La résistance contre l’épuration ethnique à Sheikh Jarrah

En deux semaines à peine, six familles palestiniennes, soit en tout 27 personnes, du quartier de Sheikh Jarrah, dans Jérusalem-Est occupée, seront chassées de chez elles et laissées à la rue pour être remplacées par des colons israéliens. Aujourd’hui, les résidents mettent les bouchées doubles dans la campagne pour sauver Sheikh Jarrah (#SaveSheikhJarrah). 

16 avril 2021. Des activistes palestiniens et israéliens protestent contre l'expulsion de réfugiés palestiniens à Sheikh Jarrah, au profit de colons israéliens (Photo : Activestills)

16 avril 2021. Des activistes palestiniens et israéliens protestent contre l’expulsion de réfugiés palestiniens à Sheikh Jarrah, au profit de colons israéliens (Photo : Activestills)

Yumna Platel, 16 avril 2021

Le sort des familles du quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est occupée, est pour l’essentiel scellé dans la pierre. Un tribunal de district israélien a rejeté leur appel en février dernier et leur a ordonné de quitter leurs maisons au plus tard le 2 mai 2021. 

Un autre appel introduit par sept autres familles de Sheikh Jarrah (31 personnes, dont 8 enfants) a été rejeté par le même tribunal de district en mars et les familles doivent avoir quitté leurs logements pour le 1er août au plus tard.

Si les familles ne quittent pas leurs habitations, où elles ont vécu la majeure partie des 65 dernières années, elles seront chassées de force par les autorités israéliennes en armes, exactement comme l’ont été leurs voisins avant elles. 

Le seul espoir qui reste aux familles el-Kurd, al-Qasim, Skafi et al-Ja’ouni d’éviter que leurs maisons soient reprises par des colons israéliens dans les deux semaines qui viennent réside dans un appel à la Cour suprême – un tribunal qui a un long passé de soutien des projets coloniaux israéliens de peuplement dans des endroits comme Jérusalem, plutôt que de soutien des droits des résidents palestiniens de la ville.

Au fil des années, des douzaines de proches, amis et voisins des familles ont été chassés et remplacés par des colons israéliens, conformément aux décisions des tribunaux israéliens.

En 2002, 43 Palestiniens du quartier ont été expulsés de force après avoir perdu une longue bataille juridique contre les colons israéliens ; en, 2008, des vidéos de la famille al-Kurd en train de se faire exproprier de la moitié de sa maison par un groupe de colons ont fait les gros titres au niveau international ; en 2009, les familles Hanoun et Ghawi ont été éjectées de leurs maisons ; et, en 2017, la famille Shamasneh a connu un sort similaire quand ses huit membres, dont Fahamiya Shamasneh, 75 ans, et son mari Ayoub, 84 ans, ont été chassés de chez eux.

L’échéance toute proche de l’expulsion – le 2 mai – pèse lourd pour l’écrivain et poète de 22 ans, Mohammed el-Kurd, qui avait tout juste onze ans quand sa famille a vu tous ses biens jetés à la rue et la moitié de sa maison reprise par un groupe de colons israéliens.

[Mohammed el-Kurd est un écrivain et poète palestinien, natif de Sheikh Jarrah. (Photo : Jaclynn Ashly/Al Jazeera)

« Je me rappelle toutes les forces de police israéliennes présentes ce jour-là, lançant des bombes assourdissantes et tabassant les gens qui essayaient de leur résister »,

a raconté à Mondoweiss el-Kurd, qui vit actuellement à New York.

« Ils avaient complètement isolé le quartier du reste de la ville, personne ne pouvait entrer ni sortir. »

El-Kurd explique qu’il a toujours des souvenirs vivaces des scènes où les Palestiniens étaient arrêtés par douzaines, des colons israéliens qui avaient jeté les meubles de sa famille dans la rue et s’étaient installés dans une partie de sa maison. 

« Je me souviens, ils jetaient dehors tout ce dont ils ne voulaient pas, et tout ce qui les intéressaient de nos biens, ils le gardaient tout simplement »,

dit-il. L’un des meubles que les colons avaient gardés était le berceau de la petite sœur d’el-Kurd, avec lequel le colon avait fait un feu de joie dans la cour de devant, le lendemain. 

À ce jour, tout ce qui sépare les colons israéliens de la famille el-Kurd consiste en une simple paroi de plâtre et une corde à linge accrochée dans la cour. Toutefois, dans deux semaines à peine, le peu de la maison que la famille el-Kurd a pu garder pourrait lui être arraché à nouveau.

« Je parlais avec mes voisins récemment et je leur ai dit que je savais que cela nous était déjà arrivé auparavant, mais que c’était toujours aussi choquant de savoir que, le 2 mai, des gens vont nous arracher de nos maisons une fois de plus et nous jeter à la rue. Et il n’y a rien que nous puissions faire pour les en empêcher. » 

« La Nakba n’a jamais eu de fin »

L’histoire de Sheikh Jarrah et de se résidents remonte à 1948, quand l’État d’Israël a été créé et que, suite à cela, la Nakba, ou la « catastrophe », en arabe, du peuple palestinien a débuté.

On estime que plus de 750 000 Palestiniens ont été forcés de quitter leurs foyers et ont été transformés en réfugiés. Alors que des dizaines de milliers d’entre eux fuyaient vers les pays voisins comme la Syrie et la Jordanie, des milliers d’autres passaient des années à fuir entre les villes et localités à l’intérieur de la Palestine historique. 

Dans le sillage de la Nakba, Israël a adopté la Loi sur la Propriété des Absents de 1950, réglementant la propriété des Palestiniens qui, suite à la Nakba, s’étaient retrouvés à l’étranger, avaient été obligés de fuir ou de s’exiler. 

La loi définissait les réfugiés palestiniens et les autres personnes déplacées, y compris celles qui s’étaient enfuies dans des endroits situés à quelques kilomètres à peine de leurs foyers d’origine, comme des « absents », désignant par conséquent leurs propriétés à l’appropriation par l’État. 

Outre le fait qu’elle prépare la voie à l’expropriation de milliers d’acres de terre palestinienne en tant que « terres de l’État », cédées ensuite aux communautés juives en Israël, la loi refuse aussi le droit au retour aux prétendus « absents » de retourner et celui de faire valoir leurs revendications à propos de leurs maisons et de leurs terres.

Nombre de réfugiés de villes côtières comme Haïfa et Jaffa se sont finalement établis à Jérusalem, où ils ont cherché refuge dans les communautés palestiniennes qui y étaient restées dans le sillage de la Nakba.

L’une de ces réfugiées était Rifqa el-Kurd, la grand-mère de Mohammed el-Kurd. En 1956, sa jeune famille était l’une des 28 familles de réfugiés palestiniens qui se virent proposer une maison dans la zone de Karm Al-Ja’ouni du quartier de Sheikh Jarrah, et ce, dans le cadre d’un accord entre le gouvernement jordanien et l’UNRWA, l’agence de l’ONU créée pour la protection des réfugiés palestiniens. 

Le nouveau projet de logement fut établi sur des terres précédemment prêtées par deux petites communautés juives, qui avaient fui la zone à majorité palestinienne au cours de la Nakba. 

Dans le cadre du projet de repeuplement, l’accord entre la Jordanie et l’UNRWA stipulait que les 28 familles recevraient un titre juridique de propriété dans les trois ans, ce qui ne se fit jamais. 

Nous en arrivons rapidement à 1967, quand Israël s’empara du contrôle de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est, occupant et annexant unilatéralement cette dernière, en violation des lois internationales. Suite à l’annexion de Jérusalem-Est, Israël appliqua unilatéralement sa loi interne au territoire, y compris la Loi sur la Propriété des Absents, ce qui se traduisit par de nouvelles confiscations de propriétés palestiniennes par l’État.

En 1970, Israël valida la Loi sur les Questions juridiques et administratives qui permet exclusivement aux Juifs israéliens d’introduire des revendications sur la propriété de terres et de biens prétendument détenus par des juifs à Jérusalem-Est avant la création de l’État d’Israël en 1948.

Conformément à la loi, les propriétés de juifs qui ont été gérées par le Dépositaire jordanien de la propriété de l’ennemi (Jordanian Custodian of Enemy Property) jusqu’en 1967 à Jérusalem-Est ont été transférées au pouvoir du Dépositaire général d’Israël (Israeli Custodian General), qui peut alors libérer de telles propriétés au profit de Juifs israéliens qui revendiquent la propriétés de ces biens ou prétendent les avoir hérités avant 1948, même si ces propriétés sont actuellement habitées par des résidents palestiniens – comme ceux de la zone de Karm Al-Ja’ouni à Sheikh Jarrah.

