Les mensonges de Lior Haiat, manipulateur d’opinion au profit d’Israël

Lior Haiat, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, a porté une accusation extraordinaire contre l’Afrique du Sud, en prétendant que l’État anti-apartheid « fonctionnait en tant que bras juridique de l’organisation terroriste du Hamas ».

 

Lior Haiat, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, a tenu une conférence de presse après que, le 11 janvier, l’Afrique du Sud a présenté son dossier sur le génocide à la Cour internationale de justice.

Lior Haiat, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, a tenu une conférence de presse après que, le 11 janvier, l’Afrique du Sud a présenté son dossier sur le génocide à la Cour internationale de justice. (Photo : Robin Utrecht / ANP)

 

Michael F. Brown, 16 janvier 2024

Cette accusation est sans fondement, en fait. Son effort en vue de saper la solidarité palestino-sud-africaine et de matraquer une équipe juridique qui a inspiré des millions de personnes dans le monde entier souligne pourquoi tant de gens sont perturbés par la façon dont opère Israël dans les territoires palestiniens occupés ainsi que sur la scène mondiale.

 

Israël, convient-il de rappeler, a longtemps entretenu d’étroites relations avec l’Afrique du Sud de l’apartheid et ses dirigeants blancs.

En tant que pays venu à bout de la domination de l’apartheid, l’Afrique du Sud est particulièrement bien placée pour présenter le dossier du génocide contre Israël, ce praticien moderne de l’apartheid, tel qu’il a été élaboré par des organisations crédibles des droits humains opérant en Palestine, en Israël et au niveau international.

Haiat n’est pas un personnage crédible, pour lancer de telles accusations.

N’empêche que, jeudi dernier, CNN a consciencieusement répété à deux reprises au moins l’allégation de Haiat et qu’il n’a en aucun cas fait de commentaire à propos de l’absence absolue de preuve.

 

Le palmarès de Haiat

Ces dernières semaines, et au fil des années, d’ailleurs, Haiat y est allé de nombreuses accusations fausses sur X (anciennement Twitter). Il a également amplifié les fausses accusations d’autres personnes en les publiant à nouveau.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a appris qu’il n’y avait pas de répercussions pour les mensonges et les fausses déclarations.

Enragé, Haiat tweetait le 14 octobre contre « ces personnes qui parlaient de ‘proportionnalité’ quand des bébés israéliens étaient assassinés et brûlés vifs ». Ce tweet suggérait qu’il n’y eût pas de limites à la riposte d’Israël, ce qui, précisément, a fait qu’Israël s’est retrouvé sur la sellette à La Haye en raison des inquiétudes sud-africaines quant à son intention de perpétrer un génocide.

 

Un peu plus tard, ce même mois d’octobre, Haiat accusait l’organisation Save the Children (Sauvez les enfants) de soutenir le Hamas.

« Le 7 octobre, il n’y a pas eu de violence contre les enfants des deux camps ! », aurait-il prétendait. « Uniquement contre les enfants israéliens ! »

 

 

Mais Defense for Children International – Palestine (DCI-P) a fait savoir que l’armée israélienne avait tué au moins 13 enfants à Gaza, le 7 octobre. Ce jour-là, les forces israéliennes avaient également tué un autre enfant palestinien en Cisjordanie occupée.

Haiat non seulement avait les faits contre lui à propos du 7 octobre et des enfants palestiniens également tués ce jour-là, mais en republiant un tweet du 28 octobre émanant de l’autoproclamé expert en terrorisme Dani Lerer, il montrait un manque de cœur total à l’égard des enfants palestiniens tués durant les trois semaines qui avaient suivi le 7 octobre. DCI-P avait avancé le chiffre de 3 195 enfants palestiniens tués dans cette période et d’au moins un millier d’autres portés manquants sous les décombres des bombardements israéliens.

