Farah Nabulsi et le Golgotha du peuple palestinien

« The Present », premier film de la réalisatrice anglo-palestinienne Farah Nabulsi, vient d’être nominé aux Oscars dans la section court-métrage, ainsi qu’aux Bafta. Il est déjà disponible sur Netflix.

Image tirée du court-métrage « The Present » de Farah Nabulsi. Photo DR

Colette Khalaf, 24 mars 2021
 
 The Present ou Le Cadeau est le premier court-métrage de fiction de la réalisatrice anglo-palestinienne Farah Nabulsi qui vient d’être nominé aux Oscars ainsi qu’aux Bafta britanniques (British Academy of Film and Television Arts). D’une durée de 24 minutes, ce film présente à travers un petit événement du quotidien la vie douloureuse du peuple palestinien.

Les yeux de l’enfance

Dans The Present, Farah Nabulsi raconte un fait qui pourrait être divers et banal aux yeux de tous mais qui, en Palestine occupée, prend une ampleur dramatique. En 24 minutes, la cinéaste dresse le portrait d’un peuple à qui on vole chaque jour sa dignité et sa liberté de mouvement. Un peuple qui vit au quotidien sous le joug de l’oppresseur mais aussi de l’humiliation.

À l’occasion de l’anniversaire de leur mariage, un père, magistralement interprété par Saleh Bakri, promet à sa femme de lui offrir un réfrigérateur. C’est donc en compagnie de sa fille qu’il se rend en Cisjordanie pour acheter le cadeau espéré. C’est sans compter les embûches, les routes coupées, les moqueries des soldats aux barrages qui transforment cette sortie en une longue traversée semée d’humiliations que ce père doit subir tout en gardant le silence et en baissant la tête devant sa fille. Dans le regard de la petite fille se lit d’ailleurs l’amour qu’elle porte à son père et la douleur de le voir ainsi courber l’échine. Ce « Golgotha » est vécu une centaine de fois par les Palestiniens qui ont à traverser tous les jours les frontières érigées sur leur propre sol.

Brillamment traité en 24 minutes, tout en pudeur mais avec une charge émotionnelle très forte, ce sujet a certes une résonance universelle. Mais il a principalement pour but de faire savoir au monde entier qu’un peuple, très loin d’eux, vit un chemin de croix tous les jours, dont les drames ne sont relayés que par des médias indifférents, presque déshumanisés. Seule la force du cinéma, sur laquelle peut compter Farah Nabulsi et d’autres cinéastes, peut enfin dévoiler la vérité et éclairer une réalité que les pays dits développés, calfeutrés dans leur confortable « civilisation », ont souvent tendance à oublier.

Farah Nabulsi (depuis son site internet)

Fille de Palestiniens qui ont eu la chance de s’installer en Grande-Bretagne dans les années 1970 – contrairement aux millions de personnes qui restent apatrides dans les camps de réfugiés –, Farah Nabulsi fait son éducation à Londres. Elle commence sa carrière en tant que courtier institutionnel en actions et obtient le titre de Corporate finance advisory (CFA) chez JP Morgan Chase, avant de créer une institution axée sur les enfants qu’elle a dirigée pendant 10 ans. Défenseure acharnée des droits de l’homme, ce n’est qu’en 2015 qu’elle commence à s’orienter vers l’industrie cinématographique et à y travailler. Un nouveau langage qu’elle adopte pour défendre son peuple opprimé. C’est donc à travers la société de production qu’elle fonde que la cinéaste écrit, produit et réalise des films de fiction, explorant des sujets chers à son cœur.


Publié le 24 mars 2021 sur L’Orient Le Jour

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