L’EU cède aux exigences de l’extrême droite concernant l’aide à la Palestine

Borrell souligne, en réponse à l’extrême droite, la forme extrême de contrôle politique auquel l’UE soumet les Palestiniens.

David Cronin, 7 octobre 2020

Borrell cède à l'extrême droite

Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’UE, a introduit une forme extrême de contrôle politique des bénéficiaires de l’aide à la Palestine. (Photo : Olivier Hoslet Reuters)

Depuis près de deux décennies, on retrouve toujours un élément de pantomime, dans les relations entre l’Union européenne et Israël.

C’est le cas chaque fois qu’un homme politique ou un groupe de pression pro-israélien accuse l’UE de financer le « terrorisme » des Palestiniens.

« Mais non, nous ne faisons rien de tel »,

répond un représentant de l’UE – ou des mots du même genre – pour s’entendre rétorquer

« Bien sûr que si, vous le faites ! »

par l’accusateur.

Habituellement, l’échange de cris se poursuit dans la même veine pendant un bout de temps, puis s’éteint pour reprendre de plus belle quand plus personne ne s’y attend vraiment. Le public entend de nombreuses insinuations, mais aucun fait grave et réel n’est proposé.

Bien que l’UE ait été particulièrement sensible à la critique, elle n’a cessé de financer les Palestiniens qui entreprennent tout un travail grandement désapprouvé par Israël et son réseau de lobbying.

Il s’avère que tout cela est en train de changer.

Dans un passé récent, la bureaucratie de Bruxelles a permis à cette pantomime d’influencer la politique. Il en résulte que les activistes en faveur des droits palestiniens éprouvent aujourd’hui plus de difficultés à obtenir des fonds.

Des hommes politiques d’extrême droite jouent désormais un rôle de premier plan dans cette même pantomime.

J’ai introduit une requête au nom de la liberté d’information pour retrouver la correspondance adressée à Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’UE, à propos de l’aide accordée aux organisations palestiniennes. Le bureau de Borrell n’a identifié que deux lettres qu’il avait reçues à ce propos au cours de l’année écoulée.

Toutes deux venaient de groupes transpartisans au sein du Parlement européen. L’un des groupes était dominé par des hommes politiques d’extrême droite, l’autre pouvait être considéré comme plus centriste.

Les contenus de ces lettres étaient largement similaires, bien qu’on puisse distinguer une différence dans les réponses de Borrell. Il tentait davantage de rassurer le groupe dominé par l’extrême droite que celui surtout composé de centristes.

Dans sa réponse au groupe dominé par l’extrême droite, Borrell insistait sur le fait que la bureaucratie de Bruxelles n’avait jamais reçu

« le moindre rapport motivé mentionnant le moindre soupçon de déviation de fonds à des fins terroristes dans les territoires palestiniens ».

Borrell soulignait néanmoins la forme extrême de contrôle politique auquel l’UE soumet les Palestiniens.

Borrell faisait référence aux clauses récemment introduites dans les contrats entre l’UE et les bénéficiaires de son aide.

« Ces règles rendent la participation d’entités, d’individus ou de groupes affiliés à des organisations terroristes ou les soutenant incompatible avec le moindre financement de la part de l’UE »,

affirmait-il.

Sur une liste noire

Des nombres énormes – peut-être même la majorité – de Palestiniens seraient considérés comme non admissibles, si l’approche de Borrell devait être appliquée de façon stricte.

L’UE a désigné comme « terroriste » chaque groupe significatif résistant à l’occupation brutale d’Israël.

Sur sa liste noire, figurent le Hamas, le Djihad islamique et le Front populaire pour la libération de la Palestine.

Une distinction minime a été faite pour le Fatah, qui exerce le gros de son influence sur l’Autorité palestinienne. Alors que l’aile politique du Fatah est tenue en dehors de la liste noire, son aile armée, les Brigades des martyrs d’al-Aqsa, y figure bel et bien.

Selon les lois internationales, les Palestiniens ont le droit de résister à l’occupation de leur terre. Non seulement Borrell leur refuse ce droit, mais il se fait également l’écho du point de vue d’Israël, qui taxe toute résistance qu’il rencontre de « terrorisme ».

En sortant sa réponse, Borrell soulignait que l’UE avait décidé au plus haut niveau de ne pas tolérer les Palestiniens qui s’obéissent pas à leurs oppresseurs.

Ses commentaires étaient en désaccord avec la ligne plus nuancée adoptée plus tôt cette année par Sven Kühn von Burgssdorff, l’envoyé de l’UE en Cisjordanie occupée et à Gaza.

Von Burgssdorff avait dit à tout un réseau d’organisations palestiniennes que des individus qui sympathisaient avec des groupes repris sur la liste noire pouvaient participer à des projets d’aide pourvu que ces mêmes individus n’étaient pas eux-mêmes sanctionnés par l’UE.

Les vies palestiniennes ne comptent pas

La lettre susmentionnée en provenance du groupe dominé par l’extrême droite avait été rédigée par deux membres du Parlement européen : Anna Fotyga du parti polonais Droit et justice – un parti qui barbote dans la négation de l’Holocauste – et Charlie Weimers, des Démocrates de Suède.

Il s’avère que ce duo est très à l’aise avec certains types de violence. Tous deux se sont opposés à un appel lancé par le Parlement européen en vue de restreindre les ventes d’armes à l’Arabie saoudite.

En prenant cette position, ils facilitent la poursuite d’une guerre au Yémen qui a provoqué l’une des pires crises humanitaires du monde.

Weimers a indiqué qu’il sympathisait avec les suprémacistes blancs qui rendaient la politique américaine de plus en plus toxique.

Il a soutenu des démarches entreprises par l’administration Trump afin de faire cesser l’envoi d’argent fédéral à des programmes de formations antiracistes. Tout en cataloguant les activistes de Black Lives Matter de hooligans, Weimers a tweeté « Debout pour notre civilisation ! »

À l’instar de nombreux racistes, Weimers a utilisé le slogan « all lives matter » (Toutes les vies comptent) – une tactique de diversion répugnante à un moment où des noirs sont tués par la police.

Il semble que les vie palestiniennes ne comptent pas, pour Weimers. Il veut que l’Union européenne cesse d’aider l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens. Les coupes sombres qu’il préconise pourraient très bien priver de soins de santé et d’enseignement des millions de Palestiniens.

Le véritable agenda, ici, c’est qu’un grand nombre de partisans d’Israël ne veulent pas que les Palestiniens reçoivent le moindre financement. Toute initiative visant à sauvegarder la culture palestinienne ou à protéger la subsistance des Palestiniens tend à rencontrer des objections de la part du lobby israélien.

Quelque chose de positif peut néanmoins émerger de la façon dont les organisations palestiniennes des droits de l’homme sont privées de fonds. Ne comptant plus sur des allocations émanant de Bruxelles, ces organisations seront libres – du moment qu’elles peuvent trouver de l’argent ailleurs – de dénoncer les innombrables façons dont l’UE est complice des crimes d’Israël.

Si cela se produit, le rideau pourrait finalement tomber sur la pantomime susmentionnée.


Publié le 7 octobre 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Lisez également : Questions et Réponses sur la clause antiterrorisme de l’UE

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