Questions et Réponses sur la clause antiterrorisme de l’UE

Tout ce que vous devez savoir sur la clause antiterrorisme de l’UE et son impact destructeur sur la société civile palestinienne

Campagne nationale palestinienne pour le rejet du financement conditionnel – août 2020

Affiche de la Campagne nationale palestinienne pour le rejet du financement conditionnel

Nous rejetons le financement conditionnel – Nous rejetons la politique de soumission et de chantage

1.Qu’est-ce que la Campagne nationale palestinienne pour le rejet du financement conditionnel ?  

La Campagne nationale palestinienne pour le rejet du financement conditionnel est née en réponse aux conditions politiques de plus en plus inacceptables imposées à la société civile palestinienne par la communauté internationale des donateurs, à savoir l’Union européenne (UE) et des organisations non gouvernementales (ONG) internationales originaires des États membres de l’UE. La Campagne a été lancée fin décembre 2019 et elle plaide pour le retrait de toute condition politique inacceptable figurant dans les contrats et accords de financement avec la société civile palestinienne.

2.Qui sont les membres de la Campagne nationale palestinienne pour le rejet du financement conditionnel ?

La Campagne réunit plus de 300 organisations membres, dont un certain nombre de réseaux/coalitions palestiniens, venus de toute la Palestine historique et du Liban. Ses membres sont des organisations respectées, s’appuyant sur la communauté et présentant des liens significatifs avec les communautés qu’elles servent. Les organisations varient dans leur domaine d’expertise ainsi que dans leur portée et elles opèrent dans toute une variété de secteurs : elles fournissent des services civils, économiques, politiques, sociaux et culturels et font également la promotion des voix et droits palestiniens. La Campagne est guidée par un comité de guidance de 7 membres élus.

3.L’UE dit que rien n’a changé dans les contrats de donation avec la société civile palestinienne. Est-ce exact ?

C’est faux. Alors que la clause existe dans les réglementations de l’UE depuis 2001, elle n’a été reprise et imposée à la société civile palestinienne qu’en juillet 2019, dans l’Annexe II des Conditions générales.

4.Que stipule la clause antiterrorisme ?

La clause, connue sous l’appellation « Article 1.5 bis », stipule que

« les bénéficiaires des donations et les contractants doivent s’assurer qu’on ne peut détecter de sous-contractants et de personnes naturelles, y compris des participants à des ateliers et/ou formations ni de récipiendaires de soutien financier à des tiers, qui figurent dans les listes des mesures restrictives de l’UE ».

5.Plus particulièrement, qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que toute organisation recevant des fonds de l’UE doit prendre des mesures pour faire en sorte que rien de ces fonds n’aille à des entités ou individus qui sont repris sur les listes des sanctions de l’UE.

6.Que sont ces listes de l’UE et les mesures restrictives ?  

L’UE tient un certain nombre de listes qui ne sont pas statiques, mais qui ont plutôt évolué dans le temps – et évoluent toujours –, généralement en fonction du climat politique. La « liste des sanctions de l’UE » contient une liste d’États soumis à des sanctions de l’UE, et une liste d’entités et d’individus que l’UE a désignés comme terroristes. Les mesures restrictives de l’UE constituent une panoplie de sanctions et de procédures imposées à des États, entités et individus désignés dans la liste des sanctions de l’UE. Ces mesures comprennent une série de contrôles et d’examens avant, pendant et après leur application afin de s’assurer que les fonds ne sont pas transférés, directement ou indirectement, à des entités ou individus présumés terroristes.

7.Quel est le critère utilisé par l’UE pour déterminer qui est un terroriste ou une entité terroriste ?

L’UE définit le terrorisme comme

« des actes intentionnels qui, étant donné leur nature ou leur contexte, peuvent gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, et du fait qu’ils sont définis comme des délits par les lois nationales, ont été commis dans le but de : (i) intimider gravement une population, ou (ii) forcer indûment un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou ne pas accomplir une action,  ou (iii) déstabiliser gravement ou détruire les structures fondamentales – politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales – d’un pays ou d’une organisation internationale » […].

8.Quel est le problème avec la définition du terrorisme de l’UE ?

