisser derrière elle une marque indélébile sur l’armée israélienne et sur les forces de secours qu’elle envoie dans les coins les plus éloignés de la planète.

Mais l’héritage le plus durable de Golan Vach – avoir inventé un infanticide pour fabriquer le consentement au génocide israélien à Gaza – est probablement on ne peut mieux illustré que par un poème rédigé par Vach et publié un mois après les combats du 7 octobre.

Il avait intitulé le poème

« En guise de vengeance ».

« Oui. Le sang appelle le sang »

avait-il écrit.

« Le tonnerre des obus, ce sont des tambours pour nos oreilles / La rafale de mitrailleuse, c’est la mélodie / Un juif dirige un orchestre de vengeance. »

 

 

*****

 

David Sheen est l’auteur de « Kahanism and American Politics : The Democratic Party’s Decades-Long Courtship of Racist Fanatics

Publié le 11 juin 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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