“Faites cesser le cauchemar” à Masafer Yatta, enjoint l’organisation de défense des droits à la CPI

Une importante organisation israélienne de défense des droits humains demande à Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale internationale (CPI) d’intervenir de toute urgence afin d’empêcher l’expulsion de Palestiniens d’une zone rurale de la Cisjordanie.

Février 2021. Les forces israéliennes effectuent un exercice militaire à proximité et à l’intérieur des villages de la zone de Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie. (Photo : Keren Manor / ActiveStills)

Février 2021. Les forces israéliennes effectuent un exercice militaire à proximité et à l’intérieur des villages de la zone de Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie. (Photo : Keren Manor / ActiveStills)


Maureen Clare Murphy,
7 octobre 2022

Dans une lettre délivrée lundi B’Tselem a requis « l’intervention urgente de Karim Khan afin d’empêcher Israël de continuer de mener sa politique » et de lui faire savoir clairement que la déportation forcée constitue un crime de guerre, sous le statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale.

Israël cherche à expulser environ un millier de Palestiniens de Masafer Yatta dans les collines du sud de Hébron, en Cisjordanie, « en rendant leurs conditions de vie si insupportables qu’ils seront forcés de quitter la région dans laquelle ils vivent depuis des générations », déclare B’Tselem dans sa lettre.

« Alors que ces efforts existent depuis des décennies, Israël les a massivement accrus récemment – dans leur dimension, dans leur sévérité, dans leur fréquence »,

ajoute l’organisation de défense des droits.

Ces efforts se sont accélérés après que la haute cour d’Israël a rejeté une contestation juridique des plans de l’État prévoyant de transformer la région en une zone d’entraînement militaire.

L’un des juges israéliens qui a émis le verdict est un colon né au Royaume-Uni et qui vit dans une colonie réservée aux juifs et construite en Cisjordanie en violation des lois internationales.

Ariel Sharon, à l’époque ministre israélien de l’Agriculture, avait admis en 1981 que la zone soit désignée comme zone de tir dans le but de déporter les Palestiniens de leurs terres de sorte que celles-ci puissent être saisies par Israël.

La décision de la haute cour en mai a mis un terme à deux décennies de contestations juridiques organisées par les Palestiniens à Masafer Yatta.

Depuis 2006, Israël a détruit près de 70 « structures résidentielles dans ces communautés, hébergeant 355 personnes, dont 175 mineurs d’âge », d’après B’Tselem. L’organisation a « également rapporté la démolition dans ces mêmes communautés de 32 structures non résidentielles ».

La violence des colons juifs sert également le dessein de l’État, qui consiste à expulser les Palestiniens de leurs terres à Masafer Yatta.


« Un cauchemar »

« Les colons juifs agressent physiquement les bergers palestiniens et utilisent leur terre, sabotent les sources d’eau et pénètrent dans les maisons, entre autres actes violents, avec le plein soutien de l’État et, souvent, la participation active des soldats et policiers israéliens »,

déclare B’Tselem.

Depuis la décision de la haute cour cette année, « la vie des résidents palestiniens s’est muée en cauchemar », dit encore B’Tselem.

 

Le but d’Israël, explique l’organisation de défense des droits, est de rendre l’existence des Palestiniens

« suffisamment misérable pour qu’ils quittent leurs maisons et leurs terres, de sorte que l’État puisse accaparer la région ».

Israël a organisé des exercices d’entraînement militaire impliquant des chars et des tirs à balles réelles dans la zone. L’armée a confisqué des véhicules et imposé des blocages routiers empêchant les Palestiniens de la zone rurale d’accéder aux centres de population tout proches.

« Aux blocages routiers, les soldats rendent les choses difficiles et, souvent même, ils empêchent carrément l’accès aux agences humanitaires, aux organisations de défense des droits humains, aux activistes, aux journalistes et aux diplomates »,

rapporte B’Tselem.

On estime que c’est une intervention de la prédécesseuse de Khan, Fatou Bensouda, qui a dissuadé Israël de détruire Khan al-Ahmar, une communauté bédouine en Cisjordanie.

Fatou Bensouda a prévenu Israël en 2018 de ce que l’expulsion prévue de Khan al-Ahmar constituerait un crime de guerre.

Malgré cet avertissement, plusieurs députés ont promis de détruire le village dans leur campagne de recherche de votes lors des dernières élections générales d’Israël.

Avant son mandat de procureure principale de la CPI, qui a pris fin l’an dernier, Fatou Bensouda avait lancé une enquête officielle sur les crimes de guerre supposés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et la chose avait soulevé une opposition rabique de la part d’Israël et des EU.

L’entreprise de peuplement d’Israël en Cisjordanie est très probablement une priorité dans l’enquête de la CPI.

Les personnalités politiques israéliennes responsables de la politique appliquée à Masafer Yatta peuvent être traités en tant que suspects par la cour, qui juge des individus plutôt que des États.

Selon B’Tselem, on trouve parmi ces responsables le Premier ministre israélien, le ministre de la Défense, le chef d’état-major militaire et les juges de la haute cour « qui ont sanctionné légalement cette politique ».

Même si la CPI a ouvert une enquête en Palestine l’an dernier, la justice internationale reste une lutte ardue.

Les organisations palestiniennes de défense des droits humains ont exprimé leur frustration de ce que, depuis le début du mandat au poste de procureur principal en juin dernier de Karim Khan, l’enquête de la CPI en Palestine n’ait pas progressé d’un pouce.

Le procureur principal – nominé à ce poste par le Royaume-Uni, qui s’oppose lui aussi à l’enquête de la CPI en Palestine – n’a fait aucune déclaration publique au sujet de l’interdiction par Israël – après avoir forcé les portes de leurs bureaux – des organisations palestiniennes de défense des droits humains qui, au nom des victimes, ont soumis des dossiers de preuves à la cour.

Lors de sa visite à Jérusalem en juillet, le président des EU, Joe Biden, a affirmé que Washington travaillerait avec Tel-Aviv pour

« combattre tous les efforts en vue de boycotter ou délégitimer Israël, de lui refuser son droit à l’autodéfense, ou de l’isoler injustement de tout forum, y compris aux Nations unies ou à la Cour pénale internationale ».

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Publié le 7 octobre 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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