Des centaines de Palestiniens blessés à Jérusalem

Vendredi soir, à Jérusalem, des centaines de Palestiniens ont été blessés et des dizaines d’entre eux ont dû être hospitalisés quand les forces israéliennes ont fait irruption sur le site de la mosquée Al-Aqsa et ont continué à réprimer les protestations contre les expulsions imminentes des Palestiniens du quartier de Sheikh Jarrah.

7 mai 2021. Des policiers israéliens se regroupent lors des attaques contre les Palestiniens sur le site de la mosquée Al-Aqsa, et ce, au beau milieu des tensions provoquées par la possible expulsion forcée de plusieurs familles palestiniennes de leurs maisons, bâties sur des terrains dont la propriété est revendiquée par des colons juifs, dans le quartier de Sheikh Jarrah. (Photo : Jamal Awad / APA Images)

Yumna Patel, 8 mai 2021

Le point culminant de cette violence a été atteint dans l’enceinte du site de la mosquée Al-Aqsa, où des dizaines de milliers de fidèles palestiniens s’étaient rassemblés à l’intérieur même de la mosquée et dans la cour qui l’entoure pour leurs prières du soir en ce dernier vendredi du Ramadan.

Des images vidéo de la scène montrent des gens en prière au moment où les forces armées israéliennes font irruption sur le site, en lançant des bombes assourdissantes, des grenades lacrymogènes et en tirant des balles en caoutchouc sur les fidèles. 

La situation a très vite dégénéré en chaos quand les forces israéliennes ont dispersé de force des groupes épars de gens en train de prier, et des Palestiniens présents sur le site ont riposté en lançant des chaises, des chaussures et des pierres en direction des militaires. 

À un moment de la soirée, des Palestiniens qui s’étaient mis à l’abri à l’intérieur même de la mosquée – le troisième lieu saint de l’Islam – ont été attaqués par des soldats qui ont tiré des grenades assourdissantes et des balles enrobées de caoutchouc dans la mosquée, après avoir piégé les gens à l’intérieur.  

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Le Croissant-Rouge palestinien rapporte que 205 personnes ont été blessées à Jérusalem, dont 88 ont été hospitalisées en raison de la gravité de leurs blessures.  

Des rapports sur le terrain indiquent également que les forces israéliennes visaient les gens à la tête et au visage de leurs balles d’acier enrobées de caoutchouc. Bien qu’Israël considère ces armes comme faisant partie des « mesures de contrôle des foules », l’usage de ces balles enrobées de caoutchouc dans les territoires palestiniens occupés a un très long palmarès de blessures graves, de mutilations et même de morts d’homme parmi les manifestants palestiniens.

Le Croissant-Rouge a confirmé qu’un grand nombre des blessures subies par les Palestiniens vendredi soir avaient été occasionnées à la tête et aux yeux et qu’une personne au moins avait perdu un œil. Deux autres, a-t-il été rapporté, ont subi de graves blessures à la tête, alors que deux autres Palestiniens ont eu les mâchoires fracturées.

Des vidéos tournées dans une clinique à Jérusalem-Est où l’on a soigné des Palestiniens blessés montrent que les forces israéliennes ont lancé des bombes assourdissantes à l’intérieur même de la clinique.

Les forces israéliennes s’étaient déployées en grand nombre dans la zone et autour de la Vieille Ville par où l’on se rend aux prières du soir, et des vidéos sur les médias sociaux montrent la police israélienne qui lance des bombes assourdissantes sur une foule de Palestiniens qui se rassemblaient dans la rue pour rompre leur jeûne.

D’autres vidéos ont fait le tour des médias sociaux et montrent des enfants courant dans les rues de la Vieille Ville pour s’éloigner des gaz lacrymogènes et des bombes assourdissantes. 

Tout au long de la journée, les médias palestiniens ont rapporté que les forces sécuritaires israéliennes avaient sévèrement limité l’accès au lieu saint, obligeant à faire demi-tour les fidèles venus de toute la Palestine pour y prier avant la fin du mois de Ramadan. 

Dans la ville, depuis le début du Ramadan, la police israélienne a largement restreint l’accès des Palestiniens aux lieux saints musulmans et autres importants espaces publics de rassemblement, comme les environs de la porte de Damas, à l’extérieur de la Vieille Ville. Ces restrictions, associées à la présence de hordes israéliennes racistes anti-arabes qui s’en prennent aux Palestiniens de la ville et participent à des défilés où l’on scande « Mort aux Arabes ! », ont mis toute la ville sur les nerfs. 

#SaveSheikhJarrah (Sauvez Sheikh Jarrah)

La violence qui a éclaté vendredi a été le point culminant de plusieurs semaines de tensions sans cesse accrues dans la ville et dans le territoire palestinien occupé.

