Israël vers l’approbation d’un projet de loi sur une peine capitale réservée aux seuls Palestiniens

Ben-Gvir a annoncé toute une série de mesures punitives à l’encontre des prisonniers palestiniens en même temps que, la semaine dernière, les députés de la Knesset déblayaient la voie pour une proposition de loi qui autoriserait l’exécution de Palestiniens qui ont tué des Israéliens.

Gaza, 21 février 2023. Des Palestiniens participent à une manifestation de solidarité avec les détenus des prisons israéliennes.

Gaza, 21 février 2023. Des Palestiniens participent à une manifestation de solidarité avec les détenus des prisons israéliennes. (Photo : Youssef Abu Watfa / APA images)

 

Tamara Nassar,7 mars 2023

Les Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes sont entrés dans leur troisième semaine de désobéissance afin de protester contre les mesures brutales appliquées par le ministre israélien de la police, Itamar Ben-Gvir, de l’ultra-extrême droite.

Le ministre « se bat en se servant de notre pain et de notre eau », ont déclaré les meneurs des prisonniers, faisant ainsi allusion aux punitions auxquelles ils sont soumis et qui comprennent même le rationnement de leurs douches.

Ben-Gvir a annoncé toute une série de mesures punitives en même temps que, la semaine dernière, les députés de la Knesset déblayaient la voie pour une proposition de loi qui autoriserait l’exécution de Palestiniens qui ont tué des Israéliens.

La proposition soutenue par le gouvernement a franchi le cap d’une première lecture à la Knesset, en même temps qu’une autre mesure du même tonneau, peut-on lire dans The Times of Israel. On s’attend à ce que les deux propositions de loi soient réunies en un seul élément de législation.

Si la proposition devenait loi, elle permettrait aux tribunaux de mettre à mort les Palestiniens qui ont tué des Israéliens en répondant à de prétendues motivations nationalistes.

« Toutefois, elle ne s’appliquerait pas à un Israélien qui aurait tué un Palestinien », dit The Times of Israel, en soulignant la nature ouvertement raciste et l’apartheid qui définit la domination israélienne sur le peuple palestinien.

La législation de la peine capitale faisait l’objet d’une des principales promesses de la campagne de Ben-Gvir.

En défense de la proposition de loi, les députés israéliens se sont plaints que les Palestiniens dans les prisons israéliennes puissent être relâchés dans le cadre d’échanges de prisonniers ou bénéficier de conditions « confortables » dans les prisons.

Certains ont même prétendu qu’imposer la peine capitale pourrait dissuader de futures agressions contre des Israéliens.

La semaine dernière, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a transmis sa désapprobation toute particulière à son homologue israélien lors d’une conférence de presse à Berlin.

« Nous sommes fermement opposés à la peine de mort et nous soulevons cette question partout dans le monde »,

a dit Baerbock.

« Partout dans le monde, les États sont en train d’abandonner cette pratique cruelle, en partie parce qu’elle s’est avérée inefficace en tant que dissuasion »,

a déclaré Baerbock.

Mais Baerbock s’est avérée tout aussi inquiète pour l’image d’Israël qu’embarrassée par n’importe quelle autre question de principe.

Elle a fait remarquer que la seule fois où des tribunaux civils israéliens avaient imposé la peine capitale, c’était contre Adolf Eichmann, le criminel de guerre nazi enlevé en Argentine par le Mossad, jugé à Jérusalem et pendu en 1962.

Baerbock a affirmé que cela avait

« toujours été un argument impressionnant pour ceux d’entre nous qui ont défendu Israël sur la scène internationale contre les critiques déloyales »

et qu’adopter la peine capitale

« constituerait une grossière erreur en rompant avec cette histoire ».

L’éléphant dans le magasin de porcelaine, c’est que le personnel israélien, encouragé par les principaux dirigeants du pays, ont pris l’habitude d’exécuter extrajudiciairement des Palestiniens qui ne posent aucune menace, et ce dans le contexte d’attentats supposés.

Le chef du corps de l’Autorité palestinienne responsable des affaires des prisonniers a déclaré qu’il n’était

« nul besoin d’adopter de telles lois, puisque les autorités israéliennes pratiquent des exécutions de Palestiniens sur le terrain. »


Le pillage
des maisons

En attendant, le gouvernement israélien le plus ouvertement d’extrême droite de tous les temps est sur le point de rendre la vie des prisonniers palestiniens encore plus misérable qu’elle ne l’est déjà.

