L’UE conseille les lobbys dans leurs censures des critiques contre Israël

Les garanties de protection de la liberté d’expression sont sans valeur, quand elles émanent des responsables de Bruxelles. En coulisse, ils aident activement les lobbys à réprimer la vérité sur la façon dont Israël est étroitement lié au racisme.

Israël : pas de critique permise. Cartoon : Carlos Latuff

Israël : pas de critique permise. Cartoon : Carlos Latuff

David Cronin, 15 avril 2021

Katharina von Schnurbein devrait vraiment être surnommée la muselière de Bruxelles.

Depuis qu’elle est devenue la coordinatrice de l’UE contre l’antisémitisme, voici plus de cinq ans, elle a attaqué à de très multiples reprises le mouvement de solidarité avec la Palestine. Les calomnies ont été sa tactique principale ; la censure s’est révélée comme son but stratégique.

Via une requête invoquant la liberté d’information, j’ai appris que von Schnurbein a conseillé des avocats pro-israéliens sur la façon d’élaborer une nouvelle législation destinée à assurer la police sur internet.

En juin dernier, von Schnurbein a accepté de discuter de la Loi de l’UE sur les Services numériques – en préparation à l’époque – avec B’nai B’rith, une organisation qui a soutenu la colonisation de la Cisjordanie et d’autres crimes de guerre d’Israël.  

Dans un message par courriel, elle suggérait que le lobby pro-israélien soumette un document aux fonctionnaires européens qui préparaient la loi.

« Une contribution commune de ces organisations juives qui ont publié en 2019 le plan en dix points sur l’antisémitisme serait particulièrement bienvenue »,

avait-elle écrit.

Son insistance était instructive. Les quatre organisations qui ont placé leur nom sous le plan de 2019 sont toutes quatre des partisanes pures et dures d’Israël et de son idéologie d’État, le sionisme.

Bien qu’elle soit vouée nominalement à « favoriser la vie des juifs », von Schnurbein n’a jamais respecté la largeur d’opinion régnant parmi les Juifs européens. Elle et ses collègues ont refusé de permettre à des juifs critiques envers Israël de participer aux délibérations de l’UE sur l’antisémitisme.

Plus de dynamisme

Sous le prétexte de combattre le sectarisme antijuif, le plan de 2019 était une tentative en vue de persuader les institutions de Bruxelles de poursuivre un agenda pro-israélien plus dynamique qu’il ne l’est déjà. Une recommandation disait que l’UE devrait faire dépendre ses relations avec des pays étrangers de la condition que ceux-ci ne soient pas hostiles au sionisme.  

En d’autres termes, il a été dit à l’UE qu’elle ne devrait avoir des liens politiques et économiques qu’avec des États qui acceptent une idéologie sous laquelle les Palestiniens ont été dépossédés au cours du 20e siècle et subissent toujours des discriminations au 21e.

Les quatre organisations en question sont le Congrès juif européen, le Comité juif américain, le Congrès juif mondial et B’nai B’rith.

Comme cela a été recommandé par von Schnurbein, ces mêmes organisations ont soumis un document commun à la Loi sur les Services numériques un peu plus tard, en 2020.

Ce document encourage la définition de l’antisémitisme telle qu’elle a été approuvée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). La nouvelle loi européenne devrait servir de directive dans la façon dont un « contenu antisémite » pourra être identifié et contré par les firmes gérant internet, avec l’aide de cette même définition de l’IHRA, estime le document des groupes de pression.

La définition de l’IHRA confond l’opposition à la politique raciste d’Israël avec la haine des juifs. Ainsi, on ne peut guère douter que l’objectif véritable de ces groupes de pression est de censurer tout matériel disant la pure vérité sur Israël.

La Loi sur les Services numériques a été officiellement proposée en décembre par l’exécutif de l’UE, c’est-à-dire la Commission européenne.

L’un de ses objectifs est d’établir des règles communes pour les 27 pays de l’UE dans leur traitement du contenu en ligne considéré comme illégal.

Le document susmentionné émanant du lobby pro-israélien demande que la nouvelle loi doive s’appliquer non seulement aux importants acteurs comme Facebook et Twitter mais à toutes les sociétés d’internet, y compris les plates-formes alternatives ».  Les effets de cette approche sur la liberté d’expression pourraient être extrêmes.

En tant que fonctionnaire expérimentée de Bruxelles, von Schnurbein sait pertinemment bien comment fonctionne le processus d’élaboration des lois.

Il est significatif qu’elle ait proposé ses conseils à B’nai B’rith plusieurs mois déjà avant que soit en fait proposée la Loi sur les Services numériques. Cela avait pour but de donner aux lobbyistes amplement le temps d’influencer la version initiale de la loi et de décider de ce qu’ils souhaitent obtenir quand la loi proposée serait discutée par le Parlement européen et les divers gouvernements de l’UE.

De la malhonnêteté

La description des tâches confiées à von Schnurbein – lorsqu’elle a repris le poste de coordinatrice en 2015 – ne mentionne pas Israël. En s’efforçant de censurer les opposants du système d’apartheid d’Israël, elle déborde du cadre de son mandat.

Certains des précédents commentaires de von Schnurbein étaient des mensonges flagrants.

Par exemple, elle a prétendu que le chanteur américain Matisyahu avait été mis en épingle par des militants de la solidarité avec la Palestine parce qu’il était juif. En réalité, Matisyahu a été contesté pour avoir collecté des fonds pour l’armée israélienne et avoir soutenu la violence de cette dernière.

Si les réglementations du service civil étaient appliquées correctement, von Schnurbein serait rappelée à l’ordre pour son comportement malhonnête et hautement partial. Pourtant, elle bénéficie du soutien de la hiérarchie de l’UE.

Je me suis plaint de von Schnurbein auprès de cette hiérarchie. Barbara Nolan, responsable de la division dans laquelle von Schnurbein travaille, a rejeté mes doléances parce qu’elles étaient « sans fondement ».

Même si la description des tâches de von Schnurbein ne fait pas une seule fois référence à Israël, Nolan insiste sur le fait qu’elle « accomplit ses tâches conformément aux responsabilités qui lui ont été assignées ».

Dans une décision de l’an dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré qu’un appel à boycotter Israël était de la libre expression et qu’il « requérait donc un degré élevé de protection ».

Nolan prétend que l’UE « tient bon » dans la défense de la jurisprudence du tribunal, y compris le verdict sur le boycott d’Israël.

Pourtant, elle et son équipe, manifestement, ne considèrent pas la défense du droit de plaider en faveur du boycott d’Israël comme une priorité.

Après avoir reçu la lettre de Nolan, j’ai introduit au nom de la liberté d’information une requête en vue de recevoir le matériel de briefing qu’elle avait étudié concernant la décision de la Cour européenne des droits de l’homme et ses implications. Un tel matériel n’existe pas, m’a-t-il été répondu.

Les garanties de protection de la liberté d’expression sont sans valeur, quand elles émanent des responsables de Bruxelles. En coulisse, ils aident activement les lobbyistes à réprimer la vérité sur la façon dont Israël est étroitement lié au racisme.


Publié le 15 avril 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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