« Les journées les plus meurtrières » qu’ait connues la Cisjordanie
Cette semaine, lors d’un raid qui a duré deux jours, l’armée israélienne s’est livrée à un sanglant carnage et à d’amples destructions dans le camp de réfugiés de Nur Shams et à la périphérie de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie occupée.
Tamara Nassar, 24 avril 2024
Durant cette opération, qui a duré 54 heures, au moins 14 Palestiniens, dont trois enfants, ont été tués par les forces israéliennes. L’armée israélienne a mené cette opération avec l’aide de son agence intérieure de renseignement le Shin Bet et celle de la police israélienne des frontières. Les envahisseurs ont endommagé et détruit des maisons, des magasins commerciaux, des routes et autres infrastructures et ont laissé au moins 25 Palestiniens blessés dans le sillage de leur raid.
« L’invasion de l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Nur Shams marque les journées les plus meurtrières qu’ait connues la Cisjordanie occupée depuis le Seconde Intifada, »
a déclaré Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de Defense for Children International – Palestine (DCI-P).
Le 18 avril, plus de 120 véhicules militaires transportant des douzaines de soldats, a rapporté Haaretz, le quotidien de Tel-Aviv, ont envahi le camp de réfugiés de Nur Shams par diverses entrées et checkpoints, et en passant également par la colonie d’Avnei Hefetz, située sur la bordure occidentale du nord de la Cisjordanie, près de Tulkarem.
Les troupes israéliennes ont assiégé le camp et ont pris d’assaut plusieurs de ses maisons, qu’elles ont ensuite occupées, les transformant ainsi en « bases militaires, en cantonnements et en postes d’observation », selon DCI-P.
Des renforts militaires israéliens, dont trois bulldozers, ont bouclé le camp, piégeant les habitants à l’intérieur et empêchant toute autre personne d’y entrer. Durant toute l’opération, les troupes israéliennes ont empêché les ambulances d’avoir accès aux Palestiniens blessés et tués, a rapporté DCI-P.
Cette invasion israélienne s’est soldée par des destructions généralisées.
« Les balles et les grenades ont laissé des trous béants dans les murs des maisons. Des fragments d’obus et de missiles LAU ont été retrouvés un peu partout dans les espaces ouverts »,
a rapporté Haaretz.
Les bulldozers israéliens ont démoli les infrastructures du camp. Les troupes, de leur côté, ont endommagé le réseau d’électricité, la distribution d’eau, le système d’égouttage ainsi que les réseaux de télécommunication, provoquant des pannes de courant durant la totalité du raid.
Des prises de vue d’ambulances arrivant au camp de réfugiés après le retrait des forces israéliennes montrent qu’elles ont été contraintes de franchir les routes parsemées de décombres au beau milieu des infrastructures endommagées et des rues défoncées.
⬅️ شاهد ..
جانب من إنتشال الطواقم الطبية لعدد من الشُّـــهداء الذين ارتقوا خلال اجتياح قوات الاحتلال لمخيم نور شمس بطولكرم pic.twitter.com/7qyQuUzUm2— المركز الفلسطيني للإعلام (@PalinfoAr) April 21, 2024
« Les citoyens décrivent la situation du camp comme un ‘petit Gaza’, soulignant ainsi l’ampleur de la dévastation provoquée par l’occupation en même pas trois jours »,
a écrit un commentateur dans le journal libanais Al-Akhbar.
Cela fait partie du transfert du
« modèle d’extermination utilisé dans la bande de Gaza et de son application, via la ‘doctrine Dahiya’ en tant que méthode d’action de l’armée ennemie lorsqu’elle doit faire face à la résistance en Cisjordanie ».
La « doctrine Dahiya » est une stratégie ainsi nommée d’après un faubourg de Beyrouth délibérément rasé jadis par Israël, qui cible des zones civiles sans le moindre discrimination, dans l’espoir de dresser la population civile contre la résistance armée du secteur et mettre celle-ci à genoux.
Dans cette stratégie, les forces de l’occupation
« ne se contentent pas d’affronter les combattants de la résistance, mais cherchent plutôt à transformer les camps en endroits impropres à la vie ».
La résistance armée
Les Palestiniens armés du camp ont affronté les envahisseurs israéliens afin de protéger leur communauté, blessant ainsi plusieurs soldats israéliens.
En dépit des rapports initiaux indiquant qu’il avait été tué, le chef de la Brigade de Tulkarem, une organisation associée à Saraya al-Quds, l’aile militaire de l’organisation de résistance du Djihad islamique, a émergé parmi des personnes du camp en deuil, peu après le retrait des Israéliens.