Le problème avec la définition de l’UE ressortit à de nombreux facteurs. L’un des plus importants est qu’elle ne fait pas la différence entre, d’une part, la lutte légitime d’un peuple afin d’obtenir sa libération de la domination et de l’oppression et, d’autre part, des actes terroristes. Considérant le contexte juridique de la Palestine, la définition de l’UE n’aborde pas le droit du peuple palestinien à une résistance légitime. Un autre problème, c’est que la définition de l’UE ne s’intéresse pas aux actions d’un Etat pouvant constituer des actes terroristes, particulièrement des actions qui sont dirigées contre un peuple opprimé, tel le peuple palestinien. Finalement, alors que l’UE peut adopter ses propres définitions et réglementations, elle ne peut les imposer à autrui – n’oublions pas qu’au moment même de la publication de ces Questions et Réponses, il n’y a pas de définition internationalement acceptée du terrorisme.

9.Des entités et des individus palestiniens figurent-ils sur la liste des sanctions de l’UE ?

A ce jour, les entités palestiniennes qui figurent sur la liste des sanctions de l’UE sont : le Hamas, le Djihad islamique, la brigade Al-Aqsa du Fatah, le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) et le Front populaire – Commandement général. Il n’y a toutefois pas d’individus palestiniens sur cette liste.

10.Que peut-on faire à propos des entités palestiniennes reprises sur la liste des sanctions de l’UE ?                        

Comme on l’a mentionné plus haut, la liste des sanctions évolue et l’UE a des procédures en place pour écarter de cette liste ou y ajouter des entités et/ou des personnes. Ainsi, il est hautement probable que d’autres entités palestiniennes et individus seront ajoutés à la liste dans le futur. Alors que radier des entités et des individus de la liste implique un long combat juridique nécessitant de très importantes ressources, beaucoup de temps, ainsi qu’un important changement dans l’équilibre international des pouvoirs, radier l’article des contrats de donation avec les organisations palestiniennes de la société civile est possible et réalisable.

11.Ainsi, qu’attendent de l’UE les organisations palestiniennes qui sont membres de la Campagne ?

Au cours de dialogues multiples avec l’UE, les membres de la Campagne pour le rejet du financement conditionnel ont d’abord invité l’UE à reconnaître le contexte légal de la Palestine et des Palestiniens comme un pays et un peuple luttant pour l’autodétermination et à radier l’Article 1.5 bis des contrats de donation avec les organisations palestiniennes. Quand l’UE a refusé, nous avons proposé des articles alternatifs afin de remplacer l’Article 1.5 bis. L’UE a également rejeté cette proposition, même si les deux solutions sont viables et respecteraient les responsabilités tant de l’UE que de la société civile palestinienne.

12.Qu’a proposé la société civile palestinienne à l’UE pour remplacer l’Article 1.5 bis ?

Lors de plusieurs rencontres et entretiens, l’UE a déclaré que l’article dans le contexte palestinien n’avait pas pour but de criminaliser la lutte et les partis politiques palestiniens, mais de garantir que les fonds de l’UE ne seraient pas transférés vers des partis politiques. En s’appuyant sur cela et après que l’UE eut rejeté la suppression de l’Article 1.5 bis dans les contrats de donation, nous avons proposé une série d’articles qui satisfaisaient au but déclaré par l’UE lors des rencontres de dialogue, tout en respectant les droits palestiniens et nos lois qui interdisent de bénéficier d’un financement conditionnel, et en sauvegardant la légitimité du combat de notre peuple. Les articles que nous proposions étaient les suivants :

• Le partenaire s’engage à dépenser les fonds de l’UE dans les seules activités et les seuls buts du projet et du budget tels qu’approuvés par le partenaire.

• Le partenaire ne libérera ni ne transférera la moindre somme en provenance des fonds de l’UE au profit de quelque groupe politique et/ou entité politique que ce soit.

• Le partenaire utilisera les fonds de l’UE pour garantir et promouvoir les droits humains et les principes et valeurs démocratiques en conformité avec les internationales et les meilleures pratiques en la matière.

13.L’UE a sorti une lettre de clarification adressée au Réseau des ONG palestiniennes et il s’avère que cette lettre aborde les préoccupations palestiniennes. Pourquoi la Campagne l’a-t-elle rejetée ?

Plutôt que de répondre aux alternatives proposées et soumises à l’UE par la société civile palestinienne au sens large (voir Questions 11 et 12), l’UE a adressé une lettre de clarification à l’un des réseaux palestiniens uniquement, à savoir le Réseau des ONG palestiniennes (PNGO), lettre dans laquelle elle prétendait aborder les préoccupations de la société civile palestinienne. La lettre de clarification de l’UE a été rejetée par la Campagne parce que :

• Elle n’a aucune valeur juridique, puisqu’il s’agit d’une simple lettre de clarification et qu’elle ne fait pas partie du contrat de donation.  

• Elle mentionne le droit du peuple palestinien à l’autodétermination comme s’il s’agissait d’une quête (et non d’un droit), et elle ne reconnaît pas notre droit à la résistance légitime.

