Pourquoi suis-je bloqué par la Belgique ?

Mise à jour

Suite à la publication de cet article, l’ambassade de Belgique à Tel-Aviv m’a débloqué sur Twitter. Je continuerai donc à lui demander des comptes.

Ali Abunimah, le 17 janvier 2020

Les hauts responsables belges n’apprécient pas que l’on mette en question la complicité de leur gouvernement dans les crimes d’Israël.

Article original

Les médias sociaux peuvent être un outil puissant pour mettre en lumière les actes répréhensibles des gouvernements.

Ces dernières années, j’ai utilisé Twitter pour attirer l’attention sur la complicité de l’Union européenne et de ses États membres avec le régime d’occupation brutale, d’apartheid et de colonialisme d’implantation d’Israël.

Ces gouvernements utilisent les médias sociaux pour diffuser de la propagande présentant leurs activités comme bénignes.

On peut donc comprendre qu’ils n’aiment pas que des journalistes ou des critiques mettent le doigt sur leur hypocrisie – particulièrement à propos de leur défense supposée des droits de l’homme, alors qu’en fait ils sont tranquillement de mèche avec des criminels de guerre et des tueurs à sang froid.

Sur Twitter, j’ai été bloqué par Hélène Le Gal alors qu’elle était ambassadrice de France à Tel-Aviv.

Je suis bloqué par Jon Hanssen-Bauer, ambassadeur de Norvège en Israël.

Quand un abonné de Twitter vous bloque, il vous devient très difficile de voir, de répondre ou de retweeter à ce qu’il poste. C’est utile si quelqu’un devient injurieux à votre égard.

Mais, si la personne qui vous bloque est une personnalité officielle publique, elle encombre d’un gros obstacle les moyens dont vous disposez de lui demander des comptes.

L’an dernier, j’ai été bloqué brièvement aussi par l’ambassade de l’UE à Tel-Aviv – bien que j’aie été débloqué ensuite et qu’un porte-parole de l’UE ait prétendu que j’avais été bloqué « non intentionnellement ».

Pendant plus d’un an, j’ai été bloqué par le plus célèbre usager de Twitter sur terre : le président Donald Trump.

Toutefois, des dizaines d’autres personnes et moi-même avons été débloqués après la victoire dans un procès intenté contre Trump par le Knight First Amendment Institute à l’Université de Columbia.

Bloquer la responsabilisation

Les juges fédéraux ont défendu un principe important : les mandataires politiques utilisant les médias sociaux dans leur rôle gouvernemental violent les droits constitutionnels de la libre expression s’ils bloquent des membres du public en raison de leurs opinions.

Alors qu’elle n’est contraignante que pour les responsables politiques américains, cette règle devrait instruire également tout responsable prétendant représenter un gouvernement démocratique.

Pourtant, cette semaine, j’ai été bloqué par @BelgiumInIsrael, le compte Twitter officiel de l’ambassade de Belgique à Tel-Aviv.

J’ai longtemps utilisé Twitter pour remettre en question le soutien belge à Israël du fait que ce dernier commet des crimes contre les Palestiniens.

Récemment, par exemple, j’ai soulevé des objections quant à la façon dont l’ambassade de Belgique à Tel-Aviv faisait la promotion d’un concert de collecte de fonds pour le Fonds national juif (FNJ), une organisation raciste soutenue par l’État israélien et profondément impliquée dans l’épuration ethnique des Palestiniens de leur terre :

Tweet d’Ali Abunimah :

« Ce concert du propagandiste du gouvernement israélien, Idan Raichel, est sponsorisé par le KKL (FNJ), une entité qui vole et colonise les terres palestiniennes occupées et ce, en violation des lois internationales. Pourquoi la Belgique soutient-elle des crimes de guerre ? »

J’ai écrit au ministère belge des Affaires étrangères pour demander pourquoi j’avais été bloqué et quelles étaient les lois ou mesures permettant à des responsables officiels publics de bloquer des journalistes ou des critiques.

La réponse du ministère des Affaires étrangères n’expliquait pas pourquoi j’avais été bloqué, pas plus qu’elle n’engageait les responsables politiques belges à s’abstenir de ces pratiques profondément antidémocratiques.

Elle répétait toutefois les prétentions au sujet du soutien belge supposé aux droits de l’homme – le type de mensonges qu’il convient en permanence de contester.

Il est vrai qu’il arrive parfois à la Belgique d’exprimer sa colère quand, par exemple, les forces israéliennes d’occupation démolissent des projets financés par la Belgique au profit des Palestiniens en Cisjordanie occupée.

Mais de faibles mots de protestation n’ont aucun impact sur un régime d’État voyou comme celui d’Israël, particulièrement quand la Belgique et d’autres États de l’UE continuent à récompenser Israël pour ses crimes via une coopération plus proche et l’encouragement des relations commerciales, y compris avec l’industrie militaire israélienne.

Le commerce létal de la Belgique

Des rapports gouvernementaux font état de ce la Belgique entretient un commerce dynamique d’armes létales avec Israël.

En 2013, par exemple, la Belgique a acheté pour plus de 10 millions de USD de mitrailleuses auprès du fabricant d’armes israélien Rafael.

Durant le premier semestre de 2016, l’armée belge a dépensé plus de 2 millions de USD en fusils, lance-flammes, lance-grenades et munitions en provenance directe d’Israël.

En 2017, l’armée belge a acheté à Israël les mêmes types d’armes pour au moins 1 million de USD encore.

Ces exemples ne constituent en fait qu’une toute petite partie du tableau.

En 2015, Elbit Systems, le plus grand fabricant d’armes israélien, a décorché un contrat de 150 milions de USD afin de fournir du matériel – désigné sous le terme de « smart vests » – aux armées belge, hollandaise et luxembourgeoise.

Elbit a également fourni à la Belgique des tourelles d’armes automatiques destinées à ses véhicules blindés.

Par le biais d’une filiale belge, Elbit a récemment fait une offre – bien que sans succès – en vue d’un important contrat de livraison de navires poseurs de mines aux marines de guerre belge et hollandaise.

Il ne fait pas de doute que toutes ces armes ont été « testées sur le terrain » et « au combat » – comme s’en vante souvent l’industrie de guerre israélienne – pendant des décennies d’occupation militaire et d’agression contre les Palestiniens, les Libanais, les Syriens et autres peuples de la région.

Et le commerce de mort se poursuit dans les deux sens : En 2017, par exemple, la Belgique a transféré vers Israël toute une technologie de repérage de cible et d’autres systèmes d’armes pour une valeur d’environ 2 millions de USD.

Ceci comprenait des « ordinateurs utilisés pour les bombardements, des fusils et des systèmes de contrôle pour armes à feu ».

Il n’est donc guère étonnant que les hauts responsables belges n’apprécient pas qu’on remettre en question leurs fausses prétentions disant qu’ils sont les champions des droits de l’homme et les partisans de la paix pour les Palestiniens.

Mais le fait de nous bloquer ne réduira pas les critiques au silence, et particulièrement celles émanant des citoyens belges qui résistent avec succès à la complicité de leur pays dans les crimes israéliens.


Publié le 17 janvier 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Mise en page : la rédaction de ce site. Plus de tweets cités dans la publication originale.

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