Pourquoi la Belgique se montre-t-elle cruelle envers les réfugiés de Gaza ?

David Cronin

La Belgique a cessé de conférer automatiquement un statut protégé aux réfugiés en provenance de Gaza.

Rassemblement des demandeurs d’asile palestiniens devant le cabinet de Maggie De Block, vendredi 31 janvier

Suite à toute une série de mesures, la situation à Gaza ne cesse d’empirer. Pauvreté et chômage sont en hausse, les stocks de médicaments de première nécessité se vident, il n’y a que très peu d’électricité.

La Belgique doit être l’un des rares pays au monde à suggérer que la situation s’améliore.

Jusqu’il y a peu, les gens de Gaza qui entraient en Belgique et demandaient un statut de réfugié voyaient généralement leur requête acceptée.

Hélas, en décembre 2018, les autorités belges ont revu leur politique.

En vertu de la nouvelle approche, chaque demande est censée être évaluée selon ses mérites.

La seule raison donnée à ce changement était que le passage de Rafah, entre l’Égypte et Gaza, était de nouveau ouvert après une longue période de fermeture.

Il était par conséquent plus facile pour les gens quittant Gaza d’y retourner – ou du moins telle est la ligne adoptée par l’office bruxellois qui traite les demandes de statut de réfugié.

Au total, l’an dernier, les autorités belges ont pris 783 décisions suite à des demandes de statut de réfugié introduites par des Palestiniens.

Pas moins de 610 requêtes ont été refusées, et 172 acceptées (un Palestinien a reçu un statut protégé, inférieur à un statut de réfugié).

Cette révision de la politique est source de craintes énormes.

Un homme de Gaza qui a demandé un statut de réfugié voici plus d’un an m’a dit qu’il ne savait toujours pas quand une décision serait prise à propos de son dossier.

Il vit actuellement dans un centre de la Croix-Rouge près de la ville de Liège, alors qu’il a toujours cinq enfants là-bas à Gaza.

Sa famille ne sera pas en mesure de le rejoindre, à moins que sa demande soit acceptée.

« Mes enfants pleurent toujours quand je leur parle », m’a-t-il dit. « Ils me demandent chaque fois : ”P’pa, quand est-ce qu’on pourra aller en Belgique ?”. Je ne sais pas pourquoi la Belgique n’aide pas les Palestiniens. »

Le fils aîné de l’homme – douze ans ans – a déjà vécu toute une série d’importantes offensives israéliennes. Le plus jeune, deux ans, a connu la même horreur quand Israël a attaqué Gaza durant quelques jours en novembre dernier.

Être éloigné d’eux à ce moment-là était traumatisant. « Ma famille est OK, mais le stress a été trop lourd », m’a dit l’homme. « Il y avait des bombardements tous les jours. »

Peu convainquant, le prétexte…

J’ai demandé au bureau du Commissariat général aux Réfugiés et Apatrides (CGRA) s’ils considéraient réellement Gaza comme un endroit sûr.

Damien Dermaux, un porte-parole de ce bureau, a répondu qu’il n’avait jamais inclus Gaza à la liste des endroits sûrs.

« Il apparaît clairement que la situation à Gaza peut toujours être considérée comme problématique, mais pas au point que toute personne venant de Gaza doive se voir accorder un statut protégé »,

a-t-il déclaré.

« La situation de chaque personne est évaluée individuellement et de façon approfondie. Dans certains cas, le statut est accordé ; dans d’autres, une décision de refus est prise. »

Le prétexte invoqué pour le changement de politique ne convainc personne.

Contrairement à ce que les autorités belges ont prétendu, l’Égypte n’a pas ouvert complètement le pas sage de Rafah en 2018.

Seuls les voyageurs de certaines catégories – par exemple, des patients envoyés dans des hôpitaux égyptiens, des détenteurs de passeport étranger et des étudiants inscrits dans des universités en dehors de Gaza – ont été autorisés à quitter Gaza en passant par Rafah.

Rafah est un point de contact vital entre Gaza et le monde extérieur.

Mais il n’est vraiment guère correct que la politique de la Belgique envers les réfugiés de Gaza soit dictée par ce qui se passe à un passage frontalier.

D’autres indicateurs doivent être pris en compte.

L’année 2018 a été une année très sanglante pour les Palestiniens.

Les forces israéliennes ont provoqué plus de blessures et de mutilations en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, selon l’office de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires, qu’à tout moment depuis 2005, l’année où l’organisme a commencé à collecter des données sur les pertes palestiniennes.

Environ 80 pour 100 des plus de 29 000 blessures enregistrées ont été infligées au cours des manifestations à Gaza de la Grande Marche hebdomadaire du Retour.

Puisque la violence contre les Palestiniens s’est considérablement accrue en 2018, les autorités belges n’ont absolument aucune raison de prétendre que la situation s’est améliorée.

L’érosion des droits

Depuis l’introduction de la nouvelle politique belge, on rapporte qu’Israël encourage activement l’émigration à partir de Gaza.

La Belgique fait partie des destinations que les réfugiés de Gaza tentent d’atteindre.

L’an dernier, quelque 2 400 Palestiniens ont demandé le statut de réfugié en Belgique.

La Palestine n’est que le troisième « pays d’origine » – derrière l’Afghanistan et la Syrie – sur le liste belge des pays de demandeurs d’asile.

Comme partout en Europe, la Belgique a quelques politicards d’extrême droite qui traitent les gens fuyant la guerre et la misère comme des boucs émissaires. Le changement de politique de la Belgique envers les réfugiés de Gaza cède aux exigences de ces extrémistes.

De plus, la nouvelle politique belge va dans le sens des efforts d’érosion des droits des Palestiniens.

Environ 1,4 million de personnes à Gaza – soit 70 pour 100 de la population totale – sont déjà enregistrées comme réfugiées par les Nations unies.

En accordant un statut protégé aux demandeurs en provenance de Gaza, la Belgique respectait cette réalité.

Avec la révision de son approche, la Belgique se range – intentionnellement ou pas – aux côtés d’Israël et des États-Unis, qui veulent couper court à toute discussion sur les réfugiés palestiniens et sur leurs droits.

Dans un même temps, en se montrant cruelle envers les réfugiés palestiniens, la Belgique se vante de ses relations étroites avec Israël.

Ces tout derniers jours, des diplomates belges ont célébré la façon dont Israël s’est hissé parmi le top-10 des pays investisseurs en Flandre (la région néerlandophone de la Belgique).

Mais ces diplomates ont « omis » d’expliquer le caractère sinistre que peuvent revêtir de tels investissements.

Elbit Systems, une société d’armement israélienne, est l’une des invitées de la Flandre : elle a une filiale à proximité de Gand.

Elbit est un leader mondial dans la fabrication des drones utilisés pour tuer des gens à Gaza.

Quel est donc le message que la Belgique entend diffuser ?

Les réfugiés de Gaza sont traités avec le plus grand mépris, quand ce n’est pas de façon carrément hostile. En flagrant contraste, la Belgique déroule le tapis rouge devant les firmes qui tirent profit de leur oppression.


Publié le 6 février sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...