Israël s’en prend aux Palestiniens pendant qu’ils luttent contre le Covid-19

 

Le 31 mars, des travailleurs de l’agence des Nations unies, l’UNRWA, à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, préparent des rations de nourriture qui doivent être livrées dans les logements des familles de réfugiés palestiniens, et ce, afin d’éviter les grands rassemblements de personnes devant les centres de distribution. La mesure vise à empêcher une épidémie de Covid-19 dans le territoire à la population très dense. (Photo : Ashraf Amra APA images)

Ali Abunimah, 31 mars 2020

Les forces israéliennes d’occupation continuent à s’en prendre aux communautés palestiniennes alors qu’elles luttent pour endiguer la menace de pandémie du coronavirus.

La vidéo qui suit montre les forces d’occupation portant des combinaisons « hazmat » (= hazardous materials ou produits dangereux, NdT) et des fusils d’assaut au moment où elles font irruption dans une maison près de Ramallah, mardi matin :

Selon les médias locaux, les forces d’occupation ont arrêté au moins quatre Palestiniens lors de raids nocturnes dans des maisons de Ramallah (siège de l’Autorité palestinienne, en Cisjordanie) ou de la périphérie.

Mardi soir, les forces israéliennes ont confisqué des colis de nourriture qui devaient être distribués à des familles en quarantaine à Sur Baher, un village situé au sud de Jérusalem :

Selon les médias palestiniens, les forces d’occupation ont fait irruption dans une école où les colis étaient préparés, ont arrêté quatre membres du comité local d’urgence et se sont emparées de 300 colis de nourriture.

La distribution de bienfaisance avait été mise sur pied grâce à des contributions provenant de citoyens palestiniens d’Israël.

Les forces israéliennes ont également effectué des raids et procédé à des arrestations dans le quartier de Shuafat, à Jérusalem-Est occupée.

 

D’autres vidéos montrent les forces israéliennes attaquer et arrêter des Palestiniens sans prendre la moindre précaution en vue d’empêcher une potentielle transmission du virus :

Dans cet indident qui a eu lieu mardi dans le village d‘Issawiyeh, à Jérusalem-Est, les forces d’occupation ont violemment molesté un Palestinien sous les yeux de son jeune fils avant de l’immobiliser et de l’entraver :

Toujours selon les médias locaux, les forces israéliennes ont également attaqué un groupe de Palestiniens qui priaient à l’extérieur d’une mosquée locale.

Le nombre de cas augmente

Ce mardi, il y avait 119 cas confirmés de coronavirus parmi les Palestiniens, dont la grande majorité en Cisjordanie occupée, bien que le nombre de cas augmente également à Gaza.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH ou OCHA) de l’ONU, le nombre relativement peu élevé « peut refléter la capacité de test limitée ».

Israël, dont le nombre de cas dépassé les 5 000, lutte pour endiguer l’épidémie.

Même le Premier ministre Benjamin Netanyahou, le chef d’état-major de l’armée Aviv Kochavi et d’autres officiers supérieurs sont désormais en isolement après être entrés en contact avec des personnes infectées.

L’épidémie en Israël constitue une menace directe pour les Palestiniens.

Depuis le 23 mars, les autorités israéliennes ont expulsé des milliers de travailleurs palestiniens et les ont renvoyés en Cisjordanie occupée, « après que certains d’entre eux avaient montré des signes de fatigue et une température élevée », prétend l’association des droits de l’homme Euro-Med Monitor.

« La plupart des déportations ont eu lieu sans examen médical ou sans arrangement particulier avec les autorités palestiniennes afin de faire en sorte que les travailleurs soient examinés et soignés dès leur retour, et ce, dans le but de garantir leur bien-être. Cette façon d’agir équivaut à de la discrimination raciale. »

L’association a déclaré que ces pratiques

« posaient une menace pour la santé publique et facilitaient la propagation du Covid-19 parmi les Palestiniens ».

Euro-Med Monitor a ajouté que la première Palestinienne morte du Covid-19, une femme du village de Biddu, avait été infectée par son fils qui travaillait en Israël.

Un grand nombre des Palestiniens qui ont été testés positifs au coronavirus

« ont été infectés pendant leur travail en Israël ou dans les colonies israéliennes en Cisjordanie »,

a déclaré l’association ce mardi.

Depuis le 22 mars, l’Autorité palestinienne a placé sous confinement les zones de Cisjordanie qu’elle contrôle.

Elle a également invité tous les travailleurs palestiniens employés en Israël à rentrer en Cisjordanie, où ils seront censés être mis en quarantaine à leur domicile pendant deux semaines.

Mais, comme le fait remarquer le BCAH (ou OCHA),

« l’ampleur de la mesure reste vague, puisque le secteur de la construction en Israël, qui emploie la plupart de ces travailleurs, est resté actif ».

Il n’y a « pas moyen non plus de garantir qu’ils suivront les directives de quarantaine à domicile ».

Le BCAH (ou OCHA) a loué « l’étroite collaboration entre les autorités palestiniennes et israéliennes » depuis le début de la crise du coronavirus.

