Une fuite de document prouve que l’UE a mis les droits palestiniens sur la touche

Un document rédigé par des fonctionnaires de Bruxelles préalablement à une réunion du Conseil associatif avec Israël le 3 octobre, prouve que l’oppression des Palestiniens et le vol de leur patrie se voient accorder bien moins d’importance que des sujets considérés comme plus stratégiques.

Action le 3 octobre contre le sommet UE-Israël (Photo via ABP sur Twitter)

Action le 3 octobre contre le sommet UE-Israël

 

David Cronin, 30 septembre 2022

Quelques mythes ont été répandus à propos de la coopération d’Israël avec l’Union européenne.

L’un d’eux, répété par des journalistes crédules dans Politico ces derniers jours, dit que les relations sont « souvent fragiles ».

Un autre affirme que les liens ne sont pas aussi forts qu’ils pourraient l’être du fait que les libéraux au cœur sensible de la bureaucratie bruxelloise se plaignent de l’expansion des colonies en Cisjordanie.

Un document de l’UE qui a fait l’objet d’une fuite démolit ces mythes – sans doute par mégarde.

Le document a été rédigé par des fonctionnaires de Bruxelles préalablement à une réunion du Conseil associatif avec Israël le 3 octobre. Il prouve que l’oppression des Palestiniens et le vol de leur patrie se voient accorder bien moins d’importance que des sujets considérés comme plus stratégiques.

Un fait particulièrement éloquent – mentionné dans le document – est que l’UE célèbre « le succès des dialogues sur le contreterrorisme entamés avec Israël en 2015 ».

Alors que ces « dialogues » avaient toujours cours en avril de cette année, un groupe de travail « non officiel » autour des droits humains ne s’est plus réuni depuis 2016.

Il est dès lors aisé de déduire de ces éléments la véritable nature des relations de l’UE avec Israël.

Fragiles ?

Loin d’être fragiles, les relations se sont largement développées de la façon souhaitée par Israël. Des inquiétudes à l’eau de rose à propos des droits humains ont été laissées de côté de sorte que les grandes personnes puissent passer à des affaires plus sérieuses.

Presque immédiatement après que des avions détournés s’étaient écrasés contre les tours jumelles de New York le 11 septembre 2001, d’importants hommes politiques israéliens avaient commencé à se positionner comme des acteurs indispensables dans la « guerre mondiale contre le terrorisme ».

Israël a catégorisé toute résistance des Palestiniens à sa soumission comme du terrorisme et, confrontée à la formule rébarbative du « c’est à prendre ou à laisser », l’UE a accepté le discours israélien.

Le document, préparé pour la réunion du Conseil associatif à Bruxelles dit que l’UE

« est impatiente de faire progresser le dialogue sur le contreterrorisme en développant des actions pratiques ».

La liste des « actions pratiques » qui suit comprend une suggestion disant que les deux parties pourraient collaborer plus étroitement sur des projets de drones. Il n’est pas fait mention de ce qu’Israël a expérimenté avec des drones en les utilisant pour tuer de grands nombres de personnes à Gaza et qu’il a ensuite détourné le fait que ces armes ont « été testées au combat » pour en faire un incitatif unique à la vente.

Le document prétend que l’UE est

« gravement inquiète de ce que l’occupation du territoire palestinien, qui a commencé en 1967, s’est poursuivie jusqu’à ce jour ».

Il est impossible de prendre cette affirmation au sérieux. Le document « s’oppose fortement » au boycott d’Israël, rejetant ainsi un appel des Palestiniens vivant sous une occupation qui inquiète « si gravement » les institutions et les gouvernements de l’UE.

La critique creuse

La République tchèque, qui occupe pour l’instant la présidence tournante de l’UE, a fortement soutenu la reprise du Conseil associatif avec Israël.

Jan Lipavský, le ministre tchèque des Affaires étrangères, a déclaré au cours de l’été que le forum avait repris vie après un hiatus de 10 ans « en raison de problèmes (en anglais, « issues ») avec Israël ».

 

Il est révélatif qu’il ait choisi un terme inoffensif comme « problèmes », créant ainsi l’impression que les questions en jeu sont relativement banales.

En fait, les « problèmes » concernent la construction et l’expansion des colonies – des crimes de guerre, sous la Quatrième Convention de Genève.

Le document de l’UE soutient les accords d’Abraham – une série d’arrangements de normalisation entre Israël et les pays arabes. Ces accords sont implicitement désignés pour s’assurer que les crimes de guerre d’Israël et l’opposition infatigable des Palestiniens n’empêcheront pas les fabricants d’armes israéliens de décrocher des contrats au Moyen-Orient et ailleurs.

Le document de l’UE soutient subtilement d’autres initiatives visant à détourner l’attention de la situation dramatique des Palestiniens.

Par exemple, il décrit Israël comme un « partenaire majeur » sur le plan des droits LGBT.

En disant cela, l’UE a encouragé le blanchiment de l’apartheid israélien. Il convient de faire remarquer néanmoins qu’au contraire des organisations les plus honorables en faveur des droits humains, les institutions de Bruxelles n’ont jamais dénoncé Israël pour avoir développé un système d’apartheid.

Il y a d’autres problèmes majeurs avec le document de l’UE.

Une référence aux hauteurs du Golan, de la Syrie, ne stipule pas qu’elles se trouvent sous l’occupation militaire israélienne.

Une critique de l’arrestation administrative – l’emprisonnement sans accusation, ni procès – sonne creux.

Le ministère israélien de la Sécurité publique, qui est responsable des prisons où sont enfermés les Palestiniens, est un bénéficiaire important des subsides de la recherche scientifique de l’UE – et c’est quelque chose que le document néglige également de faire remarquer.

Et le document n’exige pas non plus une enquête indépendante sur l’assassinat par Israël de la journaliste Shireen Abu Akleh. En lieu et place, il prône simplement une « enquête complète ».

Un malaise plus large est enregistré également autour du

« niveau de plus en plus élevé des victimes civiles suite à des actions menées entre autres par les forces sécuritaires israéliennes ».

Un tel langage suggère que l’UE n’a aucune objection contre la violence d’État en soi. Elle veut uniquement qu’à l’occasion, les troupes israéliennes retire le doigt posé sur la gâchette de leurs armes.

Yair Lapid, le Premier ministre israélien, s’est fait tapoter l’épaule par l’élite de l’UE pour avoir affirmé récemment son soutien à une solution à deux États.

Le même Lapid a autorisé une agression à grande échelle contre Gaza en août dernier.

Il a proposé son « plein soutien » aux soldats qui se livrent à de nombreux actes d’une insigne brutalité en Cisjordanie, et particulièrement à Jénine.

La présence de Lapid est attendue au Conseil associatif, bien que certains médias rapportent qu’il pourrait ne pas s’y rendre.

En dépit – ou peut-être à cause – des obscénités qu’il a approuvées, Lapid peut s’attendre à un accueil des plus chauds s’il vient à Bruxelles la semaine prochaine.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

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Publié le 30 septembre 2022 sur The Electronic Intifada  
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également : Mettons fin à l’accord d’association UE-Israël !

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