Pourquoi l’UE est-elle soudainement préoccupée par la « démocratie » israélienne ?

Il m’est venu un flashback en apprenant que, cette semaine, le Parlement européen allait exprimer ses profondes inquiétudes à propos de la façon dont la « démocratie » israélienne se détériore.

Brusquement, je me suis senti ramené au mois déjà lointain de janvier 2023. Des visions de ce même Parlement européen m’ont envahi l’esprit.

"Démocratie" israélienne. Les forces de police israéliennes jouent un rôle central dans la colonisation de Jérusalem-Est.

Les forces de police israéliennes jouent un rôle central dans la colonisation de Jérusalem-Est. (Photo : Saeed Qaq / APA images)

 

David Cronin, 13 mars 2023

Impeccablement fringués, ses principaux représentants faisaient la queue pour se faire tirer en portrait aux côtés du président israélien en visite.

Quelques heures plus tôt à peine, Israël avait perpétré un massacre dans la ville de Jénine, en Cisjordanie occupée.

Cela n’a pas le moins du monde perturbé les nobles et belles âmes de Bruxelles. Elles étaient toutes, sans exception, soucieuses de célébrer la façon dont l’Union européenne et Israël sont indissociablement liés quant à leur histoire et à leurs valeurs.

Bienvenue dans un univers de mythes et d’illusions !

Jusque dernièrement, l’élite de l’UE s’est montrée complaisante à l’égard de la « démocratie » israélienne. La régularité des élections était considérée comme une preuve que la liberté régnait dans cette petite oasis.

Ce n’est que lorsqu’une coalition rudimentaire a entamé son offensive contre la justice que l’UE s’est mise à traiter la « démocratie » israélienne comme une espèce en danger.

Dans ce monde de mythes et d’illusions, personne ne reconnaît qu’Israël était bien décidé à empêcher les Palestiniens de disposer des moindres droits démocratiques.

Les forces de police israéliennes ont joué un rôle essentiel dans l’étouffement de la démocratie. Bien avant que le pyromane d’extrême droite Itamar Ben-Gvir ne devienne le ministre de tutelle de ces forces, son personnel agressait les rassemblements palestiniens – même les enterrements – et pratiquait des exécutions extrajudiciaires.


La facilitation de la cybercriminalité

Malgré – ou peut-être à cause de – cette brutalité, l’Union européenne a accru sa coopération avec les forces policières israéliennes.

Des documents obtenus suite à une requête introduite au nom de la liberté d’information montrent que la police israélienne a participé cette dernière décennie à au moins 16 exercices communs ou autres activités avec l’Agence de l’UE pour la formation des services répressifs. La plupart ont en fait eu lieu au cours de ces trois dernières années.

Les agendas des exercices indiquent que l’agence de formation – connue sous l’acronyme CEPOL – partage le penchant du parlement européen pour la diffusion de mythes et d’illusions.

L’un de ces exercices – voyez plus bas – a eu lieu à Budapest en mars 2022. Il se concentrait sur les « investigations relatives à la cybercriminalité ».

Loin d’enquêter sur la cybercriminalité, Israël l’encourage. Les précédents gouvernements dirigés par Benjamin Netanyahou – le Premier ministre à vie (ou, du moins, à ce qu’il semble) d’Israël a donné au tristement célèbre NSO Group carte blanche pour équiper les régimes répressifs de logiciels espions.

Journalistes et activistes politiques de nombreux pays – dont plusieurs au sein de l’UE – passent pour avoir été ciblés par des activités d’espionnage approuvées par l’État d’Israël.

La CEPOL a néanmoins estimé qu’Israël était un partenaire convenable pour ses activités de lutte contre la cybercriminalité.

À deux occasions au moins, les représentants de la CEPOL se sont rendus à Beit Shemesh, une localité située près de Jérusalem qui accueille le quartier général de l’Académie nationale de police d’Israël.

Et, en novembre dernier, une délégation de policiers israéliens s’est jointe à la CEPOL pour un périple à Amsterdam. Le programme de cette sortie – voyez plus bas – explique que, parmi les sujets examinés, figurait l’utilisation des drones en vue « d’assurer l’ordre public » aux Pays-Bas.

Le programme ne dit pas si le camp des Européens dans la délégation a eu l’occasion de demander à ses invités israéliens si leurs drones avaient été testés à Gaza. Plus de 2 000 Palestiniens ont été tués par ces avions sans pilote depuis le début du siècle, affirme l’organisation pour les droits humains Al Mezan.

Israel Aerospace Industries (IAI) est l’un des principaux fabricants de ces drones.

La même société IAI est impliquée dans au moins six projets dans la cadre d’Horizon Europe, le tout dernier programme de l’UE en matière de recherche scientifique.

Parmi ces projets, l’un a été baptisé du nom prétentieux de Matisse, lequel, si ce qu’affirme l’UE est exact, aidera à développer la technologie de la « prochaine génération » d’avions « neutres sur le plan climatique ».

Pourquoi l’UE, en fait, blanchit-elle les marchands de mort israéliens ?

Alors que cette idée est passablement répugnante, elle est également sous-tendue par une logique.

Dans un univers de mythes et d’illusions, il devient normal de prétendre qu’une société d’armement aimerait à protéger l’environnement.

C’est un peu comme prétendre qu’Israël est une démocratie modèle, qui ne commence à se détériorer qu’aujourd’hui.

Pdf avec document Politie (NL)

 

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

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Publié le 2 mars 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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