Comme le Qatar, Israël achète son influence à Bruxelles

S’acoquiner avec le Qatar est un grave délit. S’acoquiner avec Israël constitue une évolution de carrière astucieuse.

Katharina von Schnurbein, une responsable de l’UE aux liens on ne peut plus étroits avec le lobby pro-israélien. (Photo : Commission européenne)

Katharina von Schnurbein, une responsable de l’UE aux liens on ne peut plus étroits avec le lobby pro-israélien. (Photo : Commission européenne)

David Cronin, 14 décembre 2022

Un scandale de la Coupe du monde ébranle les fondations de l’Union européenne, à en juger selon certains rapports.

Il a tous les ingrédients d’un thriller de mauvais goût.

Un député de grand format vient d’être arrêté. Des valises bourrées de liquidités ont été saisies lors de raids policiers.

Le Qatar est accusé de payer des personnalités importantes de la bulle bruxelloise afin d’édulcorer son palmarès en matière de droits du travail lors des préparatifs du tournoi de football.

Au milieu de toute cette onde de choc provoquée par le scandale, il conviendrait de remarquer qu’il n’y a rien d’inhabituel dans ces tentatives de la part de pays étrangers en vue d’acheter de l’influence au sein des institutions européennes.

Les gardiens de la transparence qu’exaspère la corruption supposée du Qatar sont restés silencieux quand Israël et ses partisans se sont croisé les bras en leur faveur.

Les tactiques d’Israël présentent nombre de similitudes avec celles du Qatar.

L’une des doléances à l’égard du Qatar dit qu’il a « invité » des hommes politiques à des voyages-cadeaux. Israël et ses lobbystes sont particulièrement empressés de proposer de telles invitations.

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Mais certaines des tactiques d’Israël sont plus vicieuses. C’est particulièrement le cas quand il s’agit de la façon dont Israël modèle l’agenda de l’UE autour de l’antisémitisme.

Sans la moindre vergogne, Israël a transformé en arme la souffrance que les Juifs européens ont endurée historiquement et ce, afin d’essayer de museler les critiques de l’oppression à laquelle les Palestiniens sont confrontés aujourd’hui.

Se faire l’écho d’Israël

La bonne volonté de l’UE à plaire à Israël peut se discerner dans un événement qui a eu lieu le mois dernier.

L’événement était présenté comme un « forum de la société civile » sur l’antisémitisme. Bien que le terme « société civile » fasse normalement référence à des organisations non affiliées à des gouvernements, des représentants d’Israël et de son réseau de lobbying ont joué un rôle important dans cette conférence.

Les organisations représentées lors de l’événement sont répertoriées dans un document – voir ci-dessous – obtenu via une requête introduite en vertu de la liberté d’information.

Nombre de ces organisations sont dans le camp d’Israël quand celui-ci massacre des Palestiniens en grands nombres. On y trouve l’American Jewish Committee (Comité juif américain), la Coalition européenne pour Israël et B’nai B’rith.

Un autre participant, le Centre d’information et de documentation sur Israël (installé aux Pays-Bas) a tout récemment admis qu’il diffusait de fausses allégations disant que l’organisation palestinienne des droits humains, al-Haq, était impliquée dans le terrorisme.

Le ministère israélien des Affaires étrangères a lui aussi participé à la conférence.

Plus embarrassante, sans doute, a été la façon dont une responsable de l’UE, présente à l’événement, a été heureuse de se faire l’écho de la propagande israélienne.

Ana Gallego, dirigeante du département de la justice au sein de la Commission européenne (l’exécutif de l’UE), a déclaré lors du forum que « nous avons assisté à une montée de l’antisémitisme parmi les extrémistes de droite, de gauche et islamistes ».

Gallego n’a cité aucune preuve pour étayer son allégation, qui dit que les « extrémistes » de gauche deviennent de plus en plus sectaires.

Rien de surprenant à cela. Elle ne faisait pas une déclaration de fait mais facilitait les tentatives malhonnêtes d’Israël en vue de dépeindre le mouvement de solidarité avec la Palestine, penchant à gauche et vocalement antiraciste, comme étant motivé par la haine des juifs.

Vu la nature du forum, Gallego a été à même de répéter servilement un mensonge sans devoir attendre d’être mise au défi de le faire.

Une note de briefing préparée à son intention – voir plus bas – contenait plusieurs éléments de « défense ». Aucun n’avait trait à son allégation à propos des « extrémistes » de gauche.

 

Un rassemblement exclusif

Alors que, en théorie, la « société civile » est un terme large et inclusif, il s’avère que le forum sur l’antisémitisme a constitué un rassemblement exclusif.

Dans ma requête au nom de la liberté d’information, j’ai demandé que me soient fournis tous les documents imprimés pour le forum et établissant les critères d’éligibilité censés être imposés aux participants. La Commission européenne – qui a convoqué et rassemblé le forum – a répondu qu’elle ne disposait d’aucun document de cette nature.

Aucune organisation concentrant son travail sur les crimes d’Israël contre l’humanité ne figure sur sa liste de participants.

Jusqu’à présent, la Commission européenne a suivi une politique délibérée de rejet de ce genre d’organisations de ses délibérations sur l’antisémitisme. Les opposants juifs à Israël ont été particulièrement ignorés.

Les activités de l’UE dans ce domaine sont guidées par la définition de l’antisémitisme mise au point par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA ou AIMH). S’appuyant sur cette définition, les responsables de l’UE ont prétendu qu’il était antisémite de décrire Israël comme un État d’apartheid ou de dénoncer le sionisme – l’idéologie de l’État – comme raciste.

Katharina von Schnurbein, la coordinatrice de l’UE contre l’antisémitisme, a un discours de plus en plus absurde chaque fois qu’elle essaie de promouvoir la définition de l’IHRA.

Lors d’un récent échange de points de vue avec Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la Cisjordanie occupée et Gaza, von Schnurbein a prétendu qu’elle ne pouvait pas comprendre comment le fait d’utiliser la définition était « en contradiction avec le soutien aux Palestiniens et la défense de leurs droits humains ».

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Il est malaisé de croire que von Schnurbein ignore à quel point la définition est devenue un outil en vue de réduire au silence les Palestiniens qui vivent dans son Allemagne natale.

Un peu plus tôt cette année, sept journalistes ont été licenciés par la chaîne de diffusion publique Deutsche Welle après que le lobbyste pro-israélien de triste renommée, Ahmad Mansour, avait prétendu que les commentaires qu’ils avaient publiés sur Internet contrevenaient à la définition de l’IHRA. Deux des journalistes – toutes deux palestiniennes – ont par la suite contesté avec succès leurs licenciements devant un tribunal.

Von Schnurbein traîne régulièrement avec des diplomates et lobbystes israéliens. Elle a soutenu avec enthousiasme l’agression israélienne de mai 2021 – entre autres – contre Gaza.

https://twitter.com/kschnurbein/status/1600593884345733128?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1600593884345733128%7Ctwgr%5Ef907af37b697658a5c91b6888128d04979c69daf%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fdavid-cronin%2Fqatar-israel-buys-influence-brussels-0

 

Tout cela est permis – voire encouragé, peut-être – par la hiérarchie de l’UE.

S’acoquiner avec le Qatar est un grave délit. S’acoquiner avec Israël constitue une évolution de carrière astucieuse.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

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Publié le 14 décembre 2022 sur The Electronic Intifada  
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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