Pourquoi Israël a-t-il bombardé des librairies ?
Les librairies de Samir Mansoer ( comprenant 100.000 livres) et de Shaban Aslim – ont été détruites au cours de l’offensive du mois dernier contre Gaza.
Les Palestiniens du quartier de Sheikh Jarrah de Jérusalem-Est occupée se sont empressés de manifester leur soutien à Mansour en ouvrant une librairie à son nom.
« Israël croit que le fait de détruire nos institutions culturelles va nous faire oublier notre cause », a déclaré al-Sharif. « Mais cela n’arrivera pas. Nous continuerons de lire. »
Ruwaida Amer, 2 juin 2021
Samir Mansour a consacré plus de vingt ans à créer un havre pour lecteurs à Gaza.
On estime à 100 000 le nombre de livres qu’on pouvait trouver dans sa librairie. Située près de trois universités, c’était une ressource vitale pour de très nombreux étudiants.
La librairie a été promptement détruite lors de la toute dernière agression d’Israël contre Gaza.
Aujourd’hui, un écriteau portant un message d’avertissement a été placé à l’extérieur des ruines de l’immeuble de Kuhail dans lequel Mansour gérait sa bibliothèque, sa librairie et sa maison d’édition. L’écriteau mentionne que les livres sont une source de savoir et qu’ils contribuent à modeler l’identité des gens.
Les idées contenues dans des livres ne peuvent être effacées des bombes et des avions de combat. Elles continueront à vivre.
« Cette bibliothèque est toute ma vie », a déclaré Mansour.
« J’ai été choqué quand l’occupation israélienne a décidé de bombarder l’immeuble. J’ai eu la même impression que si c’était moi-même qu’on avait détruit. »
« La bibliothèque profitait à tous les membres de la société », a-t-il ajouté.
« C’est une bibliothèque indépendante qui n’a rien à voir avec la politique. Pendant longtemps, je ne me suis pas attendu à ce qu’elle soit bombardée de cette façon. Cela signifie qu’Israël veut détruire notre identité et notre culture à Gaza. »
« Belle et utile »
Maryam Riyad, une étudiante en histoire à l’Université Al-Aqsa à Gaza, décrivait la bibliothèque comme une « compagne permanente ».
« Il n’est pas un seul étudiant de notre université qui ne soit allé dans cette bibliothèque », a-t-elle déclaré. « Elle était à la fois belle et utile. J’ai tellement de souvenirs qui viennent de là. »
Khalid Omar, un étudiant en ingénierie à l’Université Al-Azhar, s’est retrouvé plongé dans la littérature grâce à la bibliothèque.
« Je voulais emprunter un roman ou un recueil de poèmes », a-t-il déclaré.
Et j’avais l’intention de m’imprégner de ces livres. Quand j’ai vu ces milliers de livres détruits et éparpillés sur le sol, j’ai eu l’impression que mon propre cœur avait été détruit. Israël ne respecte ni les livres ni la culture. C’est pourquoi il a bombardé une bibliothèque. »
Tout en gérant la bibliothèque et la librairie, la firme de Mansour publiait également des œuvres d’auteurs locaux.
La firme a travaillé avec plus de 150 auteurs et a également publié des traductions d’œuvres littéraires européennes.
Parmi ses bestsellers, il y a eu une traduction en arabe de Les Misérables, le roman historique français de Victor Hugo. Elle était également la seule firme de Gaza à publier des copies du Coran.
Mansour a calculé qu’il avait perdu au moins pour 700 000 USD en livres et en matériel, suite au bombardement.
Une autre librairie – dont le propriétaire est Shaban Aslim – a été détruite au cours de l’offensive du mois dernier contre Gaza.
Un profond dégoût
Israël présente un lamentable palmarès d’agression contre les arts et la culture de la Palestine.
En 2018, par exemple, Israël a bombardé le Centre culturel Said al-Mishal. Cet immeuble de cinq étages hébergeait le principal théâtre de Gaza, ainsi que des classes de danse, des spectacles de poésie et des expositions diverses.
Lors de l’agression du mois dernier, Israël a également bombardé le bâtiment de Ghazi al-Shawa qui hébergeait les bureaux à Gaza d’Open Screenplay, une firme canadienne qui a développé toute une technologie destinée à aider des auteurs débutants pour le cinéma.
Alors qu’aucun membre du personnel d’Open Screenplay n’a été blessé, la firme a déclaré qu’au moins quatre personnes avaient été tués lors duj bombardement de l’immeuble.
Un autre bâtiment qui a subi un bombardement israélien est le studio d’enregistrement Mashareq.
C’est dans ce studio que le chanteur populaire Mohammed Assaf – mieux connu pour avoir remporté la compétition télévisée Arab Idol – avait fait ses premiers enregistrements.
La Basma Society for Culture and Arts – qui propose des programmes dramatiques pour les enfants et les femmes – a été endommagée elle aussi.
Le bombardement du projet de Samir Mansour a provoqué le dégoût partout où l’on en a entendu parler.
Les Palestiniens du quartier de Sheikh Jarrah de Jérusalem-Est occupée se sont empressés de manifester leur soutien à Mansour en ouvrant une librairie à son nom.
Cet acte de solidarité est poignant étant donné que Sheikh Jarrah est devenu synonyme des efforts actuels d’Israël en vue de forcer les Palestiniens à quitter leurs maisons.
https://twitter.com/LinahAlsaafin/status/1397615910848978951?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1397615910848978951%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fcontent%2Fwhy-did-israel-bomb-bookstores%2F33311
Muhammad al-Sharif du ministère gazaoui de la Culture a fait remarquer que la bibliothèque de Samir Mansour était l’une des 44 institutions culturelles détruites ou endommagées par Israël le mois dernier.
Des dégâts pour plus de 3 millions de USD ont été infligés au secteur culturel de Gaza, a estimé le ministère.
« Israël croit que le fait de détruire nos institutions culturelles va nous faire oublier notre cause », a déclaré al-Sharif. « Mais cela n’arrivera pas. Nous continuerons de lire. »
Publié le 2 juin 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
Ruwaida Amer est une journaliste qui vit et travaille à Gaza.