La « Jeunesse révolutionnaire » suspend ses protestations à la frontière de Gaza

Après avoir manifesté pendant plusieurs semaines le long de la clôture qui marque la frontière de Gaza, la « Jeunesse révolutionnaire » a suspendu ses actions à l’occasion de la médiation du Qatar et de l’Égypte en vue de faire cesser les protestations.

 

Des gens en deuil portent le corps de Majdi Ghabayen, un Palestinien de Gaza qui a succombé aux blessures qu’il a subies lors d’une explosion pendant un rassemblement à proximité de la frontière avec Israël, le 13 septembre 2023. Les funérailles de Ghabayen ont eu lieu à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 septembre 2023.

Des gens en deuil portent le corps de Majdi Ghabayen, un Palestinien de Gaza qui a succombé aux blessures qu’il a subies lors d’une explosion pendant un rassemblement à proximité de la frontière avec Israël, le 13 septembre 2023. Les funérailles de Ghabayen ont eu lieu à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 septembre 2023. (Photo : Omar Ashtawy / APA Images)

 

Tareq S. Hajjaj (*), 29 septembre 202

Quelques semaines après une série de protestations populaires rappelant la Grande Marche du Retour organisée aux frontières de Gaza, l’organisation responsable des actions – qui se donne le nom de « Jeunesse révolutionnaire » – a suspendu ses manifestations.

Jeudi 28 septembre, l’organisation a sorti une déclaration abrupte disant que les protestations seraient suspendues après que les « médiateurs » qataris et égyptiens auraient promis qu’Israël cesserait toute violence contre les prisonniers palestiniens et contre les fidèles à la mosquée al-Aqsa.

Les médias israéliens ont rapporté que les « médiateurs » étaient du Qatar, qui avait prétendument adressé un message au Hamas disant qu’il allait payer les salaires des employés gouvernementaux à Gaza, dans le même temps que l’aide qatarie à Gaza serait elle aussi accrue.

Historiquement, le Qatar, l’Égypte et l’envoyé des Nations unies en Palestine ont servi de médiateurs entre le gouvernement du Hamas à Gaza et Israël. Les médias israéliens ont rapporté que l’Égypte avait également joué un rôle dans la désescalade des récentes protestations et que les dirigeants du Hamas à Gaza avaient dit aux Égyptiens qu’ils allaient s’employer à y mettre un terme, bien que sans garantir quoi que ce soit.

Les forces israéliennes ont tué 7 Palestiniens au cours des protestations et en ont blessé près d’une centaine.


Comment les protestations ont débuté

Au cours des quelques dernières semaines, on a pu entendre plusieurs fois par jour les sirènes des ambulances qui allaient et venaient le long de la rue al-Mansura, dans l’est de Gaza, c’est-à-dire sur la voie directe qui relie la frontière est de Gaza avec Israël et l’hôpital le plus proche. Chaque fois que les gens entendaient les sons d’une ambulance, ils savaient qu’un membre de la Jeunesse révolutionnaire venait d’être blessé. Bien des gens descendaient de leur maison pour descendre en rue et suivre du regard les ambulances qui passaient à toute vitesse. Quelques-uns prononçaient une prière pour la guérison rapide des jeunes et c’est ainsi que le thème de la Jeunesse révolutionnaire allait devenir le principal sujet de conversation parmi les résidents locaux qui tenaient à l’œil les développements sur le terrain et sur les écrans de leurs téléphones.

Le groupe qui s’est présenté pour protester à la frontière militarisée de Gaza est constitué de jeunes et d’activistes politiques. Un grand nombre d’entre eux sont des vétérans de la Grande Marche du Retour – qui avait eu lieu en 2018 et 2019 – et plusieurs, même, portent toujours les séquelles des blessures qu’ils avaient subies au cours de ces journées de protestation. Mais le plus remarquable dans cette vague récente d’action directe, c’est que les protestataires opèrent désormais sous un nom. La Jeunesse révolutionnaire est une combinaison apparemment informe de personnalités de la Grande Marche du Retour et de Gazaouis plus jeunes, rendus furieux par les infos concernant les récentes attaques de colons contre les Palestiniens à Jérusalem ainsi que par la répression des autorités israéliennes contre le mouvement des prisonniers palestiniens.

« Je suis venu ici en sachant que je pouvais perdre la vie, mais j’offre mon âme sans arrière-pensée à ma patrie et à mon peuple »,

déclare à Mondoweiss Muhammad Nasser, 24 ans, l’un des tout premiers participants aux protestations.

« L’occupation ne m’a rien laissé. Elle a aboli nos existences. La meilleure façon d’utiliser ma vie est donc de l’offrir pour résister à l’occupation. »

Ce n’est pas la première fois que Muhammad Nasser participe à des protestations aux frontières de Gaza – il l’a fait au même endroit chaque vendredi lors des protestations de la Grande Marche du retour et il a été blessé à plusieurs reprises. Aujourd’hui, il marche avec des béquilles, l’un des os de sa jambe ayant été raccourci de 5 centimètres suite à une blessure subie pendant la marche.

