En exclusivité : L’activiste Sean Middlebrough en cavale, refuse d’être un « prisonnier de guerre »
Sean Middlebrough, surnommé Shibby (= le gars « cool »), 33 ans, activiste de Palestine Action, n’est pas retourné dans sa prison britannique après avoir bénéficié d’un congé temporaire lui permettant d’assister au mariage de son frère.

Sean Middlebrough a été arrêté par la police britannique en janvier 2024
Abubaker Abed, 10 novembre 2025
Dans une déclaration adressée exclusivement à The Electronic Intifada, Middlebrough a fait savoir qu’il n’avait rien d’un terroriste et que, pour commencer, il n’aurait jamais dû être emprisonné.
Après une libération conditionnelle de quatre jours le 23 octobre, Middlebrough n’a pas regagné la prison de Wandsworth à Londres. Malgré des contrôles réguliers de la police à son adresse domiciliaire, il est parvenu à s’éclipser à l’insu de sa famille, ont confirmé des sources à The Electronic Intifada.
Middlebrough, qui provient de Liverpool, dans le nord-ouest de l’Angleterre, était en détention provisoire pour la troisième fois dans le cadre d’une action, en août 2024, contre une usine d’armes d’Elbit installée à Filton, une petite ville située près de Bristol, dans le sud-ouest de l’Angleterre.
Elbit Systems est l’un des plus importants fabricants d’armes d’Israël et sa succursale britannique, Elbit Systems UK, gère 16 sites dans tout le pays.
Lors de cette action à Filton, on présume que les protestataires avaient introduit un véhicule utilitaire dans l’usine et endommagé des armes israéliennes fabriquées sur place. Middlebrough est accusé d’avoir provoqué plus de 2,5 millions de dollars de dégâts, lesquels se sont traduits, entre autres, par la destruction de quadricoptères armés tels ceux qu’utilise abondamment l’armée israélienne dans son agression génocidaire contre Gaza.
Six personnes ont été arrêtées sur les lieux mêmes, détenues pendant 36 heures sans représentation juridique ou sans avoir pu contacter leurs proches ou le monde extérieur, et accusées de dégâts criminels, de cambriolage aggravé et de troubles violents. À la suite d’arrestations ultérieures par la police antiterroriste britannique, 24 personnes en tout, dont Middlebrough, allaient se retrouver sous les verrous dans le cadre de cette action à Filton.
Des conditions peu réjouissantes
Middlebrough, dont le procès est prévu en avril 2026 et qui avait déjà passé un an en détention préventive, a subi en tout 18 mois de détention provisoire, ce qui dépasse de loin le délai légal fixé à six mois.
« Je ne suis pas en cavale, je fais simplement preuve de bon sens en refusant d’être détenu en tant que prisonnier de guerre d’Israël dans une prison britannique »,
a déclaré Middlebrough dans une déclaration obtenue et vérifiée par The Electronic Intifada.
« De façon scandaleuse, 23 de mes héroïques et honorables compagnons coaccusés restent en prison à la suite de notre kidnapping par la police antiterroriste. »
Le 5 juillet dernier, le gouvernement britannique interdisait Palestine Action en tant que « groupe terroriste ». La mesure déclenchait aux EU de rares protestations contre le Royaume-Uni, qualifiant l’ordonnance d’
« utilisation abusive inquiétante de la législation antiterroriste britannique ».
À propos de son arrestation, Middlebrough a déclaré que la police avait recouru à des tactiques antiterroristes bien que lui-même ne fût pas accusé de délit terroriste.
« Nous avons été perquisitionnés, nos familles arrêtées avec des armes pointées sur nous bien que nous n’ayons pas été accusés du moindre délit terroriste »,
a dit Middlebrough dans sa déclaration.
« L’ONU a condamné cette façon de nous traiter en la qualifiant de ‘disparition forcée’ probable, alors que mes compagnons sont détenus pour une période indéfinie en attendant de comparaître à leur procès. »
Huda Ammori a déclaré que le lien avec le terrorisme était fallacieux.
« Alors que les 24 de Filton ne sont pas accusés de terrorisme, les procureurs britanniques disent que leurs accusations ont un ‘lien avec le terrorisme’, ce qui veut dire que, s’ils sont condamnés, le juge peut accroître leur sentence et rendre leurs conditions de détention plus sévères »,
a déclaré Ammori.