Suite à la loi de 1970, deux communautés juives ont revendiqué la propriété de terrains à Karm Al-Ja’ouni, prétendant que les terrains étaient la propriété de juifs depuis la période du contrôle de la Palestine par les Ottomans. Après procédure juridique, le Dépositaire général d’Israël transféra la propriété de la zone aux comités juifs et enregistra les terrains à leurs noms.

Ces comités juifs ont alors intenté un procès contre 23 familles palestiniennes de Karm Al-Ja’ouni. Au beau milieu de cette bataille juridique, au cours de laquelle les Palestiniens de Sheikh Jarrah furent représentés par l’avocat israélien Toussia-Cohen, ce dernier parvint à un accord avec les deux comités juifs, reconnaissant leurs prétentions à la propriété et acceptant en même temps que les familles restent dans ces propriétés en tant qu’« occupants protégés ».

Plus tard, on découvrit que cet accord avait été conclu sans la connaissance ni le consentement des familles palestiniennes représentées par Toussia-Cohen et qu’il préparait en fin de compte la voie vers le procès d’expulsion contre 28 familles du quartier, y compris certaines qui n’étaient même pas concernées dans cet accord. 

En 1990, les comités juifs vendirent leurs titres de propriété à Nahalat Shimon International, une organisation de colons d’extrême droite dont la mission consiste à vouloir remplacer le plus possible de Palestiniens de Jérusalem-Est par des colons israéliens et à ne plus avoir que des quartiers exclusivement juifs.

Depuis lors, Nahalat Shimon International s’est démenée en tous sens pour l’éviction des résidents palestiniens de Sheikh Jarrah et leur remplacement par des groupes de colons israéliens.

Jusqu’à présent, le groupe a connu le succès dans chacune de ses tentatives dans le quartier et, avec le soutien du tribunal de district israélien et le plein aval des autorités israéliennes, il a fait déplacer plus de 67 Palestiniens de Sheikh Jarrah, et il continue à s’employer en vue du déplacement imminent de 87 résidents palestiniens de plus.   

#SaveSheikhJarrah

Mais comme une nouvelle imminence de leur éviction se profile, les résidents palestiniens restants de Sheikh Jarrah font tout ce qu’ils peuvent, dans le cadre de la campagne #SaveSheikhJarrah, pour attirer l’attention internationale sur leur cause et pour qu’elle suscite le plus possible de pressions internationales.

Ce hashtag envahit les médias sociaux palestiniens depuis des semaines, avec les militants du quartier qui invitent les dirigeants internationaux et les partisans à exercer des pressions sur Israël afin de mettre un terme à ce qu’ils appellent la « Nakba en cours » à Sheikh Jarrah. 

Des visites quotidiennes et partisanes du quartier dirigées par ses résidents palestiniens et des sit-in et manifestations hebdomadaires ont provoqué ces dernières semaines un surcroît d’attention sur la situation à Sheikh Jarrah. 

La semaine dernière, une manifestation a fait les gros titres après que les autorités israéliennes ont violemment réprimé les protestations, blessant plusieurs manifestants, dont le parlementaire israélien Ofer Cassif, membre juif de la Liste unifiée à majorité palestinienne.

El-Kurd qui, depuis des années, utilise sa plate-forme pour défendre sa famille et ses voisins de Sheikh Jarrah, a expliqué à Mondoweiss que lui-même et les autres activistes de la communauté font un effort conscient ces derniers temps pour assumer le contrôle de leurs histoires, et ce, après des années de déformations des faits par les médias internationaux.

« Il y a dix ans, nous n’avions guère d’anglophones, à Sheikh Jarrah, et nous étions incapables de coordonner notre approche des médias, dans le quartier »,

explique el-Kurd, ajoutant qu’en tant qu’un des rares anglophones, lui, un enfant de 11 ans à l’époque, était souvent la personne, à défaut d’une autre, que les journalistes abordaient et interviewaient pour les informations internationales.

« J’étais un enfant », dit-il. « C’était incroyablement déshumanisant. À l’époque, nous n’étions pas maîtres de notre discours. »

Ces derniers temps, explique el-Kurd, les résidents de Sheikh Jarrah sont plus assertifs dans la manière dont ils représentent leur propre histoire, ils font appel aux dirigeants et hommes politiques internationaux pour

« imposer une véritable pression politique et déclencher de véritables actions politiques contre l’occupation israélienne en raison des crimes qu’elle commet entre autres à Sheikh Jarrah. »

En février dernier, el-Kurd a exercé avec succès du lobbying sur 81 parlementaires britanniques de la Chambre des Communes, dont Jeremy Corbyn, afin qu’ils signent une lettre urgente concernant la situation à Sheikh Jarrah. 

