Le naufrage d’un bateau frappe durement les réfugiés palestiniens au Liban

Deux douzaines de réfugiés palestiniens au moins, dont la plupart du camp de Nahr al-Bared, dans le nord du Liban, font partie de la centaine de morts découverts après qu’un bateau chargé de demandeurs d’asile et faisant route vers l’Italie a chaviré au large de la côte syrienne la semaine dernière.

24 septembre, camp de réfugiés de Chatila, à Beyrouth, Liban. La mère d’un jeune Palestinien noyé en mer, après qu’un bateau chargé de demandeurs d’asile et faisant route vers l’Italie a chaviré au large de la côte syrienne la semaine dernière, montre une photo de son fils avant ses funérailles. (Photo : Stringer / ZUMA Press)

24 septembre, camp de réfugiés de Chatila, à Beyrouth, Liban. La mère d’un jeune Palestinien mort noyé en mer montre une photo de son fils avant ses funérailles. (Photo : Stringer / ZUMA Press)

Maureen Clare Murphy, 28 septembre 2022

Alors qu’un passeur clandestin a prétendument été arrêté par les autorités libanaises pour le rôle qu’il a joué dans la tragédie, bien des blâmes concernent la façon dont a été créée la situation pénible à laquelle les réfugiés palestiniens et les autres passagers tentaient d’échapper.

Parmi les 24 enfants qui ont péri figuraient deux élèves des écoles gérées par l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, a expliqué un porte-parole de l’agence.

Entre 120 et 170 personnes étaient à bord de l’embarcation, partie de Tripoli, dans le nord du Liban. La plupart étaient syriens, libanais et palestiniens.

Vingt personnes ont survécu et plus encore restent manquantes, selon les médias officiels syriens.

« L’enfer »

« La situation des réfugiés palestiniens au Liban atteint un niveau si désespérant qu’ils sont prêts à risquer leur vie en bateau le long de ces itinéraires dangereux, pourvu qu’il y ait de l’espoir de l’autre côté. Et l’autre côté semble toujours meilleur que ce que nombre d’entre eux décrivent comme l’enfer »,

a expliqué à Al Jazeera Tamara Alrifai, une porte-parole de l’UNRWA.

Les réfugiés palestiniens au Liban sont

« marginalisés, privés de leurs droits, le droit de propriété leur est refusé, de même que certaines professions. L’effondrement économique et financier du Liban, en particulier cette dernière année, a frappé les plus vulnérables d’abord »,

a-t-elle encore dit.

« Les réfugiés palestiniens sont d’autant plus vulnérables (…) qu’en dehors de l’UNRWA, ils n’ont personne qui prenne soin d’eux »,

estime Tamara Alrifai.

De plus, l’UNRWA traverse une crise financière aiguë depuis une décennie environ. Sans l’UNWRA, qui fournit des services scolaires et sanitaires essentiels, les réfugiés palestiniens perdront un dernier vestige de stabilité et de normalité, a mis en garde Tamara Alrifai.

Des millions de Palestiniens, dont ceux qui vivent au Liban, sont restés des réfugiés durant les décennies qui ont suivi la dépossession de la Palestine en 1948.

La législation israélienne accorde au peuple juif le droit exclusif d’entrer dans le pays et d’en recevoir la citoyenneté. Dans le même temps, Israël refuse aux réfugiés palestiniens et aux déplacés internes restés dans le pays le droit de retourner dans leurs foyers et propriétés comme la chose est pourtant stipulée dans les lois internationales.

Comme l’a expliqué Amnesty International,

« depuis sa création en 1948, Israël a poursuivi une politique visant à établir, puis à sauvegarder une majorité démographique juive, et à maximiser le contrôle des terres et des ressources au profit des Israéliens juifs ».

Ainsi donc, dans cette poursuite du système d’apartheid par Israël au service de sa colonisation de la terre palestinienne, les réfugiés palestiniens sont abandonnés dans « un purgatoire perpétuel de déportation forcée », estime Amnesty.

« Poussés jusqu’à l’extrême »

Quelque 27 000 Palestiniens ont été déportés de force de Nahr al-Bared quand le camp a été détruit pendant et après les combats entre l’armée libanaise et un groupe salafiste qui avait infiltré le camp en 2007.

Environ 20 pour 100 des personnes déportées sont restées déracinées et les déplacements pour se rendre dans le camp ou pour en sortir sont contrôlés par l’armée libanaise, ce qui limite grandement la reprise économique.

Le camp a également accueilli des réfugiés palestiniens déportés durant la guerre en Syrie, ainsi que quelques douzaines de familles syriennes, estime l’UNRWA.

En raison de la diminution du soutien des donateurs, l’UNRWA a été forcée de sabrer dans ses services, face aux besoins croissants provoqués par l’addition des crises à Gaza, en Syrie et au Liban. »

« Nous demandons une solidarité complète de la part de la communauté internationale afin de contribuer à améliorer la situation des personnes déportées de force et d’accueillir les communautés au Moyen-Orient, particulièrement dans les pays voisins de la Syrie »,

a déclaré Filipo Grandi, le haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés, après le tragique naufrage de la semaine dernière.

« Trop de gens sont poussés jusqu’à l’extrême »,

a-t-il ajouté.

La solidarité inconstante de la prétendue communauté internationale n’est pas le seul facteur qui contribue à la détérioration de la situation des réfugiés palestiniens.

Outre l’interdiction aux réfugiés palestiniens d’exercer leurs droits depuis des décennies, Israël et ses partisans aux EU s’en sont pris à l’UNRWA et à son mandat. De la sorte, ils espèrent redéfinir le statut des réfugiés palestiniens de manière à ce que leur sort ne reste plus une question en suspens.

Alors que la crise économique au Liban a frappé tous ceux qui vivent dans le pays – le taux de pauvreté a quasiment doublé, passant de 42 pour 100 en 2019 à 81 pour 100 en 2021 –, il a frappé plus durement encore les réfugiés palestiniens, puisqu’il leur est interdit de posséder du bien et de participer à de nombreuses professions.

« Les réfugiés que j’ai rencontrés sont extrêmement désespérés et luttent pour couvrir leurs besoins élémentaires »,

a déclaré Philippe Lazzarini, le directeur de l’UNRWA, après avoir visité le pays en décembre dernier.

« J’ai rencontré de jeunes diplômés dont le seul espoir d’un meilleur avenir est dans l’émigration. Ils connaissent les prix de chaque route de la migration »,

a-t-il ajouté.

Et sans la moindre lueur d’espoir d’un avenir sûr, le coût payé par les gens qui cherchent une existence dans la dignité va grimper de façon insupportable.

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Publié le 28 septembre 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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