Sheikh Jarrah met en lumière toute la violence provocatrice du projet colonial israélien

Sheikh Jarrah est le tout dernier point chaud du projet expansionniste israélien. Les menaces d’expulsion font partie de ce que les Palestiniens décrivent comme leur « Nakba permanente », parce l’expulsion et l’exil forcé de 80 pour 100 de la population autochtone de la Palestine historique, entre 1947 et 1949, n’a pas été un événement isolé et unique.

Save Sheikh Jarrah

Noura Erakat et Mariam Barghouti, 11 mai 2021

Le jeune écrivain palestinien Mohammed El-Kurd est assis posément devant son ordinateur portable, un sourire sur le visage, alors qu’il s’apprête à faire publier son tout dernier manuscrit, « Rifqa ». Il semble excité, anxieux et effrayé en même temps, alors qu’il relit ses poèmes et les paragraphes sur sa grand-mère. Elle est décédée à 103 ans en défendant sa maison contre les colons israéliens qui en avaient déjà squatté une partie. El-Kurd semble s’accrocher à ses mots dans une tentative de s’assurer que le souvenir de sa grand-mère, de lui-même et de sa lignée, reste avec lui.

Certains croient que ce qui a été consigné quelque part ne peut être perdu, mais le calme d’El-Kurd est rompu quand nous parlons de son quartier de Jérusalem, Sheikh Jarrah, où lui et sa sœur Muna tentent désormais de mettre en lumière les violations graves qui ont lieu actuellement dans le cadre de leur expulsion forcée.

Aujourd’hui, Sheikh Jarrah est pour ainsi dire une zone de guerre, avec les colons israéliens armés qui, sous la protection de la police israélienne, terrorisent les résidents palestiniens. Voilà les véritables colons, ceux-là même qui tentent de chasser par tous les moyens nos familles, dont les El-Kurd.  

Sheikh Jarrah est le tout dernier point chaud du projet expansionniste israélien. Les menaces d’expulsion font partie de ce que les Palestiniens décrivent comme leur « Nakba permanente », parce l’expulsion et l’exil forcé de 80 pour 100 de la population autochtone de la Palestine historique, entre 1947 et 1949, n’a pas été un événement isolé et unique. C’est la même réalité que ce que nous avons vu à Khan al-Ahmar, et à Araqib avant cela, et c’est de cette façon que chaque colonie de peuplement a été consolidée, depuis Tel-Aviv en 1948 jusqu’aux colonies plus récentes de Maali Adumim et de Givat Hamatos en Cisjordanie.

Le peuplement sioniste reste un processus incessant qui cherche à chasser les autochtones palestiniens et à les remplacer par des sionistes juifs. À Jérusalem, les expulsions forcées trouvent un écho dans toute la Cisjordanie, à Gaza et parmi les Palestiniens exilés de force et qui constituent la diaspora mondiale.

Les colons israéliens, soutenus par les États-Unis et par une communauté mondiale pratiquement silencieuse, sont incroyablement audacieux, dans leur campagne d’épuration ethnique. Alors que Muna El-Kurd protestait contre le vol de sa maison, un colon lui a rétorqué froidement : « Si ce n’est pas moi qui la vole, quelqu’un d’autre le fera. » Le maire adjoint de Jérusalem, Arieh King a été surpris par les caméras alors qu’il déplorait qu’un Palestinien qui avait reçu une balle dans la jambe durant les protestations ne l’ait pas reçue dans la tête. Lundi, la police israélienne a fait irruption à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa, l’un des principaux lieux saints de l’Islam, et, en tirant des balles enrobées de caoutchouc et en lançant des grenades assourdissantes, a blessé des centaines de Palestiniens qui y avaient cherché refuge.

Aujourd’hui, une nouvelle génération a pris en main les médias sociaux en utilisant l’hashtag #SaveSheikhJarrah (Sauvez Sheikh Jarrah), pour montrer une fois de plus au reste du monde la violence des colons sionistes. Mais, ces derniers jours, quand l’hashtag s’est mis à apparaître de plus en plus fréquemment sur les plates-formes des médias sociaux, de nombreux activistes ont rapporté que leurs messages avaient été effacés ; des comptes ont également été suspendus en masse. La censure apparente des protestations palestiniennes sur les médias sociaux constitue un autre chapitre de la campagne de plusieurs mois demandant instamment à Facebook de ne pas cataloguer la critique du sionisme en tant que discours haineux antisémite. Bien des organisations pro-israéliennes tentent d’utiliser ces accusations creuses d’antisémitisme pour étouffer le débat autour de la Palestine.

Puisque le 15 mai marquera le 73e anniversaire de l’expulsion massive des Palestiniens de villes comme Haïfa, Tarshiha et Safad en 1948, laissez donc le monde voir ce qui se passe à Jérusalem aujourd’hui. Voilà comment l’on « fabrique » des réfugiés, voilà notre Nakba en cours. Notre combat pour la liberté ne cherche pas un État mais la possession de la terre, la liberté de pouvoir rester dessus, de garder nos maisons, de résister à l’oblitération. Mais le fait d’appeler ces choses par leur nom sur les médias sociaux et de révéler au monde ce qui se passe depuis des dizaines d’années semble plus offensant que notre déportation en cours à la pointe du fusil.

On ne peut nier la réalité. Voilà bien le colonialisme sioniste de peuplement : Si un colon ne s’empare pas de nos maisons, un autre le fera à sa place. Quand le monde ouvrira-t-il les yeux sur cette injustice et y répondra-t-il de la façon qui convient ? Nous n’avons plus besoin de tous ces -ismes vides que nous serinent les deux camps, ce dont nous avons besoin, c’est de solidarité pour venir à bout de l’apartheid.  


Publié le 11 mai sur The Washington Post
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Mobilisations en Belgique (Bruxelles) :

Mercredi 12 mai à 16 h 30 devant le ministère des Affaires étrangères
Samedi 15 mai à 15 h, place de l’Albertine.
RV pour un départ collectif en train de Charleroi : dans la salle des pas perdus de la gare de Charleroi, entre 12 h 30 et 12 h 45. RV à Marchienne-au-Pont à 13 h.

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