Mise en carte de nos différences en vue de la libération de la Palestine

Nous avons publié sur ce site deux articles sur l’importante initiative “Mapping Project” (Projet de mise en carte) : un projet mis sur pied par des activistes et des organisateurs de l’est du Massachusetts, qui examinent les liens entre le maintien de l’ordre, l’impérialisme et le colonialisme sioniste.

« Nos luttes sont réellement connectées » : une interview autour du Mapping Project et 

Sionisme, police et empire : Un dossier du Mapping Project.

Ce projet a immédiatement été attaqué par les lobbies sionistes, en particulier par l’Anti Diffamition League (*),  mais également par le Comité national BDS palestinien.

Parmi d’autres, Rima Najjar critique la position du BNC.

Mapping project : la mise en carte des liens entre le maintien de l’ordre, l’impérialisme et le colonialisme sioniste.

Mapping project : la mise en carte des liens entre le maintien de l’ordre, l’impérialisme et le colonialisme sioniste.

 

Rima Najjar, 29 juin 2022

« Nous affirmons notre soutien au Mapping Project de Boston et condamnons les tentatives de censurer cet outil utile et éducatif. »

Cette expression de solidarité avec un collectif anonyme indépendant de Boston qui entreprend une approche novatrice et bien documentée afin d’éclairer les connexions entre les organisations sionistes et les institutions n’a rien de particulièrement remarquable – jusqu’au moment où vous découvrez qui tente de s’en dissocier par crainte des conséquences relatives à la diffamation, à la caractérisation déformée et à la criminalisation par l’ADL (Anti Diffamation League) et d’autres organisations sionistes.

Plutôt que de faire face à des attaques et diversions sionistes prévisibles, le Comité national BDS palestinien (BNC) a sorti une déclaration rejetant le Mapping Project et ceux qui, à l’instar de BDS Boston, lui ont témoigné leur solidarité.

Il n’est pas surprenant que cette déclaration sur Twitter ait été accueillie avec une opposition véhémente.

Qu’est-ce qui est surprenant dans la position ou stratégie adoptée par le BNC vis-à-vis de l’activisme de la libération et la résistance à l’oppression ? C’est une position qui est restée en coulisse jusqu’à présent, afin de ne pas saper la portée mondiale de BDS, un mouvement qui a connu le succès sur la scène mondiale, surtout ces quelques dernières années.

Mais il faut désormais poser la question : Que croit faire le BNC en adoptant une position politique alors que, dans le même temps, il insiste pour dire qu’il n’a pas de position politique et qu’il est simplement un mouvement des droits humains concentré sur les violations par Israël des droits palestiniens et des lois internationales ?

Si le BNC souhaite contourner certaines questions par crainte de devoir subir un conflit juridique de la part des organisations sionistes ou le retrait du soutien de certains donateurs libéraux, c’est sa prérogative. Mais pourquoi dévier de sa voie pour désavouer la résistance palestinienne, comme il le fait aujourd’hui avec BDS Boston et comme il l’a fait avec la Coalition BDS canadienne en raison du refus de cette dernière d’exclure Samidoun, le réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens ?

Samidoun est une organisation de soutien aux prisonniers politiques et ce soutien inclut également le soutien aux prisonniers politiques de longue durée, c’est-à-dire ceux qui ont été emprisonnés parce qu’ils sont engagés dans la résistance armée, ce qui fait d’eux, pour Samidoun, la direction de la lutte palestinienne de libération, celle qui confère à l’organisation sa légitimité, plutôt que toute autre. 

La position du BNC dit qu’il

« doit protéger le mouvement (…) en étant efficient, stratégique et ferme sur ses principes. Il y a des groupes dans le mouvement qui ne le sont pas (…) Nous devons nous souvenir du privilège européen et de la façon dont il affecte les Palestiniens ».

Mais, alors que le BNC reconnaît le droit de la résistance palestinienne de plaider en faveur de la résistance armée ou de s’engager dans l’action directe, il continue en disant ceci :

« Ils ont le droit d’agir de la sorte, mais sans aucune association avec BDS. Nous n’avons par conséquent aucune relation avec eux et nous insistons auprès de tous les groupes BDS pour qu’ils n’organisent rien avec eux. »

Agir en fonction de principes signifie

« agir avec intégrité et honnêteté, avec un sens profond de loyauté, de justice et de respect envers la dignité de l’individu, des organisations et des communautés ».

Samidoun et Palestine Action (que le BNC condamne également en raison de leur « manque de principe ») agissent en fonction de principes très forts. Qui plus est, Palestine Action est occupé à engranger des succès remarquables en infligeant des défaites à la firme d’armement israélienne Elbit Systems et a désormais fermé deux sites d’Elbit en Grande-Bretagne. C’est une question de principe si la Coalition BDS canadienne a rejeté les demandes du BNC de désavouer Samidoun.

