Le Festival Résistance – Palestine à Bruxelles et le « droit d’être hostile »

Le Festival Résistance – Palestine à Bruxelles (du 6 au 8 juin),

« trois jours de célébration de la culture, de la résistance et de la solidarité, avec des discussions politiques, un village militant, une foire aux livres, à manger, à boire et de la musique, DJ, concerts et expositions »,

met en évidence la portée mondiale de la cause palestinienne. Des organisations comme le Réseau Samidoun de solidarité avec les prisonniers palestiniens et Masar Badil (Mouvement alternatif de la voie révolutionnaire palestinienne) sont engagées dans l’organisation d’événements du festival appelant à l’action au niveau mondial. (NDLR : de nombreuses autres associations, dont la Plateforme Charleroi-Palestine font également partie du festival, voir la liste ci-dessous).

 

Photo : Aquarelle représentant l'Intifada palestinienne. Artiste inconnu.

                                         Aquarelle représentant l’Intifada palestinienne. Artiste inconnu.

 

Rima Najjar, 2 juin 2025

Du fait que la cause palestinienne établit des parallèles avec les mouvements anticoloniaux, anti-apartheid et anti-impérialistes (par exemple, Afrique du Sud, Vietnam, Algérie, Amérique latine et mouvements autochtones), elle résonne auprès des peuples opprimés du monde entier.

L’occupation de la Palestine par Israël est aujourd’hui associée au commerce mondial des armes, particulièrement les exportations d’armes américaines et la technologie de surveillance tel le logiciel espion israélien Pegasus testé sur les Palestiniens. Le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) a une portée mondiale. Black Lives Matter et les organisations en faveur de la justice climatique perçoivent la libération palestinienne comme étant liée au démantèlement de la violence systémique dans le monde. La Russie, la Chine et des puissances régionales comme l’Iran et la Turquie s’engagent aussi politiquement, ce qui fait de la Palestine un champ de bataille par procuration pour l’influence mondiale entre l’Orient et l’Occident.

En outre, il y a la dimension juridique internationale mise en évidence par le dossier introduit par l’Afrique du Sud à la CIJ (2024), accusant Israël de génocide. L’ONU, la CPI et les organisations des droits humains (Amnesty International, Human Rights Watch) ont toutes condamné les colonies et le mur d’Israël en Cisjordanie, ses arrestations administratives (il y a en ce moment plus de 10 000 Palestiniens dans les prisons de l’occupation), le blocus de Gaza et les crimes de guerre israéliens, présentant ainsi la lutte comme une question de justice mondiale.

Cela dit, pourquoi se fait-il, comme l’a dit l’historien Nur Masalha,

« qu’un grand nombre d’entre nous, Palestiniens, ne comprennent pas à quel point la cause palestinienne est devenue le centre de la conscience mondiale ? »

Peut-être parce que la  « conscience mondiale » reste confinée à des réseaux sociaux qui continuent d’être brutalement réprimés pour le militantisme par les puissances occidentales et leurs alliés. Cette répression tire ses racines d’une combinaison d’intérêts géopolitiques, d’alliances historiques et de cadres idéologiques qui font passer Israël avant l’existence de la Palestine et la justice universelle.

Les médias et gouvernements occidentaux déshumanisent souvent les Palestiniens, présentant la résistance comme du « terrorisme » tout en légitimant la violence israélienne en la faisant passer pour de l’« autodéfense ».

L’expérience de Mohammad Khatib, le coordinateur de Samidoun pour l’UE et participant dynamique au Festival Résistance – Palestine annuel à Bruxelles (le premier festival a eu lieu en mai 2023), illustrera les défis auxquels sont confrontés les Palestiniens et leurs partisans ainsi que la façon de continuer de les surmonter.

 

Mohammed Khatib

Mohammed Khatib

 

Khatib est un orateur passionné et éloquent en même temps qu’un organisateur. Son rôle inclut typiquement la coordination d’événements qui mettent en exergue la culture et la résistance de la Palestine ainsi que les efforts de solidarité. Toutefois, sa participation a fait l’objet d’un examen de plus en plus minutieux de la part des autorités belges, qui tentent de révoquer son statut de réfugié en prétendant que son activisme – y compris des discours soutenant la résistance armée palestinienne et son rôle au sein de Samidoun – constitue « un danger et une perturbation de la société ».

Cette affaire est manifestement une campagne de diffamation politiquement motivée afin de réduire au silence les mouvements de solidarité avec la Palestine. Elle s’aligne sur un contexte plus large de répression à l’encontre des militants propalestiniens en Europe, dont des interdictions d’entrée en Suisse (10 ans d’interdiction) et aux Pays-Bas, un harcèlement policier en Belgique (surveillance et arrestations lors de manifestations) et la désignation de Samidoun comme « entité terroriste » par les EU et le Canada en 2024.

La déportation de Khatib serait compliquée du fait qu’il est apatride (né au camp de réfugiés d’Ein el-Helweh, au Liban) — à l’instar de bien d’autres réfugiés palestiniens. Vu que l’issue de son cas pourrait sérieusement impacter les droits des réfugiés et militants politiques partout en Europe, Samidoun et ses alliés propalestiniens mobilisent la pression internationale dans le cadre d’une lutte mondiale contre la répression à l’encontre des voix palestiniennes.

Dans son essai, « The Right to Be Hostile » (Le droit d’être hostile), Alex Gourevitch décrit la répression des protestations propalestiniennes comme un « plan de répression contre-révolutionnaire ». Il fait du petit bois des arguments qui prétendent que cette répression concerne « l’ordre » plutôt que la politique et il affirme que, depuis les grèves ouvrières jusqu’aux manifestations en faveur des droits civiques, la colère dans le militantisme est une réponse à la répression systémique. Historiquement, la colère et l’hostilité sont des carburants du changement social.

Mohammad Khatib est légitimement en colère. Ce que le gouvernement belge appelle « perturbation de sa part » est essentiel pour protester. Rendre les gens mal à l’aise est souvent la seule façon de forcer les institutions à reconnaître l’injustice.

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(*) Les associations participantes au Festival Résistance :  AJAB (Alliance Juive Antisioniste de Belgique), Alfalasteniyeh, Antwerp for Palestine, Bamko asbl, Bruxelles Panthères, Bxl Dévie, C3, Charleroi pour la Palestine, Comité BDS-ULB, Comité Ujamaa, Collectif 8 mars, Collectif des madres, Decolonial EU, De-Colonizer, Estafette 4 Palestine, Flavors of Resistance, Flyers for Palestine, Front2Mères, Getting The Voice Out, JOC Bruxelles, JOC Liège, La Voix des Sans-Papiers, Le Comité des Femmes Sans Papiers, Le DK, Le Steki, Liege Occupation Free, Mémoire Coloniale, Mouvement Citoyen Palestine, Palettes of Palestine, ODSI (One Democtaric State Initiative), PCP (Popular Committee for Palestine), Queef, Rise & Resist Festival, OSVP (Outils solidaire contre les violences policières), Samidoun Brussels, Unitedscreen4palestine, Zin TV.

https://www.instagram.com/festivalresistance/
Événement FB

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Rima Najjar est une Palestinienne dont la branche paternelle de la famille vient du village dépeuplé de force de Lifta, dans la périphérie occidentale de Jérusalem et dont la branche maternelle de la famille est originaire d’Ijzim, au sud de Haïfa. C’est une activiste, une enquêteuse et une professeure de littérature anglais retraitée de l’Université d’Al-Quds, en Cisjordanie occupée.

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Publié le 3 juin 2025 sur le blog de Rima Najjar
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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