• Elle affirme la nature contraignante de l’Article 1.5 bis et confirme les mesures restrictives (afin de contrôler les Palestiniens).

• Alors que la lettre prétend qu’elle n’affecte pas l’affiliation individuelle, elle ne clarifie pas comment faire la différence entre les partis politiques palestiniens repris sur la liste des sanctions de l’UE et les individus qui en font partie ou y sont affiliés. De plus, elle ne fournit pas la moindre garantie que ces individus qui – en pratique – pourraient être n’importe quel Palestinien bénéficiaire, fournisseur, membre de la direction, de l’assemblée générale ou du personnel de l’organisation, ne seront pas exclus de la possibilité d’obtention de fonds de l’UE.

14.Quelle est la position des partis politiques palestiniens concernant le financement conditionnel de l’UE ?

Le 3 janvier 2020, le secrétaire du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), le Dr Saeb Erekat, a émis une objection à l’imposition de l’Article 1.5 bis et a requis la suppression des conditions dans une lettre adressée au haut représentant de l’UE. Le 6 février 2020, tant l’OLP que les factions politiques islamiques ont sorti une déclaration dans laquelle elles rejetaient le financement conditionnel de l’UE et invitaient les organisations de la société civile palestinienne à ne pas signer les contrats de l’UE. En outre, il y eut plusieurs déclarations émises séparément par des partis individuels, comme le Parti du Peuple (Hizib al-Sh’ab) et, plus récemment, par le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), déclarations qui s’opposaient elles aussi aux conditions.

15.Y a-t-il des organisations palestiniennes qui ont refusé de signer les contrats de donation de l’UE et qui ont vu leur projet annulé ?

Oui, plus d’une douzaine d’organisations palestiniennes (dont nous savons que c’est le cas) dans de multiples secteurs d’opération (droits de l’homme, humanitaire, culturel et artistique) ont refusé de signer des contrats pour des projets approuvés par l’UE en raison de l’inclusion de l’Article 1.5 bis et des mesures restrictives de l’UE.

16.Y a-t-il des organisations palestiniennes qui ont signé les contrats de donation de l’UE qui avaient inclus l’article et les mesures antiterrorisme ?

Oui, 12 organisations palestiniennes ont signé le contrat de l’UE avec les conditions politiques.

17.La société civile est-elle divisée sur la question des conditions politiques de l’UE ?

Alors qu’il peut s’avérer qu’il y a un même nombre d’organisations refusant le financement conditionnel et d’organisations qui acceptent les conditions de l’UE, ce cas devrait être examiné soigneusement. La Campagne compte plus de 300 membres, ce qui constitue la plus large coalition d’organisations palestiniennes. Toutes les organisations membres ont refusé d’introduire une demande de projet avec l’UE et de s’engager avec ces organisations palestiniennes mêmes qui ont signé les contrats de donation de l’UE. En outre, cette scission devrait être perçue comme un résultat et une conséquence de l’insistance de l’UE pour imposer l’Article 1.5 bis, qui est une condition politique criminalisant la lutte et les partis politiques de notre peuple.

18.Puisque les organisations palestiniennes sont tenues par leurs propres réglementations et lois de ne financer aucun parti politique, dans ce cas, quelle est l’importance de cette clause antiterrorisme et de son imposition dans les contrats de donation ?  

Effectivement, les lois et réglementations palestiniennes exigent que les organisations de la société civile palestinienne s’abstiennent à la fois de bénéficier d’un financement conditionnel et de financer quelque parti politique ou groupe politique que ce soit. Toutefois, si nous signons des contrats de l’UE ou d’autres Etats membres avec des conditions similaires, nous enfreignons nos lois nationales et nous nullifions et rejetons la justesse et la correction de la lutte de notre peuple pour ses libertés et droits fondamentaux. De plus, cela signifie que nous reconnaissons implicitement que tous les individus palestiniens qui sont affiliés à des partis politiques repris sur la liste ou qui en sont membres, particulièrement les centaines de milliers de prisonniers palestiniens du passé ou actuels, sont ou pourraient être des terroristes. Signer les contrats signifie que nous sommes d’accord avec la définition et les critères de l’UE et que nous reconnaissons la supériorité de ses réglementations et lois sur les nôtres. En outre, selon les mesures restrictives, nous devrions également contrôler tous les acteurs potentiels impliqués dans le projet approuvé. Cela équivaut à faire un travail de police avec nos propres gens, ce qui n’est pas de notre responsabilité en tant que société civile. Plus particulièrement, cette action de contrôle précis détruirait la crédibilité et la confiance entre l’organisation et les gens qu’elle a l’intention de servir, de même qu’entre l’organisation et les partis politiques palestiniens et leurs membres – ceux que la société civile palestinienne est censée tenter d’influencer.   

