Impossible de prendre au sérieux le nouveau rapport de l’UE sur les colonies

L’UE considère la force de police israélienne comme une partenaire alors qu’elle est inséparable de la colonisation à laquelle cette même Union européenne prétend s’opposer.

Installée à Jérusalem-Est occupée, la force de police israélienne est traitée en partenaire par l’Union européenne. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

Installée à Jérusalem-Est occupée, la force de police israélienne est traitée en partenaire par l’Union européenne. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

 

David Cronin, 28 juillet 2022

Généralement, les diplomates ne passent pas pour afficher des tendances de la mode.

Sven Kühn von Burgsdorff, l’envoyé de l’UE en Cisjordanie occupée et à Gaza, est une exception. Il a la réputation de voyager en Palestine vêtu d’un t-shirt de marin et de pantalons blancs.

La révolution vestimentaire entreprise par von Burgsdorff représente le triomphe du style sur la substance.

Bien qu’il projette une image inhabituelle différant des costumes étouffants normalement associés aux grandes bureaucraties, ses activités et celles de ses collègues restent tout aussi illusoires que jamais. La chose devient claire une fois qu’on analyse un nouveau document publié par son bureau.

Le document fournit de nombreux détails sur les activités des colonies d’Israël dans un passé récent. Il déplore en particulier la façon dont la colonisation de Jérusalem-Est s’est intensifiée au cours de l’année 2021.

Une section encense l’UE pour son opposition « vocale » à l’expansion planifiée d’une colonie israélienne dans le quartier d’Atarot, à Jérusalem. Les pressions diplomatiques ont retardé l’expansion, prétend le document.

Dans quelle mesure, précisément, l’UE s’est-elle exprimée de façon « vocale » ? Le document cite trois critiques des activités de peuplement israéliennes émises l’an dernier par un porte-parole de la politique étrangère – c’est à peine un signal de ce que les responsables ont protesté à chaque occasion où ils pouvaient le faire.

Des crimes dont l’UE s’accommode

Les choses les plus importantes concernant ce genre de documents, ce sont généralement les faits qu’ils laissent de côté. Dans le cas présent, le document ignore complètement comment l’opposition de l’UE aux crimes d’Israël – qu’elle soit « vocale » ou inaudible – est contredite par le fait que l’UE s’accommode très bien de ces mêmes crimes.

La force de police israélienne est inséparable des activités de peuplement auxquelles l’UE prétend s’opposer.

Non seulement le QG principal de cette force de police se trouve à Jérusalem-Est, mais elle dirige des démolitions de maisons et autres actes de dépossession au détriment de Palestiniens. Sa brutalité est apparue pleinement en mai, quand elle a agressé les porteurs du cercueil lors des funérailles de Shireen Abu Akleh, une journaliste d’Al Jazeera assassinée par l’armée israélienne.

Malgré le fait qu’elle critique de telles activités, l’UE considère la force de police israélienne comme une partenaire.

La force et le ministère israélien de la sécurité publique participent à plus de 10 projets de recherche scientifique financés par l’UE. Et personne par les gens qui travaillent dans – ou au service de – la bureaucratie bruxelloise ne semble s’en soucier le moins du monde.

Telle est l’inévitable conclusion d’une requête au nom de la liberté d’information que j’ai introduite récemment.

J’ai émis le désir de voir tous les documents de briefing sur la coopération avec la police israélienne tels qu’ils avaient été préparés pour Mariya Gabriel, la commissaire de l’UE pour la recherche scientifique, et ce, depuis qu’elle est entrée en fonction, en décembre 2019.

La Commission européenne – l’exécutif de l’UE – a exactement identifié deux de ces documents. Tous deux étaient des textes rédigés en guise de réponses à des questions parlementaires.

La première réponse donnait une brève explication du rôle que le ministère israélien de la sécurité publique joue dans un projet financé par l’UE et appelé Roxanne. Ce rôle consiste à « rassembler du feedback sur le dossier des abus sexuels sur des enfants », a déclaré Gabriel – ou les personnes qui ont rédigé sa réponse.

Gabriel n’a pas eu de commentaire à propos de l’obscénité consistant à octroyer ce genre de tâche à un ministère qui supervise une force de police et un système carcéral qui arrêtent et torturent des enfants palestiniens – en les soumettant souvent à des violences sexuelles.

Les deux réponses mettaient le doigt sur la façon dont le « screening de l’éthique » était mené sur les projets financés par l’UE.

J’ai vu les rapports du screening de Roxanne et de certains autres projets impliquant la police israélienne. Le screening est tout simplement un exercice consistant à cocher des cases.

Alors que certaines inquiétudes ont été soulevées à propos des questions de surveillance et de vie privée, le screening ne s’est pas penché sur l’horrible palmarès de la police israélienne une fois qu’il est question des droits humains.

L’émerveillement de l’ambassadeur

De nouvelles informations montrent également que la police israélienne n’est en aucun cas tenue responsable quand elle tue des Palestiniens.

En 2017, Yakoub Abu al-Qiyan, un Bédouin palestinien, a été abattu par la police au cours d’un raid à Umm al-Hiran, un village du Néguev, une région d’Israël. Abu al-Qiyan a perdu son sang jusqu’à ce que mort s’ensuive : La police a empêché les infirmiers de lui apporter de l’aide.

Cette semaine, la chaîne israélienne Channel 12 a présenté des preuves qu’une enquête sur cet homicide avait été clôturée sous les pressions des hautes instances de la police et du procureur général de l’État.

La nouvelle révélation n’a jusqu’à présent suscité aucune réponse de la part de Dimiter Tzantchev, l’ambassadeur de l’UE à Tel-Aviv.

Le lendemain de l’émission de Channel 12, il était occupé à visiter l’Israel Diamond Exchange (Bourse aux diamants), où il a encensé « son ardeur à vouloir innover et à améliorer votre profession » – quoi que cela puisse signifier.

La visite en dit plus qu’une bibliothèque sur les priorités de l’UE.

Les exportations israéliennes de diamants polis se sont chiffrées à 1,3 milliard de dollars pour les seuls trois premiers mois de l’année.

On peut se poser de sérieuses questions sur l’importance du commerce des diamants pour l’économie israélienne – une économie qui ne peut être considérée séparément de l’asservissement des Palestiniens.

Plus que vraisemblablement, Tzantchev était bien trop émerveillé pour poser de telles questions.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

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Publié le 28 juillet 2022 sur The Electronic Intifada  

Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également : Se détournant de la Russie, l’UE se rapproche des flics tueurs d’Israël

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