Princeton le confirme : Le voyage d’Elizabeth Tsurkov en Irak n’était pas autorisé

L’Université de Princeton a confirmé qu’elle n’avait pas fait d’exception pour Elizabeth Tsurkov dans son interdiction stricte de laisser des étudiants se rendre en Irak pour y effectuer des recherches.

 

Le 17 juillet, des membres du Comité des prisonniers palestiniens se sont rassemblés à l’extérieur du bureau de la Croix-Rouge à Gaza afin d’insister auprès du gouvernement irakien pour que soient inclus les prisonniers palestiniens des prisons israéliennes dans tout échange futur avec la vétérane des renseignements de l’armée israélienne, Elizabeth Tsurkov, portée manquante en Irak depuis le mois de mars.

Le 17 juillet, des membres du Comité des prisonniers palestiniens se sont rassemblés à l’extérieur du bureau de la Croix-Rouge à Gaza afin d’insister auprès du gouvernement irakien pour que soient inclus les prisonniers palestiniens des prisons israéliennes dans tout échange futur avec la vétérane des renseignements de l’armée israélienne, Elizabeth Tsurkov, portée manquante en Irak depuis le mois de mars. (Photo : Majdi Fathi / NurPhoto via ZUMA Press)

 

Ali Abunimah, 29 août 2023

Ceci corrobore un précédent reportage de The Electronic Intifada (voir « Ce que nous savons d’Elizabeth Tsurkov », par Ali Abunimah, 13 juillet 2023, repris par Charleroi pour la Palestine, NdT), qui disait que Tsurkov, une vétérane des renseignements militaires israéliens, ne pouvait pas avoir été en Irak dans ce but – comme l’ont prétendu le gouvernement israélien et ses partisans – au moment de sa disparition en mars.

Quand les infos sur la disparition de Tsurkov ont été largement connues, au début juillet, le cabinet du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a confirmé que la femme aux deux nationalités (israélienne et russe) avait disparu en Irak depuis plusieurs mois et il a prétendu qu’elle était aux mains d’une milice chiite irakienne.

« C’est une universitaire qui s’est rendue en Irak avec son passeport russe, de sa propre initiative, afin de poursuivre un travail de doctorat et de recherche universitaire pour le compte de l’Université de Princeton, aux EU »,

a affirmé le cabinet de Netanyahou.

Dans un article d’opinion publié dans NJ.com la semaine dernière, la sœur de Tsurkov, Emma Tsurkov a réitéré son affirmation et accusé Princeton de n’en avoir pas fait assez pour obtenir la libération d’Elizabeth.

« Alors que ma sœur ne peut être une citoyenne américaine ni une titulaire de carte verte, elle est étudiante en doctorat à Princeton et résidente de l’État du New Jersey »,

a écrit Emma Tsurkov.

« Ainsi donc, quand j’ai appris que Princeton tentait de se distancier de toute responsabilité dans la situation d’Elizabeth – rejetant les requêtes que j’avais adressées à l’université afin qu’elle sorte une déclaration publique affirmant que ma sœur est une étudiante diplômée et qu’elle faisait de la recherche à Bagdad pour sa thèse – je n’ai pas pu comprendre pourquoi. »

« Non seulement Princeton est le foyer et la communauté académique de ma sœur, mais l’université a approuvé ses recherches et les a même financées »,

a prétendu Emma Tsurkov.

Cette allégation est appuyée par d’autres personnes qui, à l’instar d’Elizabeth Tsurkov, ont été les promoteurs oraux de la guerre par procuration soutenue par les Américains en vue de renverser le gouvernement syrien, tel, par exemple, le « penseur » britannique Charles Lister.

 

Emma Tsurkov déclare qu’elle a

« appris de la part de personnalités du gouvernement américain que les responsables de Princeton les avait poussées à croire que ma sœur opérait de son propre chef ».

Emma Tsurkov a également lancé ses flèches contre Amaney Jamal, le professeur palestino-américain qui sert de conseiller de Tsurkov dans sa quête d’un doctorat. Emma prétend que sa sœur Elizabeth lui a dit que Jamal avait approuvé son intention de se livrer à des recherches en Irak.

« En effet, nous avons eu de longues conversations à propos du bonheur éprouvé par Elizabeth du fait qu’elle travaillait avec le Dr Jamal – elle était particulièrement reconnaissante de ce que le Dr Jamal manifestait un intérêt personnel pour le travail sur le terrain qu’elle menait en Irak »,

a affirmé Emma Tsurkov.