19.N’y a-t-il pas des questions plus importantes et plus urgentes en Palestine, que la question du financement conditionnel et de l’argent ?

Oui, c’est vrai. Mais ceci se passe au beau milieu d’une campagne institutionnalisée et croissante de répression et d’attaques contre nous, destinée à laisser la société civile palestinienne dénuée de fonds, à délégitimer notre travail et à réduire nos voix au silence. Cela se passe au moment où nous avons besoin de ce financement afin d’affronter les questions plus urgentes tel le programme « Paix et prospérité » de Trump, appelé aussi plan du Deal du siècle pour la Palestine et l’imminence de l’annexion officielle par Israël des zones stratégiques de la Cisjordanie.

20.Signer les contrats de financement conditionnel de l’UE assure-t-il une protection ou procure-t-il le moindre sursis aux attaques et campagnes calomnieuses et diffamatoires de la part des sionistes et des Israéliens ?  

Non, signer les contrats avec l’UE n’offre aucun type de protection à ces organisations palestiniennes. Je dirais plutôt qu’en signant de tels contrats, ces organisations ouvrent plus largement la porte et créent une opportunité supplémentaire pour que les organisations et groupes sionistes-israéliens intensifient ces attaques et exigent la mise en place, contre la société civile palestinienne, de plus de conditions encore de la part de l’UE et de ses Etats membres.  

21.Le refus de signer les contrats de donation de l’UE comportant l’article conditionnel révèle-t-il une preuve que cette organisation transfère des fonds vers les partis politiques (ceux dont l’UE suppose qu’ils sont entités ou des individus terroristes) ?

Non, cette allégation est plutôt alimentée par les mêmes organisations et groupes sionistes-israéliens qui ont exercé des pressions – et continuent à la faire – sur l’UE afin qu’elle réduise et/ou cesse ses financements de la société civile palestinienne. L’allégation constitue l’une des nombreuses tactiques de la stratégie sioniste-israélienne destinée à diffamer et délégitimer le peuple palestinien, son combat et les organisations de la société civile qui encouragent la promotion et le respect des lois internationales et des droits de l’homme.  

22.Dans cette situation, quelle est la responsabilité d’une organisation de la société civile palestinienne ?

Rejeter tout financement politiquement conditionnel en ne signant pas de contrats de donation en provenance de l’UE ou de ses Etats membres qui comportent de telles conditions.

23.Dans cette situation, quelle est la responsabilité d’une organisation ou mouvement international en solidarité avec la Palestine et les Palestiniens ?

Exiger que votre gouvernement et/ou les agences et institutions de financement n’imposent pas ces conditions à la société civile palestinienne et, s’ils l’ont déjà fait, exiger qu’ils les suppriment.

Affiche de la Campagne nationale palestinienne pour le rejet du financement conditionnel

La Palestine n’est pas à vendre – Jérusalem n’est pas à vendre – Nos ONG nationales ne sont pas à vendre

Qu’est-ce que la Campagne nationale palestinienne pour le rejet du financement conditionnel ?  

La Campagne nationale palestinienne pour le rejet du financement conditionnel est née en réponse aux conditions politiques de plus en plus inacceptables imposées à la société civile palestinienne par la communauté internationale des donateurs, à savoir l’Union européenne (UE) et des organisations non gouvernementales (ONG) internationales originaires des Etats membres de l’UE. La Campagne a été lancée fin décembre 2019 et elle plaide pour le retrait de toute condition politique inacceptable figurant dans les contrats et accords de financement avec la société civile palestinienne.

Qui sont les membres de la Campagne nationale palestinienne pour le rejet du financement conditionnel ?

La Campagne réunit plus de 300 organisations membres, dont un certain nombre de réseaux/coalitions palestiniens, venus de toute la Palestine historique et du Liban. Ses membres sont des organisations respectées, s’appuyant sur la communauté et présentant des liens significatifs avec les communautés qu’elles servent. Les organisations varient dans leur domaine d’expertise ainsi que dans leur portée et elles opèrent dans toute une variété de secteurs : elles fournissent des services civils, économiques, politiques, sociaux et culturels et font également la promotion des voix et droits palestiniens. La Campagne est guidée par un comité de guidance de 7 membres élus.


Source : www.badil.org
Traduction : Jean-Marie Flémal

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