« C’est le premier cas où des activistes de l’action directe sont confrontés à des accusations de terrorisme. »
Middlebrough a qualifié les conditions d’emprisonnement de sinistres et a dit qu’on l’avait obligé de partager une cellule pour une personne avec un autre détenu.
« J’étais enfermé 23 heures sur 24. Avec à peine une heure de sortie par jour. Au début de mon arrestation, je n’ai pas reçu de nourriture convenable. »
« Nous ne sommes pas des terroristes »
Middlebrough était impliqué avec Palestine Action en janvier 2022 afin de protester contre l’occupation illégale par Israël de la Palestine et contre ses violations grossières des droits humains.
En janvier 2024, lui et cinq autres activistes étaient arrêtés pour intention supposée de fermer le London Stock Exchange (la Bourse de Londres). Middlebrough était placé en détention provisoire et accusé de conspiration en vue de provoquer des nuisances publiques.
C’était la deuxième fois qu’il était placé en détention provisoire pour des accusations abandonnées par la suite.
La première fois, c’était le 15 mai 2023, le jour où les Palestiniens commémorent la Nakba – le nettoyage ethnique, entre 1947 et 1949, de deux tiers du peuple palestinien afin de faire place à une majorité juive en Palestine.
Deux activistes de Palestine Action ont imposé la fermeture temporaire de la firme Pearson Engineering à Newcastle en raison de ses liens avec Israël. L’entreprise britannique avait été rachetée en septembre 2022 par Rafael Advanced Defence Systems Ltd, une firme d’armement israélienne. Les activistes avaient provoqué pour plus de 200 000 dollars de dégâts lors de leur action de 27 heures sur les toits du site.
Bien qu’il ait été détenu pendant 6 semaines dans le cadre de cette action, Middlebrough avait vu ses accusations – la préparation de l’action – abandonnées avant de passer en jugement.
« Nous ne sommes pas des terroristes »,
avait déclaré Middlebrough à The Electronic Intifada.
« Je m’oppose au terrorisme et à la tyrannie sous toutes leurs formes. Quand on assiste à un génocide – soutenu par les Britanniques – du peuple palestinien, il est de notre devoir moral et légal de le combattre. C’est pourquoi certains de mes camarades des 24 de Filton participent activement à une grève de la faim, pour réclamer leur libération immédiate sous caution et pour avoir un procès équitable. »
Six membres actifs emprisonnés de Palestine Action sont en grève de la faim depuis le 2 novembre, anniversaire de la Déclaration Balfour, par laquelle l’Empire britannique promettait la création d’une « patrie juive » en Palestine.
« Les meilleurs d’entre nous »
« Ils sont les meilleurs d’entre nous et nous devons nous rassembler derrière leur combat »,
a déclaré Middlebrough à propos de ses compagnons activistes.
« Tant que je serai libre, je ferai entendre leur voix de derrière les murs des prisons, pour tout ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent – une Palestine libre ! »
Huda Ammori, cofondatrice de Palestine Action, a accusé le gouvernement britannique d’utiliser la législation antiterroriste britannique comme outil politique afin de réprimer ceux qui agissent pour empêcher le génocide tout en protégeant en même temps les criminels de guerre israéliens contre les poursuites.
« Middlebrough n’aurait pas dû être en prison, pas plus que les 32 personnes actuellement détenues pour avoir prétendument participé à des actions directes en vue de faire cesser le génocide à Gaza »,
a déclaré Ammori à The Electronic Intifada.
Chacune de ces personnes, a-t-elle ajouté, risque jusqu’à deux ans de détention provisoire, ce qui dépasse très largement la limite de temps de cette même détention provisoire.
Les activistes ont été injustement arrêtés afin de protéger un État étranger engagé dans un génocide, a dit Ammori, ce qui a provoqué leur grève de la faim.
« Nous devrions les soutenir tous, quelle que soit la façon dont ils choisissent de résister. »
Palestine Action attend un contrôle judiciaire de l’interdiction de l’organisation, dont on connaîtra le résultat dès le 25 ou 27 novembre.
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Abubaker Abed est un journaliste originaire du camp de réfugiés de Deir al-Balah à Gaza.
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Publié le 10 novembre 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine




