L’UE forcée d’admettre qu’elle peut bloquer tout commerce avec les colonies israéliennes

Ce mois-ci, l’Union européenne a été forcée de prendre note d’une initiative des Citoyens européens cherchant à bloquer le commerce avec les colonies des territoires occupés.

12 juillet 2021. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid, à gauche, salue son homologue irlandais Simon Coveney lors d’une réunion avec les divers ministres des Affaires étrangères de l’UE. Une décision de justice a forcé cette dernière de reconnaître qu’elle avait le pouvoir de faire cesser tout commerce avec les colonies israéliennes. (Photo : Virginia Mayo / AP)

Ali Abunimah, 23 septembre 2021

La mesure pourrait être à même de bloquer l’accès lucratif aux marchés de l’UE dont bénéficient les entreprises opérant dans les colonies israéliennes installées sur des terres palestiniennes en violation des lois internationales.

Ceci vient après que la Commission – le corps exécutif de l’UE – a encaissé un revers juridique un peu plus tôt cette année.

Les Initiatives des Citoyens européens sont censées fournir aux citoyens ordinaires un mécanisme destiné à influencer la politique et l’agenda législatif de la bureaucratie de Bruxelles, dont la réputation d’opacité et de non-respect de la démocratie n’est plus à faire.

En 2019, sept ressortissants d’États européens avaient introduit une initiative cherchant à faire cesser le commerce avec les colonies, lequel aide à alimenter la colonisation israélienne et contribue par conséquent à commettre des violations massives des droits humains palestiniens.

Mais la Commission avait rejeté l’initiative en affirmant qu’elle n’avait pas l’autorité d’envisager ce qui équivaudrait à imposer des sanctions. Elle prétendait également que seuls les gouvernements des États membres pouvaient décider de ces sanctions.

Ce raisonnement déformé et arbitraire allait à l’encontre des précédentes affirmations de la Commission disant qu’elle seule – et non les États membres – avait l’autorité de décider de la politique concernant le commerce extérieur.

Avec l’assistance de l’European Legal Support Center (Centre européen d’aide juridique), les ressortissants de l’UE ont soumis leur dossier à la justice et ont obtenu gain de cause.

En mai, le tribunal général de l’UE a décidé que la Commission n’avait pas donné de raisons adéquates ni fourni une base juridique suffisante à son refus de prendre note de l’initiative et de lui permettre d’aller de l’avant.

 

« Une démarche juridique significative »

« Mes clients n’ont jamais cherché à sanctionner le moindre État étranger »,

a déclaré jeudi Gilles Devers, l’avocat représentant les sept ressortissants de l’UE.

Il a également dit que leur seule exigence était que

« l’UE se soumette à ses obligations internationales et cesse de brader les droits souverains des peuples occupés sur leur patrie et leurs ressources ».

Selon Devers, l’enregistrement de l’initiative constitue “une démarche juridique significative », parce qu’elle signale que

« la Commission reconnaît officiellement que cesser de commercer avec les colonies illégales est une mesure économique de l’UE et non une sanction ».  

« Après avoir éludé sciemment ses propres responsabilités durant des années, la Commission a désormais reconnu qu’elle avait l’autorité – et, partant, le devoir – de proposer l’adoption d’interdiction d’import-export avec les colonies illégales »,

a encore ajouté Devers.

L‘avocat a déclaré que la reconnaissance par l’UE de ce que cesser de commercer avec les colonies est une mesure commerciale de l’UE, signifie aussi que les États membres à titre individuel ont l’autorité de restreindre les échanges commerciaux avec les colonies, conformément aux règles existantes de l’UE.

Ces réglementations permettent aux États de bloquer certaines importations « pour des raisons de moralité publique et de politique publique », estime Devers.

 

Des opportunités d’action

L’enregistrement d’une initiative n’est qu’une étape initiale. Elle devrait passer par de nombreuses autres phases, y compris l’obtention du soutien d’un million de personnes de l’ensemble de l’UE avant d’avoir la moindre chance d’être introduite et consignée.

Lors de chaque étape, on peut s’attendre à ce que la bureaucratie européenne résolument pro-israélienne cherche d’autres manières encore de faire obstruction à la volonté des citoyens qu’elle est censée représenter.

Le formidable lobby bruxellois d’Israël va sans aucun doute mobiliser tous ses efforts afin d’empêcher que Tel-Aviv ne soit forcé à rendre des comptes.

Au cours de la décennie écoulée, plus de 100 Initiatives des Citoyens européens ont été soumises à l’enregistrement. Sur les 76 qui ont été acceptées, seules six ont été en mesure de rassembler le million de signatures requises.

Selon l’analyse d’un expert, toutefois, « leur impact a été minime ».

Aucune n’a été pleinement appliquée et la Commission n’a jamais adopté qu’en partie les propositions de deux initiatives.  

Alors que la chose est sans aucun doute décourageante, les organisateurs de cette initiative perçoivent leur effort comme la création juridique d’un précédent ainsi qu’une opportunité de mobiliser sur plusieurs fronts des gens des États membres de l’UE.

« Cette victoire juridique a désormais besoin d’être traduite en action afin de faire cesser finalement le commerce avec les colonies illégales, et ce, dans tous les conflits présents et futurs en rapport avec une occupation »,

a déclaré Tom Moerenhout, l’un des fondateurs de l’initiative.

Les organisateurs voient des possibilités d’action outre la collecte de signatures et l’introduction appuyée de l’initiative dans le processus européen.

Les États membres à titre individuel, comme l’Irlande, peuvent désormais faire progresser leur propre législation afin d’interdire les marchandises des colonies israéliennes.  

Les membres du Parlement européen peuvent également se montrer plus agressifs en exigeant que la Commission agisse pour faire cesser le commerce avec les colonies, maintenant qu’elle a admis qu’elle était nantie de l’autorité pour le faire.

Les organisateurs font également remarquer que les États membres peuvent apporter au Conseil de l’UE – le corps intergouvernemental qui définit la politique – des propositions visant à faire cesser le commerce avec les colonies.  
Du fait que ceci est désormais reconnu en tant que question commerciale, de telles mesures pourraient être adoptées à l’issue d’un vote majoritaire. Les sanctions, par contre, requièrent l’unanimité.

En réponse à une demande de commentaire, le porte-parole de l’UE a renvoyé The Electronic Intifada à un communiqué de presse du 8 septembre disant que

« la Commission européenne considère que cette Initiative des Citoyens européens est juridiquement recevable ».

L’UE se charge désormais de « réévaluer l’initiative proposée » à la lueur d’informations supplémentaires des organisateurs et de la décision du tribunal plus tôt cette année, ajoute la déclaration.  

Un site internet – #StopSettlements – mis en place par les organisateurs de l’initiative, fournit des informations sur la façon dont les gens de l’UE peuvent soutenir la campagne.

Photo à la Une : Activestills.org


Publié le 23 septembre 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 
Ali Abunimah

Ali Abunimah

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impass

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