Dans cette lettre, les signataires invitaient instamment le ministre britannique des Affaires étrangères à prendre des mesures telle l’interdiction du commerce de produits des colonies israéliennes,

« afin de garantir que le Royaume-Uni fera tout ce qui est dans son pouvoir pour ne pas devoir assister à de graves infractions aux lois internationales ».  

En mars, un groupe de 14 organisations palestiniennes et régionales des droits humains ont adressé un appel urgent aux Procédures spéciales des Nations unies concernant les expulsions forcées à Jérusalem-Est et, plus particulièrement, la situation à Sheikh Jarrah, mettant ainsi en lumière la façon dont Israël a illégalement appliqué les lois internes israéliennes à Jérusalem-Est occupée, ce qui a résulté en des décisions judiciaires presque toujours favorables aux organisations de colons israéliens.

Et, alors qu’il ne fait pas de doute que Sheikh Jarrah a bénéficié d’un regain d’attention suite aux dates imminentes des prochaines expulsions, el-Kurd déclare qu’il ne peut s’empêcher de se sentir vaincu par le fait que ce genre d’appel tombe souvent dans l’oreille d’un sourd. 

« Je ne blâme pas les organisations palestiniennes qui s’emploient à adresser des appels aux institutions et agences internationales »,

dit-il, ajoutant que

« des appels de ce genre sont absolument nécessaires aussi ».

« Ce qui me rend dingue, c’est le fait que les institutions et les hommes politiques qui continuent à fermer les yeux et à ne pas entreprendre des actions, même après être venus dans notre quartier, s’asseoir avec nos familles et tweeter sur nous »,

dit-il, faisant allusion à des diplomates étrangers qui visitent fréquemment Sheikh Jarrah, proposant des platitudes aux résidents, mais pas d’action réelle une fois qu’il s’agit de demander des comptes à Israël à propos de sa politique discriminatoire.

El-Kurd dit que, via son plaidoyer, le plus gros message qu’il a essayé de faire passer, c’est que ce qui se passe à Sheikh Jarrah ne peut être combattu qu’à un niveau politique et diplomatique élevé.

« Je suis las des lettres creuses de condamnation adressées à des hauts responsables israéliens, sans la moindre action réelle »,

dit-il.

« Afin de réellement sauver Sheikh Jarrah, les gens doivent adopter des positions politiques fermes et réclamer des sanctions contre Israël pour ce qu’il fait. »

« Nous n’en avons pas encore assez vu »,

poursuit el-Kurd.

« Il faut qu’il y ait de véritables actions. Ces organisations de colons, c’est maintenant qu’il faut les bloquer. Même si nous ne parvenons pas à leur faire restituer toutes les terres qu’ils nous ont déjà volées, nous devons les arrêter avant qu’ils en prennent plus encore. Il ne reste rien pour nous. »

« Ce n’est pas de l’apartheid, c’est de l’épuration ethnique »

Les décennies de combat à Sheikh Jarrah ont été décrites par ses résidents et les organisations palestiniennes des droits humains comme un exemple parfait de l’apartheid israélien.

Des millions de réfugiés palestiniens et leurs descendants, y compris ceux qui vivent dans la zone de Karm Al-Ja’ouni de Sheikh Jarrah, n’ont pas le droit, selon la Loi sur la propriété des absents de 1950, de réclamer leurs maisons et propriétés d’origine dont ils ont été expulsés en 1948.

En attendant, dans le cadre de la Loi de 1970 sur les questions juridiques et administratives, les Juifs israéliens et les organisations de colons ont le droit exclusif de revendiquer la propriété et les terres dont on prétend qu’elles appartenaient jadis à des juifs, souvent via des moyens douteux et en ayant recours à des documents dont la validité a été remise maintes fois en question.   

Les mêmes comités juifs qui cherchent aujourd’hui à expulser les Palestiniens de Sheikh Jarrah, ont reçu des compensations du gouvernement israélien pour la perte de leurs propriétés. Par contre, les réfugiés palestiniens vivant à Sheikh Jarrah n’ont jamais été dédommagés pour la perte de leurs biens, dans des endroits comme Haïfa et Jaffa, par exemple, pas plus que ne l’ont été les millions d’autres réfugiés palestiniens qui continuent à survivre en exil ou dans des camps de réfugiés disséminés dans toute la région.

