Pourquoi l’UE devrait honorer et non éviter ce raciste génocidaire qu’est Itamar Ben-Gvir

Ce que l’UE accueille lors de la Journée de l’Europe, ce n’est pas une célébration de « la paix et l’unité », mais un festival répugnant de la suprématie blanche, de l’hypocrisie et du colonialisme. Ben-Gvir est par conséquent celui qui cadre parfaitement dans cette célébration et il conviendrait donc de l’accueillir tel un grand invité d’honneur.

 

Bien que l’Union européenne se prétende en désaccord avec le suprémaciste juif on ne peut plus violemment extrémiste qu’est Itamar Ben-Gvir, en fait, elle partage la plupart de ses valeurs

Bien que l’Union européenne se prétende en désaccord avec le suprémaciste juif on ne peut plus violemment extrémiste qu’est Itamar Ben-Gvir, en fait, elle partage la plupart de ses valeurs (Photo : Eyal Warshavsky / ZUMAPRESS)

Ali Abunimah, 4 mai 2023 

Que faites-vous lorsque le principal objet de votre amour et de votre affection n’est qu’un horrible motif de gêne et de honte ?

Tel est le dilemme face auquel se trouve l’Union européenne à quelques jours seulement de sa célébration annuelle de la Journée européenne de « la paix et l’unité » (le 9 mai, NdT), et ce, sur un continent qui a été ravagé par la guerre et le génocide durant une grande partie de son histoire écrite.

De même que le feront ses autres missions un peu partout dans le monde, l’ambassade de l’UE à Tel-Aviv accueillera des festivités. Mais, apparemment, tout le monde ne sera pas le bienvenu à la fête.

Selon les médias israéliens, l’UE est à tout le moins contrariée que le gouvernement israélien ait désigné comme représentant Itamar Ben-Gvir pour assister aux célébrations de la Journée de l’Europe.

Kan, le diffuseur d’État en Israël, rapporte que l’UE a exercé des pressions sur Israël pour qu’on lui envoie quelqu’un d’autre mais, jusqu’à présent, le gouvernement ne s’est toujours pas conformé aux souhaits européens.

Une source européenne a fait savoir au diffuseur :

« Nous ne soutenons pas le ministre Ben-Gvir ni les opinions politiques de son parti. En fait, nombre de ses déclarations et préjugés nient les valeurs que représente l’Union européenne. »

Ben-Gvir, le ministre de la sécurité nationale d’Israël, est un disciple du rabbin génocidaire antipalestinien Meir Kahane.

Ces derniers temps, Ben-Gvir a également rappelé au monde que, depuis des décennies, il idolâtre Baruch Goldstein, le colon juif américain qui a massacré des dizaines de Palestiniens à la mosquée Ibrahimi de Hébron en 1994.

À la veille de la prétendue journée de l’indépendance d’Israël, Ben-Gvir a pris la parole dans une école religieuse juive fondée par Kahane, tout en se tenant en face d’une bannière à la gloire du massacreur Goldstein.

« Le juste sera dans la joie, à la vue de la vengeance » (Psaumes 58 :10, traduction Louis Segond, NdT), disait la bannière. Ben-Gvir a également fait allusion à Kahane et à Goldstein, entre autres, en tant que « saints » et a affirmé que « Dieu vengera leur sang », si l’on en croit le quotidien israélien Haaretz.

 

Des valeurs partagées

L’embarras de l’UE est par conséquent compréhensible, étant donné qu’elle tente de se profiler comme une championne des droits humains et de la démocratie, qui sont des « valeurs » qu’elle prétend ridiculement partager avec Israël.

Mais les bureaucrates bruxellois peuvent décompresser.

En fait, l’Union européenne et Itamar Ben-Gvir partagent précisément les mêmes valeurs – même s’ils peuvent ergoter sur certains détails ou sur la façon de les exprimer. Ces valeurs n’ont strictement rien à voir avec la démocratie et les droits humains.

Exactement comme Kahane et Ben-Gvir, l’Union européenne soutient la conception de soi-même par Israël en tant qu’« État juif » et elle appuie complètement le nettoyage ethnique et la colonisation sionistes de la terre palestinienne – comme l’a expliqué clairement la principale fonctionnaire de l’UE, Ursula von der Leyen, dans une vidéo de la semaine dernière qui a suscité l’indignation générale des Palestiniens.

En félicitant Israël lors de la « journée de son indépendance », von der Leyen a blanchi et gommé l’horrible violence de la création d’Israël – le nettoyage ethnique délibéré de 800 000 Palestiniens par les milices sionistes et l’armée israélienne, et la destruction de centaines de villages, de villes et de localités.