Mais, même si c’était vrai, Jamal – qui, précédemment, n’avait pas répondu aux demandes de commentaire de The Electronic Intifada – n’avait aucune autorité pour enfreindre l’interdiction absolue de l’université de voyager en Irak.

L’Irak est l’un de la bonne vingtaine de pays de « catégorie X » que l’université estime bien trop dangereux pour des voyages estudiantins ou facultaires.

 

« Pas d’exception »

En réponse aux accusations d’Emma Tsurkov, Princeton a finalement confirmé qu’Elizabeth Tsurkov n’était pas en Irak pour effectuer des recherches pour sa thèse dans le cadre d’études approuvées par l’université.

Le porte-parole de l’Université de Princeton, Michael Hotchkiss, a déclaré dans le journal du campus The Daily Princetonian que

« les voyages universitaires en Irak n’étaient pas autorisés pour les étudiants (qu’ils soient diplômés ou du premier cycle) et il n’y avait pas d’exception ».

Lors de ses séjours en Irak, Tsurkov avait dissimulé son identité israélienne et s’était faussement fait passer pour une chercheuse russe sympathisant avec le mouvement politique chiite dirigé par Muqtada al-Sadr. Elle cherchait à interviewer des activistes et dirigeants de ce mouvement.

En fait, Tsurkov a très longtemps affiché un point de vue hostilement anti-chiite et a publiquement soutenu l’intervention militaire américaine dans la région, particulièrement contre la Syrie.

 

Des Russes arrêtés pour espionnage au Liban

Il est également apparu que Tsurkov avait passé plusieurs mois au Liban, où elle était entrée avec un passeport russe en utilisant le nom d’Elizaveta Tsurkova.

« Les responsables libanais de la sécurité enquêtent pour l’instant sur les identités des personnes avec qui Tsurkov a communiqué au Liban et quoi pourraient avoir facilité sa visite »,

a rapporté le mois dernier la publication The Cradle, citant sans les nommer des sources officielles au Liban.

Le Liban reste en guerre avec Israël et interdit formellement sur son territoire non seulement l’entrée d’Israéliens mais aussi celle de toute personne ayant un cachet israélien sur son passeport.

Étant donné la grave menace qu’Israël continue de poser pour le Liban, les responsables de la sécurité du pays sont extrêmement vigilants à propos d’espions potentiels.

La chose a été soulignée tout récemment lors de l’arrestation au Liban d’un couple de citoyenneté russe que les autorités accusent d’espionnage pour le compte d’Israël.

Le journal libanais Al-Akhbar a affirmé que le couple, dont le nom n’a pas été cité, avait reconnu la nature de ses activités.

Selon le journal, le couple avait pour mission d’espionner des sites concernant le Hezbollah, la puissante organisation de résistance libanaise qui a humilié à plusieurs reprises l’armée israélienne sur les champs de bataille.

 

De la complaisance

Alors qu’on ne voit toujours pas clairement pourquoi, en fait, Tsurkov s’est rendue en Irak et au Liban, il ne fait pas de doute qu’elle et ses contacts locaux se sont exposés à un grave danger : Il est illégal pour les Irakiens d’avoir le moindre contact avec Israël et c’est un crime qui peut être punissable de mort.

Tsurkov a également reconnu précédemment que le fait pour des Israéliens de rencontrer des personnes dans certains pays sans révéler qu’ils sont israéliens témoigne à tout le moins d’un manque d’éthique.

Les scènes régulières de dirigeants arabes non élus batifolant avec des dirigeants israéliens ont débouché dans de nombreux milieux sur de la complaisance dans les attitudes envers l’apartheid colonial, lesquelles se seraient adoucies, parmi les gens de la région.

Mais ce n’est pas le cas, comme l’a montré la débâcle en Lybie cette semaine. Après que le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, a révélé qu’il avait rencontré son homologue libyen Najla El Mangoush à Rome la semaine dernière, des protestations véhémentes ont éclaté à Tripoli et dans d’autres villes libyennes.

El Mangoush a fui la Libye pour la Turquie et a ensuite été déboulonné, au beau milieu d’une série d’appels pour que le gouvernement libyen démissionne dans sa totalité.

Les EU étaient furieux contre Israël, paraît-il, pour avoir fait état de cette rencontre.

Comme l’a fait remarquer The New York Times,

« malgré tout le tintamarre qui a accompagné les accords de normalisation mis sur pied par les EU entre Israël et trois pays arabes ces quelques dernières années, une grande partie du monde arabe reste profondément hostile à Israël et dévouée à la cause palestinienne ».

 

*****

Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

              *****

Publié le 29 août 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...