Le porte-parole a également fait circuler des mensonges et des informations non vérifiées à propos du 7 octobre, lorsqu’il a republié ce tweet ainsi qu’une vidéo en provenance d’un compte Twitter/X géré par le ministre israélien des Affaires étrangères :

Il n’y a pas eu 40 bébés israéliens « tués et brûlés » le 7 octobre. C’était de la propagande sur les atrocités censée attiser la colère des politiciens occidentaux contre les Palestiniens et préparer la voie à l’écrasante violence d’Israël. Il s’agissait d’une approche irresponsable qui pouvait amener la Cour internationale de justice à décider qu’Israël avait bel et bien commis un génocide à Gaza.

The Times of Israel faisait remarquer au début décembre que deux enfants israéliens en bas âge avaient été tués le 7 octobre en même temps que 12 autres enfants de moins de 10 ans – et non 40 bébés. L’Agence France-Presse a rapporté que 36 enfants avaient été tués dans des attaques dirigées par le Hamas.

The Electronic Intifada, toutefois, a contribué à dénoncer le fait que c’étaient les tirs d’un char israélien qui avaient tué la citoyenne israélienne de 12 ans, Liel Hatsroni, le 7 octobre, au kibboutz de Be’eri. Son frère jumeau, Yanai, avait vraisemblablement été tué par un tir du char israélien ou par des tirs croisés.

Haiat a également republié une propagande similaire à propos d’atrocités telle qu’elle avait été présentée par l’écrivaine J.K. Rowling, disant que le Hamas avait tué 40 bébés. Aussi bien Haiat que Rowling ont contribué de façon irresponsable à fomenter l’environnement meurtrier qui a valu à Israël d’être appelé à comparaître devant la CIJ.

La vidéo du ministère des Affaires étrangères citée plus haut et republiée par Haiat prétendait à tort elle aussi que « 1 400 Israéliens avaient été tués ». En fait, la plupart des sources d’information américaines affirment aujourd’hui que 1 200 Israéliens ont été tués ce jour-là, lors de l’attaque dirigée par le Hamas, encore que ces sources ne fassent généralement pas remarquer qu’un certain nombre de personnes ont été tuées par les forces israéliennes.

De ces 1 200 tués, une correction du New York Times dit que le Hamas « a tué 1 200 personnes, selon les autorités israéliennes, et non 1 200 civils. Plus de 300 soldats et policiers se trouvaient parmi les gens qui ont perdu la vie. »

L’Agence France-Presse rapporte toutefois que 1 139 personnes ont été tuées le 7 octobre lors de l’attaque dirigée par le Hamas et que 695 d’entre elles étaient des civils israéliens.

Haiat n’a pas supprimé ni corrigé ses nombreux tweets ou republications citant des chiffres erronés.

Apparemment partisan de la dépossession des Palestiniens de plus de terres encore, Haiat a republié cette affirmation du gouverneur de Floride, Ron De Santis disant qu’Israël inclut la Cisjordanie en tout ou en partie ou, pour reprendre les termes du gouverneur, « les communautés israéliennes en Judée et en Samarie ».

Haiat s’est également vanté d’efforts en vue de bloquer le mouvement non violent de boycott, de désinvestissement et de sanction pour la liberté et l’égalité des droits des Palestiniens.

 

Quand la violence en tant que moyen de s’assurer des droits se mue en impasse, la violence devient dès lors plus probable. Haiat a tiré une grande satisfaction de ce travail, à l’époque, et il est peu probable que grand-chose ait changé aujourd’hui, même avec les gens du monde entier qui considèrent avec horreur la façon dont Israël poursuit ce que l’Afrique du Sud – et peut-être d’ici peu la CIJ – estime être un génocide à Gaza.

Un bien trop grand nombre de civils ont été tués dans les deux camps. Le dossier de l’Afrique du Sud, toutefois, pourrait bien montrer clairement aux gens du monde entier jusqu’à quel point, précisément, Israël a poussé les choses – et ce, depuis des décennies, avec sa politique d’apartheid et d’occupation.

Semer l’apartheid et le génocide est une cause perdante dans une grande partie du monde. Néanmoins, avec de nombreux politiciens américains et européens, Haiat continue de disposer d’une audience bienveillante.

*****

Publié le 16 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

 

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...