Pourquoi l’UE perçoit-elle la police israélienne comme « partenaire stratégique » ?

Au mois de septembre l’UE a signé un accord qui prévoyait de renforcer plus encore les liens avec la police d’Israël. Selon cet accord, Israël peut échanger des données personnelles de Palestiniens vivant sous occupation avec Europol, l’institution policière de l’UE.

 

Les forces de police israéliennes – surprises ici en train de commettre un crime de guerre dans le camp de réfugiés de Shuafat – sont considérées par l’UE comme un partenaire stratégique important. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

Les forces de police israéliennes – surprises ici en train de commettre un crime de guerre dans le camp de réfugiés de Shuafat – sont considérées par l’UE comme un partenaire stratégique important. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

 

David Cronin, 4 novembre 2022

Les partisans d’Israël, croyez-le ou pas, peuvent avoir raison sur un ou deux points.

Le fait de prétendre à tout bout de champ que leur État bien-aimé est friand d’innovation contient effectivement quelques atomes de vérité. Existe-t-il un autre oppresseur qui perçoit Facebook et Twitter comme des outils aussi vitaux pour mettre le monde en garde contre sa brutalité ?

Le 8 octobre, les forces de police israéliennes ont bel et bien admis qu’elles soumettaient massivement les civils.

Elles ont posté des photographies sur l’internet de leurs hommes afin de les aider à boucler hermétiquement le camp de réfugiés de Shuafat, près de Jérusalem.

 

Israël a présenté l’étranglement de Shuafat comme une réponse au meurtre d’un soldat.

Les châtiments collectifs sont interdits, selon les Conventions de Genève et d’autres instruments du droit international. Chaque fois qu’il recourt au châtiment collectif, Israël commet un crime de guerre.

En évitant tout contrôle démocratique, l’Union européenne a forgé une alliance formelle avec la police d’Israël.

L’UE a même signé un accord prévoyant de renforcer plus encore les liens avec la police d’Israël au mois de septembre – quelques semaines à peine avant que cette même force de police se soit vantée implicitement d’avoir commis un crime de guerre dans le camp de Shuafat.

 

Ce marché a été bricolé très rapidement, au prorata des normes de l’UE. Les négociations en vue de le conclure avaient démarré en novembre 2021.

Plus ou moins à cette même époque, Israël avait envoyé une délégation de 30 diplomates de haut rang à Bruxelles.

 

« Une coopération plus forte encore »

Parmi les nombreux responsables qu’ils avaient rencontrés figurait Laurent Muschel, de la direction générale de la migration et des affaires intérieures de la Commission européenne (l’exécutif de l’UE).

Une note de briefing préparée pour les discussions de Muschel – obtenue selon les règles concernant la liberté d’information – dit que « Israël est un pays partenaire stratégique de l’UE dans le cadre de la coopération sécuritaire ».

L’accord signé en septembre cette année succède à un « arrangement de travail » de 2018 entre Israël et Europol.

La note de briefing destinée à Muschel prétend qu’il devrait y avoir une « coopération plus forte encore » avec Israël.

La note fait remarquer qu’Europol aide les autorités nationales des gouvernements de l’UE dans l’identification des « liens transfrontaliers » du crime organisé. La « contribution israélienne, dans de tels cas, continue de revêtir une grande importance », ajoute la note.

Depuis l’entrée en vigueur de l’arrangement de 2018, Israël a établi un bureau de liaison au QG d’Europol à La Haye. Ce genre de démarche propose un « potentiel considérable » afin de « promouvoir une contribution opérationnelle », dit encore la note de briefing.

L’arrangement de 2018 donne une liste de délits autour desquels Israël et Europol peuvent travailler conjointement. Ces délits comprennent le terrorisme et les crimes de guerre.

Il stipule également que les informations échangées entre les deux parties ne doivent pas être collectées en « violation manifeste des droits humains ».


C’est une plaisanterie ?

Quelqu’un a-t-il eu l’idée de faire une plaisanterie ?

Les forces de police israéliennes – comme on l’a déjà remarqué – commettent activement des crimes de guerre, tout en servant un État qui catalogue comme terroristes toutes les formes de résistance à sa violence systématique.

Israël recourt systématiquement à la torture contre les Palestiniens dans ses prétendues enquêtes sur le terrorisme. Il s‘agit de méthodes qui sont officiellement admises et utilisées en toute impunité.

Le fait que les forces policières israéliennes sont cantonnées à Jérusalem-Est occupée devrait suffire pour exclure toute transaction avec elles.

Bien qu’elle soit hostile – sur papier – à la colonisation de Jérusalem-Est par Israël, l’UE a pris le parti d’une force policière qui joue son rôle à part entière dans la colonisation.

Et que signifie « violation manifeste des droits humains » dans ce contexte ? L’UE désire-t-elle sérieusement qu’Israël soit un peu plus subtil dans la façon dont il soumet les Palestiniens ?

Les forces policières israéliennes ne sont pas la seule institution méprisable à bénéficier ces derniers temps d’un massage métamorphique de la part des représentants de l’UE.

L’ambassade de l’UE à Tel-Aviv vient tout juste de faire équipe – et ce n’est pas la première fois – avec l’European Leadership Network, sans doute l’organe au nom le plus trompeur parmi la pléthore de lobbyistes professionnels sévissant pour Israël.

L’ambassade et l’European Leadership Network ont récemment accueilli communément une conférence  « réservées à des diplomates, hauts fonctionnaires et experts expérimentés ». Parmi les quelques détails publiés à propos de l’événement figurait le fait qu’il y a été discuté de l’agression russe contre l’Ukraine.

 

On peut parier sans risque de perdre sa mise que les participants ont été trop polis pour dénoncer l’agression israélienne contre les Palestiniens. Des personnalités importantes de l’European Leadership Network ont récolté des fonds afin de soutenir cette agression.

À un certain moment, l’organisation a même compté dans ses rangs Michael Herzog, aujourd’hui ambassadeur d’Israël aux États-Unis, parmi sa direction. Il avait eu rôle significatif dans la planification d’un raid de bombardement contre Gaza en 2002, raid au cours duquel huit enfants avaient été tués.

N’attendez pas de l’UE qu’elle fuie le contact avec des bouchers d’enfants palestiniens. Après tout, Israël est un « partenaire stratégique ».

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

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Publié le 4 novembre 2022 sur The Electronic Intifada  
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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