Les gardes-frontières de l’UE ne posent pas de questions quand ils achètent des drones à Israël

Elbit et IAI (Israel Aerospace Industries) ont tous deux testé leurs drones sur les réfugiés palestiniens – des gens déracinés par les forces sionistes dans les années 1940, ainsi que leurs descendants. Aujourd’hui, le même type de drones donnera la possibilité d’espionner des réfugiés de divers pays au moment où ils s’embarqueront dans leurs périlleux voyages vers les côtes européennes.

David Cronin, 15 janvier 2021

Manifestation contre Frontex, Varsovie, Pologne, 22.5.2015 (Anne Paq, Activestills)

Les médias traditionnels n’ont pas jugé bon d’examiner de près le nouveau contrat important que la Grèce a accordé à une firme d’armement israélienne.

En annonçant qu’elle avait décroché le contrat de 1,7 milliard de USD pour la préparation des forces aériennes, la firme d’armement Elbit Systems s’est vantée de « son savoir-faire confirmé par des tests et de ses technologies qui ont fait leurs preuves ».

Les journalistes qui ont vu ou entendu cette vantardise auraient dû effectuer quelques recherches sur la façon dont le matériel d’Elbit a « fait ses preuves » et dont son savoir-faire a été « confirmé par des tests ». Si les journalistes en question l’avaient fait, ils auraient compris que les drones et équipements de surveillance fournis par Elbit sont utilisés par Israël pour opprimer les Palestiniens.

Ce fait saillant a toutefois été oublié, dans les informations concernant le contrat de la Grèce.

Benny Gantz, le ministre israélien de la Défense, voudrait faire croire à tout le monde que l’arrangement contribuera à la stabilité régionale. Ses affirmations ont été rapportées sans la moindre critique par le journal français Le Monde, même s’il existe de bonnes raisons de croire qu’il mentait.

Apporter le calme ?

Depuis quand Israël a-t-il la réputation d’apporter le calme dans des zones de conflit ?

En tant que chef de l’armée israélienne, Gantz a supervisé l’offensive meurtrière de 2014 contre Gaza. Un homme qui a dirigé des actes d’une violence aussi extrême est difficilement crédible – et c’est un euphémisme – quand il exprime un souhait de stabilité régionale.

Par le biais du nouvel arrangement, Israël choisit ouvertement le camp de la Grèce, et ce, à une époque de tensions accrues avec la Turquie.

Au lieu de favoriser la stabilité, le nouvel arrangement risque de faire dégénérer une situation potentiellement explosive.

Et ce n’est en outre pas la première fois que la Grèce se tourne vers l’industrie israélienne de l’armement.

L’an dernier, les forces aériennes grecques avaient loué des drones Heron construits par une autre firme d’armement, Israel Aerospace Industries (IAI).

Ces drones sont eux aussi un exemple de technologie ayant « fait ses preuves ». C’est avec ces drones qu’Israël a entre autres attaqué des civils à Gaza.

La Grèce est l’un des trois pays sélectionnés par Frontex, l’agence garde-frontière de l’Union européenne, pour accueillir un projet s’appuyant sur des drones.

Dans le cadre de ce projet, Elbit Systems et un partenariat impliquant IAI et la multinationale Airbus se sont vu octroyer un contrat portant sur un montant total de 118 millions de USD.

C’est une logique sordide qui se met à l’œuvre ici.

Elbit et IAI ont tous deux testé leurs drones sur les réfugiés palestiniens – des gens déracinés par les forces sionistes dans les années 1940, ainsi que leurs descendants. Aujourd’hui, le même type de drones donnera la possibilité d’espionner des réfugiés de divers pays au moment où ils s’embarqueront dans leurs périlleux voyages vers les côtes européennes.

« Des gens expérimentés »

Néanmoins, aborder cette logique s’avère tabou, au sein de la direction de Frontex.

Récemment, j’ai introduit une requête au nom de la liberté d’information et dans laquelle je recherchais des détails sur les notes de briefing préparées pour Fabrice Leggeri, le chef de Frontex, à propos des drones construits par Elbit et IAI.

La réponse de Frontex indiquait que les représentants de ces sociétés avaient été invités à l’inauguration officielle de ce projet de drones que l’agence avait organisée en ligne au cours du mois d’octobre.

Une présentation préparée en vue de cet événement compile un étourdissant pot-pourri de jargon sur une dizaine de pages. Plutôt que d’utiliser le terme « drone », la présentation fait allusion à des « systèmes d’avions commandés à distance ».

Un point, cependant, est particulièrement éloquent. Frontex insiste sur le fait que l’équipe qui va commander ces drones est « expérimentée », sans donner plus de détails sur ce que cela signifie.

Rien dans la présentation ne suggère que les opérateurs qui ont acquis de l’expérience en attaquant les Palestiniens seront écartés. Aucun document publié par Frontex ne fait non plus allusion à la façon dont Elbit et IAI ont tiré profit des souffrances infligées aux Palestiniens.

Frontex a l’habitude de s’assommoder des abus envers les droits de l’homme.

Une enquête publiée en 2020 par le magazine Der Spiegel a révélé que le personnel de Frontex est impliqué dans des opérations au cours desquelles les autorités grecques ont refoulé des réfugiés à la mer.

Ces révélations rendent tragiquement grotesques les prétentions de Frontex affirmant que secourir des gens en détresse en mer constitue l’une des « priorités absolues » de l’agence.

Frontex est l’un des rares organes de l’UE qui a le pouvoir d’acheter ou de louer du matériel militaire ou quasi militaire.

L’industrie de l’armement a reniflé un très grand nombre d’opportunités de faire des affaires, dans la cruauté de l’Europe envers les réfugiés. Et il s’avère que les firmes israéliennes sont particulièrement intéressées dans la mise à profit de ce genre d’opportunités.


Publié le 15 janvier 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

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