Palestine Action : Pourquoi nous assiégeons une usine d’armement israélienne

La Grande-Bretagne soutient, légitime et finance l’oppression des Palestiniens, alors que ceux qui s’y opposent, ne cessent de faire des pressions, de condamner et de protester. Afin de rompre le cycle, nous devons d’abord rompre ce statu quo. C’est la raison pour laquelle Palestine Action a été créée.

Des protestataires portent des masques à l’effigie du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et de son homologue britannique Rishi Sunak, qui se sont rencontrés récemment à Londres. (Photo : Vuk Valcic / ZUMA Press)

Des protestataires portent des masques à l’effigie du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et de son homologue britannique Rishi Sunak, qui se sont rencontrés récemment à Londres. (Photo : Vuk Valcic / ZUMA Press)

 

Huda Ammori, 11 avril 2023

Une fois de plus, récemment, le gouvernement britannique a déroulé le tapis rouge devant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.

Sa visite était censée initier un nouvel accord de partenariat – promettant 25 millions de USD de financement afin de renforcer les liens techno-industriels entre les deux pays.

Pendant que Netanyahou était invité à dîner par les hommes politiques britanniques, les Palestiniens déploraient de nouveau un mort. Près de 100 Palestiniens ont été tués par les Israéliens depuis le début de cette seule année.

Alors que la lutte pour la libération n’a jamais faibli durant les 75 années de l’occupation israélienne – la totalité de la Palestine historique est sous occupation israélienne – le prix à payer pour le peuple palestinien a été tragiquement élevé.

La vision d’un criminel de guerre israélien comme Netanyahou accueilli à bras ouvert sur le sol britannique suffit à faire se retourner de dégoût tout citoyen décent. Mais ce n’est pas le premier « bon accueil » de ce genre, puisque cette relation, en fait, remonte à plus d’un siècle.

La signature de la Déclaration Balfour, en 1917, fut un moment fatidique dans l’histoire peu reluisante de la Grande-Bretagne.

Cette lettre, longue de 67 mots seulement, émanant de notre secrétaire aux Affaires étrangères de l’époque, Arthur James Balfour, sacrifia avec désinvolture la Palestine afin de mettre sur pied la toute nouvelle patrie juive – ignorant ainsi un problème bien plus important, puisque la terre était déjà habitée par une population autochtone prospère, les Palestiniens.

Afin de faire de cette « patrie » une réalité, les soldats britanniques abreuvèrent la terre de sang en massacrant, terrorisant, expulsant, arrêtant et même violentant sexuellement le peuple palestinien. Les soldats démolirent des quartiers entiers de villes palestiniennes et matèrent les soulèvements locaux.

Les Britanniques pavèrent la voie vers la Nakba – la catastrophe, qui vit les milices sionistes, équipées et entraînées par l’armée britannique, pratiquer le nettoyage ethnique d’au moins 800 000 Palestiniens.

Des communautés entières furent massacrées. Plus de 500 villes et villages furent brutalement balayés de la carte.

 

Rompre le cycle

La complicité britannique ne cessa jamais. Elle se mua tout simplement en une facette différente du colonialisme, une facette soutenue par le biais d’intérêts diplomatiques, industriels, militaires et financiers.

La Grande-Bretagne soutient, légitime et finance l’oppression des Palestiniens, alors que ceux qui s’y opposent, ne cessent de faire des pressions, de condamner et de protester. Afin de rompre le cycle, nous devons d’abord rompre ce statu quo.

C’est la raison pour laquelle Palestine Action a été créée. Nous devions jouer les trouble-fête et mettre à l’arrêt les sempiternels rouages du fonctionnement de la colonisation.

Le récent accord de partenariat signé entre Israël et la Grande-Bretagne a porté de plusieurs façons un coup rude à ceux qui protestaient contre l’oppression de la Palestine. Il y a eu un accord pour prétendre que l’apartheid n’existait pas et pour œuvrer ensemble à trouver des moyens de dominer le peuple palestinien.

À l’intérieur de cet accord figurait un nouveau site doublement à la pointe de la technologie dans le Gloucestershire, une région au sud-ouest de l’Angleterre.

Toutefois, ce qui avait été oublié dans le communiqué de presse, mais qui avait toujours été mentionné dans le passé, c’était la question de la plus importante firme d’armement privée d’Israël, Elbit Systems. Ce n’est guère surprenant, considérant que la firme est la cible principale de Palestine Action et que son image est devenue toxique.

La présence d’Elbit dans nos confins est venue de la proximité historique et politique des deux pays. Fabriquer des armes en Grande-Bretagne a rendu la destruction de la Palestine plus lucrative et, ainsi donc, des usines ont littéralement jailli dans nos villes et villages.