Regardons les choses bien en face : En s’opposant à la résistance palestinienne plutôt qu’en se rangeant à ses côtés, le BNC lui-même exprime des demandes politiques dénuées de principe. Le mouvement de libération palestinien pèse plus lourd que le BNC (et il lui est antérieur) et la lutte pour la libération palestinienne comprend, naturellement, le travail de BDS. Bien des gens sont inconscients de ce que l’appel au boycott d’Israël n’a pas commencé en 2005. Comme l’explique un ami :

« Non seulement les Arabes et les Palestiniens boycottent Israël depuis des décennies, mais la chose a également fait l’objet d’un appel au sein du mouvement international et on a déjà pu voir du matériel de campagne en anglais, en néerlandais, en allemand, en français réclamant le boycott dès les années 1970 et 1980. J’en parle pour dire que l’appel BDS de 2005 constitue un appel à l’action adressé au monde entier. Le développement en sus de la structure d’un « Comité national » [BNC] qui s’est arrogé l’autorité de s’engager dans des décisions politiques de ce genre est quelque chose qui requiert une mûre réflexion, particulièrement quand le rôle qu’il joue n’est pas d’interpeller les entreprises, institutions et artistes qui violent le boycott ou de mobiliser pour des actions, mais de s’engager en lieu et place dans des pressions politiques au sein même du mouvement. »

Le Comité national BDS palestinien (BNC) se décrit comme

« la plus large coalition de la société civile palestinienne qui œuvre pour diriger et soutenir le mouvement BDS en faveur des droits palestiniens ».

Il est toutefois temps de comprendre que le BNC n’est pas aussi large (ou large d’esprit) qu’il le pense, après tout. Comme l’a écrit l’an dernier Sabyasachi Biswal :

« [Bien que BDS impose] un lourd fardeau à l’État juif quand il veut défendre ses idéologies sionistes face à un monde critique, qui a vu les multiples violations par cet État des lois internationales depuis le siège de Gaza en 2014 (…) il [BDS] n’a pas trouvé beaucoup de soutien crédible dans la société civile non intellectuelle et il est continuellement et intentionnellement trompé par la classe politique israélienne et américaine soucieuse de délégitimer le mouvement. »

Nous devons tous rejeter

« les moindres tentatives d’empêcher les organisateurs de faire face aux interconnexions des systèmes d’oppression. Personne, dans notre mouvement, n’a un monopole sur les tactiques de mouvement, y compris BDS. Le travail en vue de mettre à jour les relations entre la police, le sionisme et l’impérialisme est un très important travail de mouvement qui devrait être mis en exergue ».

Nous devons rejeter toute répression par principe, même celle qui émane du BNC.

Pour les personnes désireuses d’en savoir plus sur le Mapping Project, je suggérerais de lire les interviews informatives du collectif publiées par Mondoweiss et Samidoun ainsi qu’un commentaire analytique d’Omar Zahzah intitulé « Connecting the Dots : The Liberationist Ethos of the Mapping Project » (Relier les petits points : l’éthique libératoire du MP).

Note : Le présent article a d’abord été publié sur Medium.

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Rima Najjar est une Palestinienne dont la branche paternelle de la famille provient du village dépeuplé de force de Lifta, dans la périphérie occidentale de Jérusalem et dont la branche maternelle de la famille est originaire d’Ijzim, au sud de Haïfa. C’est une activiste, une chercheuse et une professeure retraitée de littérature anglaise, à l’Université Al-Quds, en Cisjordanie occupée.

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Publié le 29 juin 2022 sur Countercurrents
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

(*) Puissant lobby sioniste aux Etats-Unis

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NDLR : Trouvez ici également la réaction de l’écrivaine Susan Abulhawa sur Twitter :

https://twitter.com/sjabulhawa/status/1539727912647245830

Susan Abulhawa :

Le mandat du BNC ne consiste pas à fixer les paramètres de la libération palestinienne. Son boulot est d’établir clairement quand et où quelqu’un franchit notre ligne de piquet. Il devrait annuler immédiatement cette répudiation lâche du Boston Mapping Project, une étude brillante et radicale qui visualise les intersections des tactiques, institutions et sponsors financiers de l’oppression contre les communautés marginalisées des EU et contre les Palestiniens qui vivent sous l’apartheid israélien. Ce projet cadre entièrement avec les principes d’émancipation de l’expression de la vérité. Le BNC n’a pas ni ne peut avoir la possibilité de devenir l’arbitre d’une résistance acceptable. Assez. Nous nous sommes tus assez longtemps au nom de notre volonté de ne pas laver notre linge sale autrement qu’en famille; mais notre silence est peut-être ce qui a permis l’audace de ce remarquable débordement.

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