Le calvaire des enfants palestiniens blessés emprisonnés en Israël

Arrêtés après s’être fait tirer dessus et avoir été blessés par les forces israéliennes, des enfants palestiniens racontent ce qu’ils endurent quand les responsables carcéraux et les militaires leur refusent des soins médicaux urgents.

Enfants palestiniens emprisonnés : Amir Al-Biss, 13 ans, est cloué au lit après s’être fait tirer deux balles dans la jambe droite par des soldats israéliens au nord de Hébron, le 4 mars 2023.

Amir Al-Biss, 13 ans, est cloué au lit après s’être fait tirer deux balles dans la jambe droite par des soldats israéliens au nord de Hébron, le 4 mars 2023. (Photo : MEE)

 

Fayha Shalash, 1er avril 2023

Les enfants palestiniens arrêtés par les forces israéliennes après s’être fait tirer dessus souffrent de négligence médicale, en détention, ce qui exacerbe leur état de santé tant mental que physique, si l’on s’en réfère à des témoignages partagés avec MEE.

La vie de l’adolescent palestinien de 13 ans, Amir Al-Biss, a subi un contrecoup lorsqu’il a été touché par balles, puis arrêté par des soldats israéliens au début du mois de mars.

Bien qu’il ait été relâché le 13 mars, il souffre toujours des deux blessures à sa jambe droite. Il reste cloué au lit et est incapable de se rendre aux toilettes tout seul.

L’incident a eu lieu le 4 mars, au moment où Amir marchait dans la rue adjacente au camp d’Al-Arroub, au nord de Hébron, en Cisjordanie occupée. Il a rencontré un groupe de soldats israéliens qui lui ont tiré dessus directement, sans la moindre hésitation.

« Il déambulait seul, sans poser le moindre danger pour les soldats, mais ils lui ont tiré dessus sans sommation. Il a été touché par deux balles explosives dans la jambe, a été arrêté immédiatement et transporté vers une ambulance israélienne »,

rapporte Mohammed Al-Biss, le père d’Amir.

Bien que l’information de l’attaque soit parvenue à la famille d’Amir, elle n’a su ce qu’il était advenu de lui que trois jours plus tard, par le biais d’un avocat. Les parents d’Amir étaient anxieux parce qu’ils ne disposaient d’aucune information sur son état médical. Leur demande de pouvoir le voir durant sa détention avait été rejetée.

Son père a dit qu’Amir avait connu des jours pénibles au Centre médical israélien de Shaare Zedek, où il était enchaîné à son lit et tenu sous surveillance stricte par des soldats israéliens, qui lui ordonnaient de marcher, malgré sa grave blessure à la jambe.


Envoyé en prison

Selon le père d’Amir, les balles ont pulvérisé l’os de sa jambe, qui continue de lui infliger une douleur atroce au point de parfois le priver de sommeil. Après plusieurs jours d’hospitalisation, il a été transféré à la sinistre prison de Ramla, où il a subi de mauvais traitements et violences de la part des gardiens israéliens.

« L’un des gardiens l’a propulsé au sol sur sa jambe blessée, ce qui lui a valu une douleur sévère et une hémorragie ; il ne recevait pas de nourriture convenable et il ne pouvait faire ses besoins quotidiens tout seul, ce qui a affecté sa santé mentale »,

a ajouté son père.

Amir a été relâché après que sa famille eut payé une caution, mais il souffre toujours de sa blessure et il attend son transfert à l’hôpital, afin d’entamer une longue trajectoire de soins qui pourrait l’empêcher de jouer avec ses amis pendant de nombreux mois.

Au cours de l’année 2022, le Centre palestinien d’études sur les prisonniers, une organisation de défense des droits, a répertorié l’arrestation par les forces d’occupation israéliennes de plus de 850 enfants, dont 45 de moins de 12 ans. Parmi les enfants arrêtés, plusieurs avaient été blessés par balles avant leur arrestation et tous ont été victimes de négligences médicales délibérées.

Le centre explique que la majorité des enfants arrêtés ont été soumis à une ou plusieurs formes d’humiliation et de torture physique et psychologique, via l’utilisation d’un certain nombre d’outils et de méthodes systématiques qui violent les normes et conventions internationales concernant les droits des enfants.

En fait, ces violations commencent dès le moment de l’arrestation et se poursuivent pendant la période d’enquête et la détention.

Selon le centre, les forces d’occupation israéliennes ont arrêté en 2022 plus de 10 enfants après les avoir abattus et blessés, certains grièvement. Le enfants blessés ont souvent été « laissés par terre un certain temps en train de saigner » avant d’être enfin emmenés pour recevoir des soins.

L’organisation de défense des droits a ajouté qu’ils avaient été soumis à des enquêtes et interrogatoires inhumains à l’intérieur même des hôpitaux et que certains d’entre eux avaient été transférés vers des centres d’interrogatoire après très peu de temps, avant même d’avoir achevé leur guérison.


Une jambe amputée suite à des négligences

Le 10 octobre 2015, Jalal Al-Sharawneh, 17 ans à l’époque, était blessé à la jambe par les balles d’un colon. Ensuite, les soldats israéliens l’avaient arrêté, l’accusant de posséder une arme et de se trouver sur le territoire de la colonie de Negohot, à l’ouest de Hébron, non loin de la ville de Deir Samet, où vivait Jalal.

Jalal avait perdu conscience vu la sévérité de la douleur et il s’était réveillé pour se voir enchaîné à un lit d’hôpital du Centre médical de Shamir (Assaf Harofeh). Dès son réveil, un interrogateur israélien était venu et s’était mis à le questionner sur la raison de sa présence dans la colonie.