Ces tensions ont atteint leur paroxysme cette semaine, quand les forces israéliennes ont réprimé les protestations contre les expulsions forcées imminentes de Palestiniens dans le quartier de Sheikh Jarrah et qu’elles ont tué deux Palestiniens en Cisjordanie occupée, dont un adolescent de 16 ans.   

Les Palestiniens du quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, ont organisé des manifestations quotidiennes contre les efforts de colons israéliens en vue de les expulser de leurs maisons. Leurs protestations ont été reprises lors de manifestations massives sur le site de la mosquée Al-Aqsa ces tout derniers jours, ainsi que dans de nombreux autres endroits en Israël et en Palestine.

Les forces israéliennes ont largement réprimé les manifestations pacifiques et les sit-in à Sheikh Jarrah, aspergeant de skunk (un liquide particulièrement nauséabond) les manifestants palestiniens et les journalistes, lançant des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes sur les foules et tabassant sauvagement les résidents du quartier avant de les arrêter. 

Al Jazeera rapporte qu’au moins 30 personnes ont été blessées et 15 autres arrêtées jeudi soir après que des colons israéliens ont attaqué et aspergé de spray au poivre un groupe de résidents palestiniens du quartier au moment où ils allaient prendre place autour d’un repas communautaire de l’Iftar, dans la rue.

Des vidéos montrent des colons israéliens en armes, accompagnés par la police israélienne, les armes prêtes à tirer, en patrouille dans le quartier. Ces vidéos sont partagées largement sur les médias sociaux par des activistes palestiniens du quartier, afin de mettre les gens en garde contre la violence sans cesse croissante des colons. 

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Vendredi, Mohammed el-Kurd, écrivain et activiste palestinien et résident du quartier de Sheikh Jarrah, a fait savoir que Twitter que la police israélienne empêchait les Palestiniens et les journalistes d’accéder à Sheikh Jarrah, n’autorisant le passage qu’aux personnes dont les cartes d’identité prouvaient qu’elles habitaient effectivement dans le quartier. 

Pendant ce temps, des colons israéliens armés étrangers au quartier étaient autorisés par la police d’entrer dans la zone et, manifestement, on les a laissés écumer librement les rues. 

« Quid s’ils nous massacrent ? Nos familles sont terrifiées. Qui va nous sauver ? », écrivait el-Kurd. 

Plus tôt cette semaine, la Cour suprême israélienne a reporté sa décision concernant l’appel des familles, leur ordonnant de « dégager un accord » avec les colons qui tentent de les expulser, accord en vertu duquel elles les reconnaîtraient comme propriétaires et leur paieraient un loyer – ce que les familles ont refusé. 

On s’attend à ce que le tribunal tienne une nouvelle audience sur l’affaire, ce lundi 10 mai.

Situation tendue

On s’attend à ce que les tensions à Jérusalem se poursuivent au cours des prochains jours et débordent sur la Cisjordanie et Gaza, où les Palestiniens ont appelé à une journée de colère ce samedi, en réponse à la répression à la mosquée Al-Aqsa. On s’attend à ce que se poursuivent également les autres protestations contre les expulsions de Sheikh Jarrah.

Dimanche 9 mai marquera la 27e nuit du mois sacré du Ramadan, une nuit considérée par les musulmans comme la Laylatul-Qadr, l’une des nuits les plus saintes du mois. Cette nuit attire typiquement des foules massives de fidèles à la mosquée Al-Aqsa. 

Ce dimanche soir débutera également la fête israélienne connue sous le nom de « Journée de Jérusalem », au cours de laquelle Israël célèbre son annexion illégale de Jérusalem-Est en 1967.  

L’événement attire lui aussi des foules importantes d’ultranationalistes israéliens et de groupements religieux d’extrême droite qui déambulent dans la ville afin d’affirmer leur domination, tout en harcelant et agressant fréquemment les Palestiniens tout au long du parcours.  

On s’attend à un très important déploiement de forces israéliennes dans toute la ville et les Palestiniens peuvent s’attendre à plus de violence encore, du même genre que celle à laquelle ils ont assisté ce vendredi soir.


Publié le 8 mai 2021 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également :

À Sheikh Jarrah, les jeunes Palestiniens dirigent la lutte contre les expulsions (Oren Ziv)

La résistance contre l’épuration ethnique à Sheikh Jarrah (Yumna Platel)

 Jérusalem: Quand la société se soulève contre la catastrophe de la colonisation (Majd Kayyal)

Les pogroms israéliens à Jérusalem (Asa Winstaley)

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