L’agence de l’ONU crédite Israël d’avoir facilité l’importation de 10 000 kits de test par l’Autorité palestinienne et d’avoir organisé une formation pour une équipe médicale de l’hôpital al-Makassed, à Jérusalem-Est.

N’empêche que les attaques permanentes d’Israël contre la population palestinienne, exposant potentiellement cette dernière à la contagion, font perdre toute crédibilité à la bonne volonté israélienne.

Inquiétude à propos des prisonniers

L’inquiétude augmente aussi à propos du bien-être des quelque 5 000 prisonniers politiques palestiniens détenus par Israël.

« Notre inquiétude croissante pour les prisonniers et détenus palestiniens durant la pandémie de Covid-19 en cours provient de la négligence médicale, systématique et routinière, au sein des centres israéliens de détention et d’interrogatoire »,

a déclaré mardi Addameer, l’association de défense des droits des prisonniers.

En 2019, cinq Palestiniens sont morts en détention en Israël, dont trois suite à des négligences médicales, alors que des centaines d’autres détenus souffrent de maladies chroniques auxquelles on n’apporte pas de traitement, explique encore Addameer.

L’association pousse activement à la mise sur pied d’une campagne internationale en vue de réclamer la libération de tous les prisonniers.

Depuis le début mars, Israël a interdit toute visite des familles et des avocats aux prisonniers palestiniens, en invoquant la crise du coronavirus.

Israël a reporté sine die toutes les auditions des tribunaux militaires, prolongeant ainsi indéfiniment les temps de détention.

Les autorités pénitentiaires israéliennes refusent également d’installer des téléphones fixes en vue de permettre aux prisonniers de s’entretenir avec leurs familles – alors qu’elles l’avaient promis précédemment – ce qui durcit encore leur isolement.

Quatre prisonniers palestiniens entrés en contact avec un agent pénitentiaire israélien infecté par le virus à la mi-mars viennent d’être sortis de leur quarantaine.

Deux de ces prisonniers ont été libérés et renvoyés dans leurs familles en Cisjordanie, sans toutefois avoir été testés au coronavirus, et les deux autres sont retournés en prison, déclare Addameer.

Gaza

Depuis lundi, les autorités sanitaires de Gaza ont annoncé trois nouveaux cas de coronavirus, portant ainsi à 12 le nombre total de personnes infectées dans le territoire.

Toutes les personnes infectées étaient des voyageurs mis en quarantaine à leur retour à Gaza, ou des agents de la sécurité qui avaient été en contact avec ces personnes, et qui se trouvent également en quarantaine.

Jusqu’à présent, aucun cas n’a encore été rapporté parmi la population générale.

Pourtant, les mises en garde se sont multipliées à propos de la catastrophe que pourrait engendrer le déclenchement d’une telle épidémie.

« La capacité du système de santé palestinien à gérer une augmentation attendue du nombre de patients reste sévèrement entravée par des problèmes présents depuis très longtemps et des pénuries critiques, particulièrement dans la bande de Gaza »,

déclare le bureau de coordination humanitaire de l’ONU, le BCAH (ou OCHA).

« Les gens des camps de réfugiés et des autres régions pauvres à forte densité de population des territoires palestiniens occupés sont confrontés à un risque de contagion plus élevé en raison du surpeuplement et d’équipements sanitaires inadéquats. »

Bien des organisations et experts de la santé palestiniens et internationaux ont déjà mis en garde contre la catastrophe qui guettait si la pandémie ateignait la population de Gaza, où le système de santé, la distribution d’eau et les équipements sanitaires ont été sévèrement détériorés par trois grandes offensives militaires israéliennes et un siège étouffant, ces dernières années.

En raison du virus, les autorités de Gaza ont annoncé mardi que les insititutions d’enseignement resteraient fermées indéfiniment et que, de même, d’autres mesures resteraient en vigueur afin d’éviter une épidémie.

Les autorités à Gaza ont annoncé qu’elles alloueraient un million de USD pour leurs paiements d’urgence à 10 000 familles qui ont perdu leur revenu suite à la pandémie et qu’une donation de 300 000 autres USD, constituée à partir des salaires des employés gouvernementaux, serait redistribuée à des familles à bas revenu.

La Turquie a accepté d’équiper l’hôpital qu’elle aide à Gaza afin qu’il puisse traiter les patients atreints du Covid-19.

Des organisations internationales ont demandé un financement d’urgence de 34 millions de USD afin de combattre la pandémie en Cisjordanie et à Gaza. De cette somme, 9 millions ont déjà été versés par des agences de développement, ainsi que par les gouvernements britannique et irlandais.

Précédemment, dans un effort en vue de combattre le Covid-19 à Gaza, le Qatar avait déjà promis 150 millions de USD ventilés sur six mois.

Mardi, 100 000 familles de Gaza ont commencé à recevoir chacune 100 USD donnés par le Qatar afin de les aider à affonter la crise provoquée par la pandémie.


Publié le 31 mars 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

ali-abunimah-21Ali Abunimah, journaliste palestino-américain est le cofondateur de ’The Electronic Intifadaet auteur des livres  One Country : A bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse et The battle for Justice in Palestine

On peut suivre Ali Abunimah sur Twitter : @AliAbunimah

 

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