La zone où se déroulent aujourd’hui les actions près de la clôture à la frontière de Gaza n’est pas étrangère non plus aux protestations. Il y a quelques mois à peine, les Gazaouis ont organisé une « marche au drapeau palestinien » en solidarité avec les Palestiniens de Jérusalem dans le sillage de la « marche au drapeau » des colons d’extrême droite qui avait eu lieu en mai. Quelques années plus tôt, la zone avait accueilli les actions de la Grande Marche du Retour. Il en était résulté que les étendues vallonnées de l’est de Gaza, qui s’étendent jusqu’à la clôture de frontière, résonnent désormais de toute une ambiance de résistance.

 

Qui sont ces « Jeunes révolutionnaires » ?

Les origines de la « Jeunesse révolutionnaire » ne sont pas très claires. Quand les foules se rassemblent près de la frontière en vue de protester, on ne distingue pas ces Jeunes révolutionnaires des autres personnes présentes mais, quand les actions sont en cours, ils ressortent immédiatement du lot en raison de leurs actions audacieuses. Ils protestent sur les lignes de front, allument feu sur feu afin de créer un écran de fumée destiné à entraver la vision des snipers israéliens, ils lâchent des ballons incendiaires et, dans certains cas, tentent de se rapprocher suffisamment de la clôture de frontière pour tirer sur les soldats israéliens à l’aide d’armes de poing.

Le premier jour des protestations, le 14 décembre, six d’entre sont devenus des martyrs au cours de ce qui, apparemment, constituait une tentative d’action de sabotage. Leurs funérailles ont donné une idée de leurs contextes factionnels et politiques – c’était un mélange de toutes les factions, dont le Hamas. Les circonstances de leur mort révèlent qu’ils ne faisaient pas partie d’une mission organisée mais plutôt d’un groupe informel de protestataires expérimentés.

Le gouvernement à Gaza déclare que les protestations ont fusionné sans son soutien ni sa coordination et, quand Mondoweiss a insisté pour de plus amples commentaires de la part des sources gouvernementales, celles-ci ont répondu qu’elles ne pouvaient fournir plus de détails concernant les activités de résistance (même s’il ne s’agissait que de « résistance populaire »).

Pourtant, alors que le gouvernement niait toute implication officielle dans les protestations, Israël a pénalisé le Hamas pour les actions de la Jeunesse révolutionnaire en lançant plusieurs frappes aériennes sur divers sites militaires du Hamas un peu partout dans la bande de Gaza. Ces frappes aériennes ont eu lieu suite à la propagation de plusieurs petits incendies provoqués par les ballons incendiaires palestiniens dans divers endroits à l’intérieur d’Israël.

La réponse du gouvernement de Gaza aux frappes israéliennes a consisté à exprimer son soutien aux protestations ; le porte-parole du Hamas, Hazem Qasem, y est allé d’une déclaration après qu’Israël a bombardé plusieurs sites du Hamas et il a émis le souhait que les frappes israéliennes ne fassent pas cesser la résistance palestinienne à la guerre religieuse qu’Israël menait contre les lieux saints palestiniens.

« Notre peuple et notre résistance soutiendront toujours toutes formes de lutte palestinienne comme un droit légitime »,

a-t-il dit.

Mais au-delà des origines politiques de la Jeunesse révolutionnaire, ses origines sociales sont clairement visibles pour tout le monde. Pour des protestataires comme Muhammad Nasser, qui appartient à une famille de sept enfants (dont quatre sont encore jeunes et sans emploi), il n’est nul besoin de justification à son choix de participer aux actions.

« Israël ne nous a pas laissé d’autre choix que de nous révolter »,

a-t-il expliqué à Mondoweiss.

« Venir ici et résister à la véritable cause de nos crises vaut mieux que de rester désemparé et d’être confronté à son invalidité. »

Muhammad Nasser a assisté à la mort de plus de dix de ses amis et proches, au cours des diverses marches aux frontières de Gaza.

« Tous mes amis ont été tués par Israël »,

dit-il.

« Ils ont sacrifié leur vie pour la Palestine et pour la liberté. »

Il y a d’innombrables autres jeunes comme Muhammad Nasser et ses amis martyrs. Ils se rendent sur le terrain non seulement parce qu’ils l’ont choisi, mais parce qu’il faut qu’ils le fassent.

« Tout le monde, dans ces protestations, est un « jeune révolutionnaire ». Tout le monde refuse la terreur israélienne »,

explique Muhammad Nasser.

« Et toute personne qui refuse les conditions pénibles qu’Israël nous impose est un jeune révolutionnaire. »

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(*) Tareq S. Hajjaj est le correspondant de Mondoweiss à Gaza et il est membre de l’Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l’Université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015, en travaillant comme rédacteur aux infos et traducteur pour le journal local Donia al-Watan. Il également écrit pour Elbadi, Middle East Eye et Al Monitor. On peut le suivre sur X à l’adresse @Tareqshajjaj.

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Publié le 29 septembre 2023 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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