Dans leur appel adressé aux Procédures spéciales des Nations unies le mois dernier, les organisations palestiniennes des droits humains ont dit que les activités de peuplement israéliennes à  Sheikh Jarrah faisaient

« partie d’un projet bien plus vaste visant à imposer de force la transformation de la composition démographique et du caractère culturel de Jérusalem afin d’enraciner la propriété exclusive de Jérusalem par des Juifs israéliens au détriment de sa population palestinienne protégée ».

« Non seulement Israël a illégalement étendu son système juridique civil interne à Jérusalem-Est, mais il a en outre promulgué des lois et pris des mesures plus discriminatoires encore qui appliquent la confiscation de la propriété palestinienne à Jérusalem-Est en faveur des colons, le transfert par la force des Palestiniens, et l’expansion de la présence juive israélienne dans la ville. Les fondements juridiques discriminatoires d’Israël fournissent la base de la création d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien dans son ensemble »,

disait encore l’appel. 

À Sheikh Jarrah, des graffiti en arabe disent : « Nous ne partirons pas. » Sheikh Jarrah, Jérusalem-Est occupée, avril 2021. (Photo : Saleh Zighari)

Mohammed el-Kurd a expliqué à Mondoweiss qu’une erreur souvent commise, croit-il, par les médias et les publics internationaux quand il est question de Sheikh Jarrah, consiste à accepter la légitimité du système judiciaire israélien à l’égard des communautés palestiniennes à Jérusalem-Est occupée.

« Selon les lois internationales, le système judiciaire israélien n’a aucune autorité légale sur nous, à Jérusalem-Est occupée et pourtant nous y voilà »,

dit-il, en répétant les déclarations d’innombrables organisations des droits humains.

« Nous combattons les colons, mais nous traitons avec un tribunal, un juge et un jury propres à ce régime colonial de peuplement », 

dit el-Kurd. 

« Ce que les gens de la communauté internationale ne voient pas, ce sont les gros titres disant que le fait que nous sommes « expulsés » implique la présence d’un propriétaire doté une autorité juridique »,

poursuit-il.

« Mais ce qui se passe, c’est qu’en tant que quartier collectif, nous perdons nos maisons via le déplacement et la dépossession de force par des organisations de colons qui travaillent en collusion avec l’État. »

El-Kurd explique qu’il ne croit pas que le mot « apartheid » suffise pour décrire ce qui se passe à Sheikh Jarrah, et il ajoute que le terme « épuration ethnique » recouvre mieux la réalité de ce qui se passe dans le quartier.

« C’est une Nakba », dit-il,

« et qui se poursuit dans d’autres quartiers et communautés, et ce, de la même façon qu’en 1948. Nous voyons notre quartier se faire effacer juste sous nos yeux. »

El-Kurd dit que l’une de ses plus grandes craintes, c’est que, dans dix ans, quand il déambulera dans son quartier, il ne trouvera plus aucun vestige de l’endroit où il a grandi. 

« Si ces organisations de colons parviennent à leurs fins, nous passerons dans le quartier et n’y verrons plus que des colonies »,

dit-il.

« Il y a des gens qui écriront sur Sheikh Jarrah, comme si ce n’était plus qu’un lointain souvenir. »

Quant à l’échéance du 2 mai, el-Kurd dit qu’il a réservé un billet aller pour la Palestine et qu’il espère être à même de s’y rendre pour aider sa famille dans ce qui, à coup sûr, sera une période difficile.  

« J’espère que nous ne serons pas jetés à la rue mais, si nous le sommes, je veux être là pour aider mes parents »,

dit-il, ajoutant qu’il a

« le cœur brisé à propos de ma maison, mes souvenirs, ma vie et mes rêves. C’est l’endroit où je veux vivre et mourir, et on nous en dépouille. »  

« Je veux que le monde sache que, quoi qu’il advienne, nous resterons campés fermement, à cent pour cent, sur nos convictions et sur la vérité historique que ceci est notre terre. Nous ne partirons pas, sauf si l’on nous traîne de force hors de nos maisons. »


Publié le 16 avril 2021 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également : La réalité brutale des Palestiniens à Silwan, Jérusalem

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