Condamner ne suffit pas, appliquez des sanctions !

Amira Hass

Européens, vos dénonciations sont perçues par Israël comme dénuées de caractère urgent. Ce que vous devez faire, c’est appliquer des sanctions douloureuses.

Les panneaux solaire du village ont été détruit. La Belgique doit appliquer des sanctions !

Le village de Jubbet Adh-Dhib en juin 2017, avec les panneaux solaires entretemps confisqués. Photo Comet-ME

Aux Pays-Bas, à la Belgique et à la France :

Il ne suffit pas de condamner uniquement par des mots la politique de destruction menée par Israël, qui détruit des infrastructures et des habitations financées avec l’argent de vos contribuables.

C’est une bonne chose que vous soyez en colère, mais le tempo de l’accumulation de votre colère est de loin inférieur au rythme effréné et dangereux des bulldozers de l’Administration civile et des Forces de défense des colonies en Cisjordanie.

Vos condamnations sont perçues comme dénuées de caractère urgent. Vous devez entreprendre des actions réelles.

Oui, des sanctions ouvertes et déclarées, qui emprunteront la voie d’une sévérité accrue. Des sanctions douloureuses.

Ce peut être la dernière chance de faire bouger l’Israélien moyen, y compris les hommes d’affaires, les touristes, les juges, les universitaires, les fermiers et les consommateurs de football étrangers de leur indifférence et de leur complaisance criminelle.

Cessez de vous effrayer du chantage affectif israélien.

Israël utilise le souvenir de nos familles assassinées en Europe afin d’accélérer l’expulsion des Palestiniens de l’ensemble du territoire cisjordanien et de les déporter dans les enclaves de l’Autorité palestinienne.

Telle est l’intention qui sous-tend toutes les démolitions et confiscations ainsi que les interdictions de bâtir, d’élever du bétail et d’irriguer les champs.

Tous ceux qui planifient et appliquent cette lente politique d’expulsion pensent déjà à la grande expulsion, cette fois vers la Jordanie.

Et que ferez-vous alors ? Vous publierez des condamnations tout en envoyant des réservoirs d’eau et des tentes aux personnes qui auront été expulsées ?

Le 24 août, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, et le vice-Premier ministre et ministre de la Coopération au développement, Alexander De Croo, publiaient une condamnation officielle de la confiscation des caravanes destinées à servir de classes pour les quatre premières années d’école primaire dans le village palestinien de Jubbet Adh-Dhib, ainsi que la confiscation des panneaux solaires destinés à l’école du camp de Bédouins d’Abou Nouwwar.

Les Belges faisaient remarquer qu’ils étaient de ceux qui avaient financé ces équipements.

« [La Belgique] continuera à travailler avec ses partenaires, comme par le passé, afin de demander aux autorités israéliennes de mettre un terme à ces démolitions »,

peut-on lire dans la déclaration du ministre des Affaires étrangères.

L’un de ces partenaires n’est autre que les Pays-Bas, dont le Parlement a consacré pas mal de temps à discuter des démolitions commises par les Israéliens, plus de temps, quoi qu’il en soit, que n’en a consacré la Knesset.

Voici ce que les ministres hollandais ont rapporté le mois dernier aux parlementaires hollandais à propos de la confiscation des panneaux solaires de Jubbet Adh-Dhib en juin :

« Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a promis par courrier de restituer les panneaux solaires aux Pays-Bas. »

Le cabinet du Premier ministre n’a ni confirmé ni dénié ce rapport.

Après la confiscation, le village a été condamné à ne recevoir que deux heures d’électricité par jour, produite par un générateur.

Ces vingt dernières années, le village a soumis au moins quatre requêtes à l’Administration civile pour être raccordé au réseau d’électricité et toutes ces requêtes ont été rejetées.

L’expérience enseigne qu’Israël ne donne pas de permis – ou si peu – de construction dans la Zone C (qui couvre environ 60 pour 100 de la Cisjordanie).

La tentative des Hollandais pour recevoir un permis de l’Administration civile pour un seul projet – un cas test, donc – n’a pas abouti à des résultats positifs.

En tant que force occupante, Israël n’a pas le droit de détruire ou de confisquer des propriétés, excepté par nécessité de temps de guerre.

La France elle aussi a annoncé fièrement qu’elle était une partenaire dans la construction humanitaire en Zone C et à Abou Nouwwar.

La France a elle aussi condamné les récentes démolitions et a demandé qu’on lui renvoie les équipements confisqués.

En six mois, Israël a détruit 259 structures palestiniennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, explique la condamnation émise par la France.

Au cours de la même période, le gouvernement israélien a approuvé la construction de plus de 10 000 unités de logement dans les colonies – trois fois plus que pour toute l’année précédente.

Ainsi donc, la destruction des communautés palestiniennes, l’évacuation de la famille Shamasneh de sa maison à Jérusalem et les plans du ministre de la Défense Avigdor Lieberman visant à démolir Soussia et Khan al-Akhmar représentent l’autre face de la médaille de la construction de colonies.

Voilà comment Israël applique une expulsion progressive.

Sans sanctions, il peut souffler un bon coup et sa foi dans sa capacité à appliquer le plan est solide. Qui donc sait mieux que vous, et que votre voisin allemand en particulier, à quoi mènent les plans d’expulsion limitée, et quelle mentalité criminelle ils installent dans une société qui planifie ce genre de chose ?


Publié le 9 septembre 2017 sur Haaretz
Traduction :  Jean-Marie Flémal

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...