Une lutte partagée : Récits de grévistes de la faim palestiniens et irlandais
Une nouvelle anthologie « Une lutte partagée : Récits de grévistes de la faim palestiniens et irlandais » réunit des expériences communes et parle de la lutte unie des grévistes de la faim palestiniens et irlandais.
Eman Abuaisha, 20 septembre 2021
» A Shared Struggle: Stories of Palestinian and Irish Hunger Strikers « (*) «Une lutte partagée : Récits de grévistes de la faim palestiniens et irlandais », publié par la maison d’édition irlandaise An Fhuiseog, en juillet 2021), est sorti au moment idéal, quand six détenus d’une prison israélienne ont reconquis leur liberté en s’évadant par un tunnel qu’ils avaient creusé, envoyant ainsi des vagues de solidarité sans précédent aux prisonniers palestiniens des geôles israéliennes
Le livre reprend 31 récits de prisonniers (24 Palestiniens et 7 Irlandais) qui se sont lancés dans des grèves de la faim dans les prisons israéliennes et britanniques et ce, pour diverses raisons, entre autres pour améliorer leur statut et leurs conditions de détention. Le livre, dont l’introduction a été rédigée par Danny Morrison et Asad Abu Sharkh, est le troisième d’une série proposée par Norma Hashim et Yousef M. Aljamal sur les prisonniers palestiniens, après la publication de Dreaming of Freedom: Palestinian Child Prisoners Speak (Rêver de la liberté : Des enfants palestiniens prisonniers parlent – 2016) et The Prisoners Diaries: Palestinian Voices from the Israeli Gulag (Journaux de prisonniers : Voix du goulag israélien – 2013).
« Une lutte partagée » révèle les conditions inhumaines dans lesquelles les grévistes de la faim palestiniens et irlandais ont vécu dans les prisons britanniques et israéliennes. Ceci inclut le confinement solitaire à long terme dans les prisons israéliennes, le manque de soins médicaux, la très piètre qualité des repas proposés aux prisonniers, le refus des visites de la famille et bien d’autres choses encore. Du fait que ce livre est publié à un moment d’une très grande importance pour les prisonniers palestiniens, il sert en même temps d’appel à la communauté internationale et aux médias traditionnels afin qu’ils se penchent sur la question des prisonniers palestiniens, et en particulier des grévistes de la faim, en témoignant la même solidarité que celle dont ont fait l’objet les grévistes de la faim irlandais.
En lisant le livre, les similarités entre grévistes de la faim palestiniens et irlandais sautent aux yeux. Les prisonniers irlandais se sont mis en grève de la faim surtout pour obtenir un statut politique, alors que les prisonniers palestiniens l’ont fait pour toute une série de revendications, dont le droit de contacter leurs familles, de recevoir des visites de leurs proches, de recevoir des visites depuis Gaza, d’avoir accès à des soins médicaux et à l’enseignement, de regarder la TV et de lire des journaux et des livres. Ces toutes dernières années ont vu une hausse constante du nombre de prisonniers palestiniens – dans bien des cas détenus sans charges ni procès – qui se sont lancés dans des grèves de la faim en une tentative de gagner leur liberté.
Nombre de ces récits des grévistes de la faim semblent similaires et, dans certains cas, identiques, ce qui donne à penser que les tactiques utilisées par les gouvernements d’Israël et du Royaume-Uni contre les grévistes de la faim étaient similaires elles aussi. La loi sur les arrestations administratives, par exemple, est une loi britannique utilisée par Israël contre les prisonniers palestiniens. La même loi était d’application en Palestine à l’époque du Mandat britannique et elle était également utilisée en Irlande du Nord et, aujourd’hui, elle est toujours utilisée par Israël dans les territoires palestiniens occupés. Cette loi permet à Israël de détenir des prisonniers palestiniens indéfiniment sans accusation ni procès, uniquement en se basant sur des preuves secrètes. Certains prisonniers palestiniens ont passé jusque 15 ans en tout dans les prisons israéliennes, sous ce régime de la détention administrative. Par conséquent, nous pouvons établir une analogie entre Israël et la Grande-Bretagne, non seulement en termes de politique coloniale générale, mais aussi de mesures individuelles d’intimidation.