Les soldats de l’occupation ont envahi et mis à sac des douzaines de maisons familiales d’anciens ou actuels prisonniers palestiniens de Jérusalem-Est, le mois dernier, et y ont volé de l’argent et de l’or.

Le 10 février, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a sorti une ordonnance imposant des sanctions à toute une liste spécifique d’anciens et actuels prisonniers. Ces sanctions comprennent des amendes et le gel de leurs comptes bancaires.

Le prétexte d’Israël, c’est que les détenus ou leurs familles avaient reçu de l’Autorité palestinienne des fonds réservés au bien-être des prisonniers.

En février dernier, l’armée israélienne a effectué un raid du même genre dans le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est occupée.

Dans les maisons, les intrus ont endommagé des biens et volé d’importantes quantité d’argent liquide et d’or, prétend le Centre palestinien pour les droits humains.

L’organisation des droits humains a fait remarquer qu’

« une telle action n’avait jamais été entreprise par aucun gouvernement israélien auparavant ».

Les forces israéliennes ont également imposé des amendes et gelé les comptes bancaires de certains détenus, anciens ou actuels, et de leurs familles. Les amendes israéliennes dépassaient un total de 700 000 USD.


« Briser les membres de la famille »

Muhammad, un ancien prisonnier palestinien, a expliqué à The Electronic Intifada que les forces d’occupation israéliennes avaient effectué un raid dans sa maison familiale dans la Vieille Ville de Jérusalem, à la mi-février.

L’homme, dont nous avons gardé le vrai nom sous silence, a affirmé que les agents de renseignement israéliens cherchaient avant tout des liquidités et de l’or, dans la maison, et non du contenu politique.

« Ils ont arraché les prises de courant des murs, ils ont arraché des pavements et ils ont brisé un tas d’autres choses dans la maison »,

a dit Muhammad.

« Il est clair que leur but était de briser les membres de la famille, et pas seulement moi-même »,

a dit l’ancien détenu.

Muhammad, âgé de moins de trente ans, a passé huit ans dans les prisons israéliennes avant d’être relâché l’an dernier.

Son père s’est précipité à la banque le jour même où le nom de son fils est apparu sur la liste. Il voulait voir ses relevés de compte et retirer de l’argent quand il a appris que son compte avait été gelé par le gouvernement israélien.

Israël a gelé près de 30 000 USD de l’argent de son père, même s’il a déclaré qu’il avait des preuves que cet argent provenait des revenus de son travail. La banque a insisté pour dire que la décision venait du gouvernement.

Son père ne pourrait utiliser son compte en banque que moyennant des restrictions spécifiques.

Muhammad a expliqué à The Electronic Intifada que sa voiture et celle de son père avaient été confisquées, bien que la seconde ait été achetée des années avant l’arrestation de Muhammad et qu’il était par conséquent impossible qu’elle ait pu être financée avec les fonds de l’AP qu’Israël prétend qu’il a perçus.

Une partie du prétexte d’Israël pour saisir ces biens, c’est son objection aux paiements que les familles des prisonniers palestiniens reçoivent parfois de l’AP.

Ces punitions

« précarisent les conditions de vie des familles et punissent deux fois le détenu et sa famille : une première fois avec l’arrestation, et une seconde fois en s’emparant de leur argent »,

a déclaré le CPDH.

 

Les punitions

Cela se passe au moment où Ben-Gvir a réclamé plus de punitions encore pour les prisonniers palestiniens.

Ben-Gvir a demandé que les autorités carcérales israéliennes restreignent le temps de douche accordé à certains prisonniers palestiniens.

Les prisonniers politiques palestiniens – qu’on appelle les prisonniers sécuritaires – ne pourront prendre de douche que quatre minutes à la fois et l’eau courante ne sera disponible que pendant une heure chaque jour.

Dans le cadre des mesures punitives des autorités carcérales israéliennes contre les prisonniers palestiniens, on sert à ces derniers du pain rassis et gelé, les raids suivis de fouilles dans les cellules sont plus fréquents et il est plus fréquemment recouru désormais au confinement solitaire.

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Publié le 7 mars 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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