Des images circulant sur les médias sociaux montrent Muhammad Jaber armé – connu parmi les résidents du camp sous le nom d’Abu Shujaa – porté sur les épaules d’une foule de Palestiniens.
https://twitter.com/NewpressPs/status/1782039397078036674?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1782039397078036674%7Ctwgr%5Ede8c06a29ac771ffc421e068d4662cc9d53ee2f9%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Ftamara-nassar%2Fdeadliest-days-west-bank
« Notre message est que nous avons défié l’occupation et, ici, nous sommes toujours en vie »,
a expliqué Abu Shuyya aux médias à la suite du raid militaire.
Des enfants tués
Trois enfants figuraient parmi les victimes du massacre.
Jihad Nyaz Naser Zandiq, un adolescent de 15 ans, était chez lui avec son oncle quand un groupe de Palestiniens armés sont arrivés le 19 avril, paraît-il.
Les soldats israéliens ont cerné la maison et ont ordonné à tous ses occupants de sortir.
Bien que Jihad et un autre adulte palestinien soient sortis de la maison les mains en l’air en expliquant qu’ils étaient des civils, les forces israéliennes ont quand même ouvert le feu, les tuant tous deux.
Le corps de Jihad est resté sur place pendant 17 heures avant qu’un voisin ne le transporte dans sa maison jusqu’au moment où les forces israéliennes ont quitté le camp, a rapporté DCI-P.
Le même jour, un autre adolescent de 17 ans a été frappé par un éclat d’un obus tiré par les Israéliens.
Ali Mohammad Ali Abdullah, qui, semble-t-il, participait à la confrontation avec les envahisseurs israéliens, tentait de quitter un quartier du camp avec un autre jeune quand il a été touché.
Il avait des brûlures et des marques d’éclats d’obus au visage et sur le corps et son cadavre est resté au sol jusqu’au moment où les troupes israéliennes se sont retirées, a établi une enquête de DCI-P.
Un soldat israélien, installé dans un véhicule blindé, a touché mortellement un garçon de 14 ans qui se trouvait parmi un groupe de civils à un rond-point de Tulkarem.
Il n’y avait pas encore de confrontations entre les Palestiniens armés et les forces israéliennes, à ce moment, selon l’enquête de DCI-P sur le terrain.
À 300 mètres de distance, le soldat a tiré une seule balle vers Qais Fathi Ibrahim Nasrullah, le touchant à la poitrine, selon DCI-P.
Bien que le garçon ait été transféré à toute vitesse à l’hôpital grâce à un véhicule privé, il a été déclaré mort quelques minutes à peine après son arrivée, et ce, malgré tous les efforts pour le réanimer.
Alerte au génocide
Depuis le 7 octobre, « en Cisjordanie, Israël recourt à la politique du ‘tirer pour tuer’ », a déclaré l’organisation israélienne des droits humains, B’Tselem.
L’Institut Lemkin de prévention de génocide a sorti une
« alerte active contre le génocide » à propos de la situation des Palestiniens en Cisjordanie occupée, déclarant qu’« Israël commet un génocide contre les Palestiniens dans toute la Palestine ».
Un peu plus tôt ce mois-ci, la violence contre les Palestiniens en Cisjordanie s’est intensifiée au moment où, suite à la disparition d’un adolescent israélien, d’importantes hordes de colons israéliens ont lancé des attaques contre plus d’une douzaine de villages palestiniens.
Amnesty International a mis en exergue « une recrudescence alarmante de la violence » perpétrée par les colons juifs à l’encontre des Palestiniens de Cisjordanie occupée. L’organisation a insisté sur « la nécessité urgente de démanteler les colonies illégales, de mettre un terme à l’occupation israélienne » et à son système d’apartheid.
L’organisation a implicitement démenti les tentatives de décrire ces attaques comme des incidents isolés provoqués par quelques pommes pourries, comme l’ont suggéré les sanctions de l’État contre une poignée de colons extrémistes.
« L’étonnante recrudescence de la violence des colons à l’encontre des Palestiniens ces derniers jours fait partie d’une campagne de l’État, depuis des décennies, visant à déposséder, déporter et opprimer les Palestiniens de la Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, sous le système d’apartheid d’Israël »,
a déclaré Heba Morayef, directrice régionale d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
« La violence fait intégralement partie de l’installation et de l’expansion de ces colonies ainsi que du soutien à l’apartheid »,
a-t-elle ajouté.
« Il est temps que le monde reconnaisse cela et incite instamment les autorités israéliennes à obéir aux lois internationales en mettant immédiatement un terme à l’expansion des colonies et en supprimant toutes les colonies existantes. »
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Publié le 24 avril 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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