Le livre révèle que des mesures de torture, de mauvais traitements et d’intimidation sévère semblables à celles utilisées par la Grande-Bretagne contre les prisonniers irlandais sont également appliquées actuellement par Israël contre les prisonniers palestiniens. Le tout dernier exemple rapporté n’est autre que celui des tortures barbares infligées aux six prisonniers palestiniens qui se sont évadés des prisons israéliennes et qui ont été repris ensuite.
Le livre a été rendu possible par les contributions d’activistes et d’écrivains de divers pays comme la Palestine, l’Irlande, l’Angleterre et la Malaisie, ce qui révèle une fois de plus l’importance de la solidarité internationale. Parmi les contributeurs à cet ouvrage figurent Norma Hashim, Yousef Aljamal, Asad Abushark, Danny Morrison, Moaath Alamoudi, Fayhaa Shalash, Low Seong Chai et Richard Falk. Le livre reprend quelques poèmes du prisonnier palestinien Khalil Abu Aram et du légendaire gréviste de la faim irlandais Bobby Sands, dont L’alouette et le combattant de la liberté (The Lark and the Freedom Fighter, qui a donné son nom à la maison d’édition). La couverture du livre s’adresse à cette solidarité également, puisqu’elle représente un groupe de femmes palestiniennes participant, en 1981, à un sit-in de solidarité en soutien des grévistes de la faim irlandais et brandissant une affiche sur laquelle il est écrit : « Nafha, H-Block, Armagh : Un seul et même combat. »
« Une lutte partagée » tend à informer ouvertement et mobiliser l’opinion publique à propos des pratiques inhumaines auxquelles sont soumis les détenus palestiniens dans les prisons, tout en jetant un pont entre l’Irlande et la Palestine. Le lecteur comprend facilement que la lutte pour la liberté vaut bien tous les sacrifices, en dépit de toutes les conséquences douloureuses que cela peut comporter, comme le fait remarquer dans le livre même Mahmoud Al-Sarsak, footballeur et ancien gréviste de la faim palestinien.
« Mon refus d’ingurgiter de la nourriture n’avait rien d’une tentative de suicide comme l’ont décrit les médias de l’occupation israélienne, mais c’était plutôt un instrument de légitime défense grâce auquel j’habituais mon corps à imposer mes revendications et à mettre ma cause en exergue comme étant celle d’un prisonnier qui a été dépouillé de sa dignité et de sa liberté. Malgré le fait que j’étais d’avance conscient du risque que comportait une grève de la faim et de ce que je pouvais perdre la vie à l’instar de plusieurs grévistes de la faim irlandais, j’ai décidé de poursuivre cette grève, parce que chaque martyr qui tombe sur cette voie est une lumière pour ceux qui cherchent la liberté. »
Le livre relate les expériences personnelles de prisonniers, ce qui lui confère une valeur particulière tout en associant le lecteur aux expériences des prisonniers. C’est une tentative d’insérer l’oppression quotidienne et la résistance unique des prisonniers palestiniens dans l’agenda international par tous les moyens possibles. D’une certaine façon, le livre nous dit indirectement pourquoi les prisonniers palestiniens vont jusqu’à creuser un tunnel de 25 mètres de long afin d’échapper aux prisons israéliennes, en se servant d’une cuiller pendant 9 mois. C’est un appel en vue d’aider ces prisonniers à conquérir leur liberté. Les prisonniers palestiniens sont privés de droits humains les plus élémentaires et il n’est absolument pas surprenant que Muhammad Al-Ardaa, l’un des six évadés, ait déclaré que manger des cactus dans la montagne de Palestine signifiait tout pour lui et qu’il s’était précipité pour embrasser un enfant dans la rue, parce qu’il n’en avait plus vu un seul depuis 22 ans qu’il était en prison.
(*) A Shared Struggle : Stories of Palestinian and Irish Hunger Strikers
par Norma Hashim et Yousef M. Aljama.
240 pp. An Fhuiseog, £10.00
Publié le 20 septembre 2021 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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