« J’ai regardé ma jambe et je l’ai trouvée emballée d’un linge blanc. Elle saignait toujours. Je ne pouvais pas bouger. L’officier m’a posé plusieurs questions et j’ai ressenti des douleurs partout sur mon corps. Je lui ai dit que je ne savais rien, et il m’a alors donné des coups sur ma blessure en continuant de me poser des questions en dépit de ma situation instable »,

a expliqué Jalal à MEE.

Cette situation s’est poursuivie pendant plusieurs jours : douleurs sévères, incapacité de remuer la jambe et interrogatoires à l’intérieur même de la chambre d’hôpital.

Enfants palestiniens emprisonnés : Jalal al-Sharawneh avait 17 ans lorsqu’il a été abattu par un colon à Negohot, à l’ouest de Hébron.

Jalal al-Sharawneh avait 17 ans lorsqu’il a été abattu par un colon à Negohot, à l’ouest de Hébron. (Photo : fournie par MEE)


Un mois plus tard, Jalal a été libéré de l’hôpital avant la fin, de son traitement et il a été transféré aussitôt à la prison de Ramla (appelée également Ayalon) de façon que les Israéliens puissent terminer leur enquête.

Jalal a déclaré que, lors des séances d’interrogatoire en prison, sa jambe saignait mais que l’interrogateur avait négligé son état.

Vu cette négligence médicale, l’état de Jalal a empiré. Après plusieurs semaines de confinement dans des cellules d’interrogatoire, accompagnées de douleurs insupportables et suite aux conditions de froidure épouvantable et à l’indifférence de l’administration carcérale israélienne, les médecins de la prison ont informé l’adolescent qu’il allait falloir lui amputer la jambe.

« Sur le moment, j’ai pleuré parce que je ne pouvais imaginer la perte de ma jambe, mais l’état dans lequel je me suis retrouvé suite à toute cette négligence médicale délibérée dans la prison israélienne était tout simplement indescriptible »,

a-t-il expliqué à MEE.

« Ma jambe amputée a été libérée et enterrée par ma famille. Je suis resté de nombreux mois en prison, souffrant des effets physiques et psychologiques sans jamais recevoir de soins particuliers. »

Jalal a passé trois ans et quatre mois en prison. Pendant tout ce temps, il a essayé de composer avec sa nouvelle réalité, mais les conditions carcérales étaient bien plus pénibles qu’il ne l’avait imaginé

« J’avais des difficultés pour me déplacer à l’intérieur de la prison et j’ai bénéficié de l’aide des prisonniers pour faire mes besoins quotidiens »,

a-t-il ajouté.

« Les médecins de la prison se moquaient de ma santé et on ne m’avait même pas donné de béquilles pour me faciliter la marche, sauf quand je devais assister aux séances de tribunal. La douleur à l’endroit de l’amputation était horrible… C’est quelque chose que je ne peux pas oublier… Je ne peux pas. »

 

Pleurer la nuit

L’ancien prisonnier Muhammad al-Qeeq, qui a été en grève de la faim dans les prisons israéliennes, avait été transféré à la prison de Ramla en 2016, où il devait rencontrer nombre d’enfants blessés.

« J’ai rencontré les deux enfants, Omar Al-Rimawi et Ayham Sabah. Chacun d’eux avait été blessé de plusieurs balles. Ils pleuraient la nuit tellement ils avaient mal et, parfois, ils hurlaient parce qu’il n’y avait pas la moindre réponse de la part de l’administration carcérale »,

a-t-il expliqué.

Qeeq prétend que l’administration carcérale utilise les blessures des enfants prisonniers comme un moyen de pression et de torture contre eux.

À la demande d’un avocat, les deux enfants étaient censés être transportés aux séances de tribunal dans une ambulance spéciale, mais les officiels de la prison les ont forcés à voyager dans l’autocar réservé aux prisonniers (la sinistre « bosta »), avec ses sièges de fer particulièrement douloureux, même pour les prisonniers en bonne condition.

Omar et Ayham sont en prison depuis sept ans et ils purgent une sentence à vie après avoir été accusés d’avoir poignardé un colon à mort.

*****

Publié le 1er avril 2023 sur Middle East Eye
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

*****

Participez ce samedi 15 avril au rassemblement
pour la libération des prisonniers palestiniens
à Bruxelles (gare centrale)

Le réseau international Samidoun appelle à participer au rassemblement organisé ce samedi 15 avril à 15 h par plusieurs organisations dans le cadre de la Journée internationale des prisonniers palestiniens.

Alors que la violence coloniale sioniste s’intensifie d’Al Qods à Gaza, nous devons développer la solidarité populaire avec la résistance palestinienne qui se bat pour la libération des 4.800 prisonniers palestiniens et la libération de toute la Palestine de la mer au Jourdain.

Après plus de 75 ans de colonisation de peuplement, d’occupation et de nettoyage ethnique, le peuple palestinien continue de résister partout où il se trouve, en Palestine comme en exil et en diaspora, pour défendre ses droits nationaux et sociaux.

Alors que le racisme d’État abat sa violence contre nos communautés en Belgique, soutenir la Palestine c’est soutenir une lutte antiraciste, anticolonialiste et anti-impérialiste qui nous concerne tous !

*****

Vous voulez participer à une action dans la région de Charleroi ?
Ecrivez- nous à charleroi.palestine@gmail.com

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...