Elle s’est même fait l’écho du mythe raciste disant que la Palestine avait été une terre vide, où les colonisateurs sionistes – qui, en fait, avaient détruit des centaines de milliers d’acres de vergers palestiniens – avait « fait fleurir le désert ».

 

Naturellement, Israël ne pouvait et ne peut exister en tant qu’« État juif » sur une terre où l’écrasante majorité autochtone a été musulmane et chrétienne sauf suite à un nettoyage ethnique intentionnel et à un charcutage électoral partisan via l’application forcée de l’apartheid et d’autres mesures et lois explicitement racistes.

Non content de récrire et de falsifier l’histoire de la Palestine, Bruxelles est également déterminé à falsifier le présent : le chef de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrell, a récemment été jusqu’à proclamer que ceux qui parlent d’apartheid en Israël sont des antisémites.

Ainsi donc, selon Borrell, des organisations grand public, dont Human Rights Watch, Amnesty International et les Israéliens de B’Tselem – cette dernière financée par l’UE – sont coupables de sectarisme antijuif.

Toutes ont publié des rapports montrant comment Israël se rend coupable de ce crime contre l’humanité qu’est l’apartheid, et ce, envers la totalité du peuple palestinien.

En quoi la position de Borrell est-elle différente de celle d’un Ben-Gvir ou d’un Kahane ou de ce que pourrait dire le moindre de leurs disciples ?

 

C’est l’amour, à Bruxelles

En effet, Borrell continue de se mettre en quatre pour prodiguer tout l’amour et le soutien de l’Europe à Israël, comme il l’a fait quand il a rencontré son ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, au QG de l’UE, mardi dernier.

Apparemment, la cordialité de Borrell a surpris le ministre israélien des Affaires étrangères qui, pour quelque inexplicable raison, s’attendait à un accueil plus glacial à Bruxelles.

Il conviendrait de remarquer que la rencontre a eu lieu au moment où l’UE célébrait la Journée mondiale de liberté de la presse et que cela se passait quelques jours à peine avant le premier anniversaire de l’exécution de sang-froid par Israël de la correspondante d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh – un assassinat qui n’a donné suite à aucune recherche de responsabilisation.

Cela s’est également passé le même jour où le gréviste de la faim palestinien Khader Adnan – un prisonnier politique de haut profil qui, des années durant, a effectué de nombreux allers et retours dans les prisons israéliennes sans accusation ni procès – est mort en détention en Israël après avoir refusé de se nourrir pendant 86 jours.

Ces prisons sont aujourd’hui sous le contrôle de Ben-Gvir, qui a appliqué des mesures plus cruelles et plus dures encore contre des milliers de prisonniers politiques palestiniens sans autre but apparent que de provoquer douleur et souffrance.

La déclaration de Borrell suite à sa rencontre avec le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, n’a nullement fait mention de ces mesures ni d’autres crimes israéliens et, au lieu de cela, s’est enthousiasmée de ce que « la coopération entre l’UE et Israël est très forte et l’Europe est impatiente d’approfondir plus encore cette relation ».

 

Danser sur les tombes

Dans le cadre de ses festivités de la Journée de l’Europe, l’ambassade de l’UE à Tel-Aviv accueillera une soirée mardi au parc Hayarkon de Tel-Aviv – le site du village palestinien de Jarisha, disparu après une épuration ethnique.

 

Ce genre d’obscénité est devenu sa propre tradition pour la Journée européenne.

En 2019, l’ambassade de l’UE avait accueilli une soirée dansante juste au-dessus des ruines d’al-Manshiyya, un quartier jadis prospère de la ville côtière de Jaffa et qui avait subi une impitoyable épuration ethnique avant d’être détruit par les milices sionistes en 1948.

Il ne pourrait y avoir de plus grande expression des « valeurs partagées » par l’UE et Israël que de danser ensemble – au sens littéral et au sens figuratif – sur des tombes palestiniennes.

Et, quoi qu’il en soit, Ben-Gvir est un danseur passionné.

 

Il a même assisté à un mariage tristement notoire au cours duquel des colons avaient joyeusement dansé en célébrant et reconstituant l’assassinat d’Ali Dawabsha, un tout petit garçon palestinien qui avait été tué dans sa maison lors d’une attaque à la bombe incendiaire menée par des colons juifs en 2015.

Quant à l’UE, ce qu’elle accueille en réalité lors de la Journée de l’Europe, ce n’est pas une célébration de « la paix et l’unité », mais un festival répugnant de la suprématie blanche, de l’hypocrisie et du colonialisme.

Ben-Gvir est par conséquent celui qui cadre parfaitement dans cette célébration et il conviendrait donc de l’accueillir tel un grand invité d’honneur.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 4 mai 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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