Des cinéastes palestiniens connus protestent contre la coopération cinématographique Israël-EAU

Hany Abu-Assad, Annemarie Jacir, Najwa Najjar, Muayad Alayan et Cherien Dabis ont rejoint une centaine de professionnels palestiniens du cinéma dans une déclaration protestant contre le récent pacte de coopération entre les institutions cinématographiques des Emirats arabes unis et d’Israël et revendiquant la solidarité au sein du monde arabe du cinéma.  

De gauche à droite : Hany Abu-Assad, Muayad Alayan et Annemarie Jacir. (Source :  Memento Film International / Abeer Salman / Ammar Abd Rabbo / Berlinale)

Melanie Goodfellow, 2 octobre 2020La semaine dernière, l’Abu Dhabi Film Commission (ADFC) (EAU), l’Israel Film Fund (IFF) et la Jerusalem Sam Spiegel Film and Television School (JSFS) ont annoncé leur intention de collaborer dans une série d’initiatives, dont des échanges éducatifs, des projets communs dans le cinéma et à la télévision ainsi qu’un festival du cinéma régional.

Les cinéastes palestiniens se sont déclarés « attristés et choqués » de ce que l’ADFC était d’accord pour travailler avec les institutions cinématographiques israéliennes soutenues par l’Etat, étant donné le fait que les Palestiniens vivaient toujours sous occupation.

« Depuis plus de 70 ans, les Palestiniens vivent sous une occupation militaire et dans une réalité coloniale qui empire d’année en année »,

disait la lettre des cinéastes palestiniens.

« Nous, les cinéastes palestiniens, avons été profondément entravés et affectés par ce colonialisme et cette occupation militaire. Nos productions dépendaient du financement et du soutien de l’étranger qui nous permettaient d’exprimer et d’écrire nos histoires, de partager nos vies et aspirations quotidiennes de l’une ou l’autre façon modeste. Nous étions à même de surmonter les barrières de notre réalité coloniale et de présenter des œuvres cinématographiques pionnières et appréciables »,

poursuivait la lettre.

« Nous faisions – et faisons toujours – partie du cinéma arabe, notre référence la plus en vue. Nous avons toujours cherché à le développer et notre ambition s’est cristallisée dans des partenariats et coproductions avec nos collègues, lesquelles constituaient la meilleure façon de promouvoir le cinéma arabe. »

Le pacte cinématographique succède à un accord historique conclu au mois d’août et dans lequel les EAU ne sont devenus que le troisième pays arabe à normaliser ses relations avec Israël depuis la création de ce dernier en 1948, après l’Egypte en 1979 et la Jordanie en 1994 (Bahreïn a également suivi au début septembre, en tant que quatrième pays à le faire).

Le fait que l’ADFC collabore avec l’IFF et la JSFS a également son poids, puisque c’est la première fois qu’une institution arabe soutenue par l’Etat est d’accord pour coopérer avec Israël autour d’un programme d’échange culturel.

Dans ce contexte, l’IFF et la JSFS sont des institutions respectées au sein de la large communauté cinématographique internationale et se sont bâti une réputation dans le soutien d’un grand nombre de films et de réalisateurs. Au fil des années, ils ont financé des films et aidé au développement de projets artistiques qui ont été très critiques envers l’Etat d’Israël, tout en suivant également un parcours moins contestataire et davantage dans la norme.

Les cinéastes palestiniens ont invité leurs homologues émiratis et autres professionnels arabes du cinéma à « renoncer au partenariat » et à refuser de collaborer avec l’ADFC et toute autre institution du monde arabe qui avait conclu des accords avec le gouvernement israélien. Et d’ajouter que l’ADFC devrait au contraire s’employer à soutenir le cinéma arabe en général et le cinéma palestinien et émirati en particulier via la création de solides institutions et partenariats arabes.

Le pacte cinématographique entre l’ADFC, l’IFF et la JSFS devrait avoir de profondes réverbérations sur toute la scène du cinéma indépendant du monde arabe.

Par-delà les mesures politiques gouvernementales, les professionnels arabes du cinéma ont tenté à titre individuel de s’abstenir de travailler avec des institutions ou festivals cinématographiques soutenus par le gouvernement israélien et ce, par solidarité avec les Palestiniens, mais ils sont nombreux, dans le passé, à avoir accepté le financement et le soutien des Emirats.

A une échelle mondiale plus large, le président palestinien Mahmoud Abbas a condamné les EAU et Bahreïn pour avoir signé les accords de normalisation sans qu’il y ait eu un arrangement de paix négociée au Moyen-Orient entre Israël et la Palestine.  

Des responsables des EAU ont déclaré qu’ils avaient signé l’accord en échange d’une promesse du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou de mettre à l’arrêt un plan prévoyant d’annexer d’importantes parties de la Cisjordanie palestinienne, dont la vallée du Jourdain. Netanyahou a expliqué toutefois que le plan d’annexion restait sur la table.


Publié le 2 octobre sur Screendaily
Traduction : Jean-Marie Flémal

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