En 2020, la firme opérait à Oldham, Tamworth, Shenstone, Leicester et dans le Kent, avec des bureaux à Bristol et Londres, et elle travaillait aux côtés de l’armée britannique dans trois bases différentes.

Depuis la création de Palestine Action, plus de 280 activistes ont participé à des actions directes impliquant d’organiser des blocages, de grimper sur les toits d’Elbit, de pénétrer à l’intérieur de ses bâtiments et de détruire ses armes. Cette action directe ininterrompue a forcé Elbit à dépenser ses profits comme de l’eau dans de meilleures clôtures, de nouveaux travaux de maçonnerie, le remplacement de fenêtres, le renforcement de la sécurité, des éclairages plus brillants et un accroissement de la surveillance.

 

Un environnement hostile

Sa capacité à fonctionner et à maintenir sa productivité sous la pression des interruptions régulières de Palestine Action a été sévèrement touchée. La société a été forcée d’abandonner son usine d’Oldham (près de Manchester), ses bureaux de Londres et approximativement 350 millions de USD en contrats avec le ministère de la Défense.

La perte des contrats n’est pas venue d’un revirement soudain de la boussole morale du gouvernement britannique. Elbit est moins bienvenu que jamais parce que, dans ce pays, des gens courageux acceptent de sacrifier leur liberté pour perturber la société, lui faire honte et la détruire.

Dans une tournure comique des événements, Elbit s’est essayé à des changements de stratégies. Pour l’instant, la firme tente de nier qu’elle est une firme d’armement israélienne.

Dans sa tentative de se sauver, la firme est allée très loin pour se distancier d’elle-même. Tout ceci serait risible si la firme n’était pas si meurtrière.

Des firmes similaires voyant la résistance qu’Elbit a dû affronter, affronte encore et continuera à affronter, ainsi que son rejet embarrassant, au point de faire grincer les dents, de toute connexion avec Israël – alors que, naguère, la firme s’en vantait haut et fort – ne peuvent prétendre qu’il ne s’est rien passé. Elles comprendront certainement que travailler avec Israël n’a rien d’une « bonne », ni même « intelligente » décision commerciale à prendre.

Palestine Action contribue à transformer la Grande-Bretagne en environnement hostile pour toutes les sociétés qui tirent du profit de l’oppression du peuple palestinien ou de qui que ce soit, à ce propos.

Ce qui a débuté par une petite poignée de gens qui s’en sont pris à l’industrie israélienne de l’armement, est devenu tout un réseau de centaines et bientôt de milliers de personnes.

Le désir de rallier le combat et, finalement, de débarrasser la Grande-Bretagne d’Elbit Systems, commence le 1er mai.

Palestine Action va assiéger une usine d’armement israélienne dans la ville anglaise de Leicester. Dénommée UAV Tactical Systems, l’usine est la propriété d’Elbit et de la société française Thales.

Le site fabrique et assemble le drone Watchkeeper – une version remodelée du vieil Hermes 450 d’Elbit, utilisé extensivement lors des offensives mortelles d’Israël contre Gaza. Lancé sur le marché avec des slogans comme « testé au combat » ou « efficacité prouvée au combat », le drone a été développé par le biais d’expérimentations directes sur le peuple palestinien.

L’usine de Leicester se vante ouvertement de ce que ses drones ont effectué 100 000 heures de vol en Afghanistan et en Irak, avec l’aide du projet impérialiste américano-britannique qui a abouti à la destruction des deux pays. Ailleurs, le même engin volant est utilisé par l’Autorité de l’Aviation civile du Royaume-Uni pour militariser la partie anglaise de la Manche et contrôler les migrants qui cherchent refuge au Royaume-Uni.

En mai 2021, lors de l’Intifada de l’Unité en Palestine, qui a vu des organisations de résistance s’allier pour s’opposer à l’offensive israélienne contre Gaza et contre les expulsions de Sheikh Jarrah à Jérusalem, quatre volontaires de Palestine Action ont escaladé le toit d’UAV Tactical Systems.

Le service des pompiers a refusé d’éloigner les protestataires du toit, quand la police leur a demandé de le faire, et la communauté de Leicester s’est amenée en grands nombres pour bloquer les véhicules de la police. L’un dans l’autre, grâce aux activistes sur le toit, au service des pompiers et à la communauté, l’usine a été fermée et mise hors d’état de fonctionnement pendant six jours.

Cette fois, nous ne nous en irons pas tant qu’Elbit ne sera pas parti lui-même.

Les pompiers solidaires avec les protestataires de l’usine d’armes israéliennes (Photo : Palestine Action)

Les pompiers solidaires avec les protestataires de l’usine d’armes israéliennes (Photo : Palestine Action)

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Huda Ammori est cofondatrice de Palestine Action.

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Publié le 11 avril 2023 sur The Electronic Intifadah
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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