“L’éternité du figuier de barbarie” Mahmoud Darwich

Écrit en 1995, ce poème évoque l’enfance de Mahmoud Darwich marquée par l’exil et la douloureuse découverte de la disparition du village natal.

L’éternité du figuier de barbarie

– Où me mènes-tu père ?
– En direction du vent, mon enfant

À la sortie de la plaine où les soldats de Bonaparte édifièrent une butte
Pour épier les ombres sur les vieux remparts de Saint-Jean-d’Acre
Un père dit à son fils : N’aie pas peur
N’aie pas peur du sifflement des balles
Adhère à la tourbe et tu seras sauf. Nous survivrons
Gravirons une montagne au nord, et rentrerons
Lorsque les soldats reviendront à leurs parents au lointain

– Qui habitera notre maison après nous, père ?
– Elle restera telle que nous l’avons laissée mon enfant

Il palpa sa clé comme s’il palpait ses membres et s’apaisa
Franchissant une barrière de ronces, il dit
Souviens-toi mon fils. Ici, les Anglais crucifièrent ton père deux nuits durant sur les épines d’un figuier de Barbarie
Mais jamais ton père n’avoua. Tu grandiras
Et raconteras à ceux qui hériteront des fusils
Le dit du sang versé sur le fer

– Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?
– Que la maison reste animée, mon enfant. Car les maisons meurent quand partent leurs habitants

Traduit de l’arabe par Elias Sanbar in Mahmoud Darwich. Anthologie (1992-2005), Actes Sud, 2009.

Extrait de l’article Poésie arabe : “Les dix auteurs classiques et modernes à lire absolument”

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