Pourquoi l’activiste belge Anuna De Wever va-t-elle être jugée pour son opposition au génocide ?
De même qu’Anuna De Wever avait tiré l’alarme sur le changement climatique, elle a fait la même chose à propos de la présence ici en Belgique d’une entreprise inextricablement liée à la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza.

Anuna De Wever à la sortie du Palais de Justice à Tournai le 23 octobre (capture d’écran du reportage de NoTele (*))
David Cronin, 23 septembre 2025
Elbit Systems profite de Gaza pour tester de nouveaux équipements
Benjamin Netanyahou ne cesse de proférer des mensonges.
Presque chaque fois, cependant, ses lèvres laissent échapper quelques remarques exactes. Une vérité qu’il a exprimée récemment, c’est qu’Israël est confronté à l’isolement en raison de ce qu’il fait à Gaza.
Netanyahou est particulièrement mécontent de la régression du soutien dont Israël bénéficiait en Europe.
Répondant aux pressions publiques, la bureaucratie bruxelloise a finalement proposé la suspension des privilèges commerciaux dont Israël tire parti depuis 25 ans.
Reste à voir si oui ou non un nombre suffisant de pays européens vont soutenir ces propositions d’application de la suspension.
La non-application collective des sanctions à Israël par l’Union européenne ne dispensera pas les gouvernements de l’obligation d’agir soit individuellement soit en une coalition ad hoc.
Certains gouvernements européens, dont l’Espagne, l’Irlande, la Slovénie et la Belgique, ont déjà dévoilé diverses mesures ciblant Israël.
Maxime Prévot, le ministre belge des Affaires étrangères, a qualifié de « ferme » la série de sanctions annoncées. Elle comporte plusieurs démarches, entre autres, une interdiction des marchandises en provenance des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. (**)
Mais il convient de rappeler à Prévot que les sanctions ne sont pas assez fermes.
Elle ne seront pas assez fermes tant que la Belgique ne mettra pas un terme à sa coopération avec l’industrie d’armement israélienne.
La toute première chose que doit faire la Belgique est d’expulser du pays le plus gros fabricant d’armes d’Israël – Elbit Systems. Cela signifie fermer la filiale d’Elbit, OIP, qui opère à Audenarde et à Tournai.

Une des avocat.e.s d’Anuna De Wever vient expliquer le déroulement du procès aux manifestants qui ont été empêché d’entrer au Palais de Justice de Tournai. A noter la présence importante de forces policières au moment du procès avec des policier.e.s à l’intérieur du Palais de Justice, un hélicoptère, un drone, des chiens, … Mais la mobilisation des soutiens à Anuna était un succès : plus de cent personnes étaient présentes. Pendant toute la durée du procès des noms d’enfants assassinés à Gaza ont été lus au micro.
Il y a plus de vingt ans, quand Elbit a racheté OIP, la firme d’armement effectuait son premier investissement majeur en Europe. Depuis lors, l’« empire » d’Elbit s’est étendu à l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Grèce, la Roumanie et plus loin encore.
Aujourd’hui, Elbit est le 21e fabricant d’armes au monde. DefenseNews – un magazine d’affaires pour les fabricants d’armes – a fait remarquer récemment que les rentrées d’Elbit avaient augmenté de 24 pour 100 en 2024.
Les principales raisons de cette augmentation résident dans ce que DefenseNews a appelé « la guerre d’Israël à Gaza et le conflit avec le Hezbollah au Liban ».
Réfléchissons un instant sur la signification de ces faits.
Elbit Systems a abondamment profité d’un génocide perpétré contre les Palestiniens, ainsi que des destructions massives infligées au Liban.
On ne peut douter qu’Elbit Systems tire parti du génocide de Gaza pour tester de nouvelles technologies.
La firme l’a d’ailleurs admis sans restriction. Sur son site internet, Elbit Systems décrit l’offensive en cours contre Gaza comme « la première guerre numérique ».
L’intelligence artificielle est utilisée dans les armes israéliennes depuis le début même du génocide.
Elbit a confirmé qu’il dirigeait toute une partie du travail en Israël dans l’utilisation de l’IA à des fins militaires et qu’il se servait de l’IA dans ses drones et autres équipements de surveillance.
L’aide au génocide
La Belgique fait partie des 153 pays qui ont ratifié la convention des Nations unies en vue de prévenir et de punir tout génocide. Selon cette convention,la complicité dans un génocide est un crime.
Elbit Systems tire profit du génocide. Dans ce cas, pourquoi Elbit peut-il continuer d’opérer – sous le nom d’OIP – en Belgique ?
Tant que la Belgique n’aura pas expulsé Elbit, elle devra répondre à l’accusation d’aide au génocide.
Benjamin Netanyahou a émis des craintes de voir les fabricants d’armes sévèrement touchés du fait de l’isolement dont Israël commence à souffrir.
La succès commercial d’Elbit peut être attribué en partie à la façon dont il est actif au niveau international.
OIP a sans aucun doute aidé sa maison mère, sur ce plan.
La lecture de ce que certaines personnes ayant occupé des positions clés à OIP écrivent sur LinkedIn est instructive. Un ancien vice-président d’OIP a par exemple déclaré qu’il s’était concentré sur la « pénétration de nouveaux marchés ».
Ce genre de « pénétration » s’est étendu au-delà de notre planète. En début d’année, OIP s’est targuée d’avoir fourni des technologies pour une « mission vers Vénus » en partenariat avec l’Agence spatiale européenne (ASE).
Pensons un instant à cette obscénité sous-jacente.
Elbit Systems a fourni une proportion importante des armes aujourd’hui utilisées pour massacrer les Palestiniens.
Le génocide est perçu comme le pire des crimes par les lois internationales. Chaque simple branche d’une entreprise fabriquant les armes d’un génocide est de ce fait impliquée dans le pire crime possible.
Au lieu de reconnaître qu’elle fait partie d’une entreprise profitant du génocide, OIP parle d’une « mission sur Vénus ». La société est tellement occupée à explorer l’espace qu’elle peut oublier par commodité ses connexions avec un génocide ici sur terre !
Heureusement, il existe ici en Belgique des gens ordinaires qui ne permettront pas à OIP et à sa maison mère Elbit Systems d’oublier la génocide de Gaza.
Parmi ces personnes figure la courageuse et inspirante activiste Anuna De Wever.
Il est tout bonnement dégoûtant qu’Anuna se retrouve devant un tribunal pour avoir tagué des graffiti à l’extérieur d’une des usines d’OIP.
De même qu’Anuna avait tiré l’alarme sur le changement climatique, elle a fait la même chose à propos de la présence ici en Belgique d’une entreprise inextricablement liée à la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza.
Elbit Systems joue un rôle majeur dans ce génocide et il en est de ce fait pénalement responsable.
Pourquoi, dans ce cas, Anuna De Wever doit-elle affronter la justice cette semaine, en lieu et place de l’industrie israélienne de l’armement à laquelle elle a fait face ?
Cet article s’appuie sur ma contribution à une rencontre publique organisée dans la ville belge de Tournai.
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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”.
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).
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Publié le 23 septembre 2025 sur le blog de David Cronin
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
(*) Trouvez ici le reportage sur le procès de notélé
(**) Lisez également une analyse des « mesures » belges ICI