Biden choisit le camp des racistes extrémistes d’Israël

Vendredi, le président Joe Biden a téléphoné au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou pour lui dire que l’attentat de ce jour même, commis par un tireur palestinien à proximité d’une synagogue de la colonie de Neve Yaakov, était « un attentat contre le monde civilisé ».

 

Benjamin Netanyahou et Itamar Ben-Gvir, ici sur les lieux de l’attentat meurtrier de vendredi soir, ont encouragé des mesures qui ont accru le niveau de la violence en Cisjordanie occupée. (Photo : Debbie Hill / UPI)

 

Michael F. Brown, 30 janvier 2023

Ce n’est pas le genre de langage utilisé contre le gouvernement israélien quand le pouvoir de l’État d’apartheid est amené à s’appesantir sur la population palestinienne occupée. Netanyahou est un « jardinier » et les Palestiniens sont la « jungle », dans la version de Biden.

Le langage du président est réservé à un jeune Palestinien qui cherche à « se venger », comme l’a expliqué sa famille, de la mort d’un lointain parent, un enfant, tué quelques jours plus tôt alors qu’il brandissait un pistolet factice.

Le vrai meurtrier de l’enfant qui portait le pistolet factice a été loué et récompensé par le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir. La police était descendue dans le camp de réfugiés de Shuafat pour procéder à la démolition d’une habitation privée, autrement dit pour exercer une forme de punition collective.

 

Le tireur de vendredi soir à Jérusalem-Est occupée, Khayri Alqam, est le petit-fils d’un homme qui a été poignardé à mort en 1998 par un colon israélien. Ce colon, dont on pense qu’il s’appelait Haim Perelman, était proche de Ben-Gvir, qui a plaidé en faveur de son innocence. Perelman n’a finalement jamais été accusé.

Biden, très empressé d’utiliser le jargon du « cycle de la violence » plutôt que de citer la réalité de l’apartheid, n’a pas tenu compte de l’histoire familiale d’Alqam. Ceux qui appellent à la vengeance ne le font pas non plus.

Le président américain a proposé

« tous les moyens appropriés pour soutenir le gouvernement et le peuple d’Israël dans les jours à venir » et il « a insisté sur l’engagement américain indéfectible à l’égard de la sécurité d’Israël ».

C’est un feu vert qui permet à Israël d’entreprendre des actions particulièrement musclées contre la population palestinienne occupée.


Les mesures de l’État

La situation n’était pas différente vendredi au département d’État.

Le secrétaire d’État Antony Blinken a tweeté :

« Nos pensées accompagnent le peuple israélien suite à l’attentat terroriste à Jérusalem. »

Il n’y avait pas eu de tweet de ce genre après l’attaque israélienne de vendredi dans le camp de réfugiés de Jénine.

En fait, il n’y a jamais eu le moindre tweet de Blinken exprimant son inquiétude ou son indignation à propos des meurtres d’enfants palestiniens par Israël tout au long du mois de janvier.

Toutefois, fin décembre, il y a eu un tweet disant qu’il envisageait de travailler avec Netanyahou et

« son gouvernement entrant afin de promouvoir les valeurs démocratiques, faire avancer les intérêts communs et surmonter les défis mutuels. Notre engagement envers la sécurité d’Israël est inébranlable ».

Les « valeurs démocratiques » d’un État d’apartheid sont difficiles à concevoir. Peut-être cela a-t-il du sens à Foggy Bottom (le quartier de Washington où se trouve le département d’État – NdT) et ailleurs à Washington.

 

Si vous batifolez avec des criminels de guerre et avec l’apartheid et que vous minimisez le fait qu’il y a aujourd’hui des adeptes du raciste extrémiste Meir Kahane au sein même du gouvernement, vous pouvez vous attendre à ce que les choses aillent de mal en pis. Et c’est précisément ce à quoi on a assisté.

Blinken visite la région cette semaine dans le cadre de plans préexistants.

Avant son arrivée, Vedant Patel, un porte-parole adjoint du département d’État, avait lancé la conférence de presse de vendredi à l’aide d’une déclaration similaire à propos de l’attentat de ce même vendredi soir.

Cette fois, au contraire de la déclaration de jeudi du porte-parole en chef, Ned Price, il n’y a pas eu d’appel « à la désescalade s’adressant à toutes les parties ».

En lieu et place, en recourant à un langage non utilisé contre l’acteur étatique Israël, Patel a décrit l’attentat de vendredi comme « absolument horrible », le qualifiant d’« acte haineux de violence ».

Et d’ajouter que « nous condamnons cet apparent attentat terroriste dans les termes les plus forts possibles » avant de faire remarquer que « notre engagement envers la sécurité d’Israël reste inébranlable ».

Les EU voulaient une désescalade après que les Palestiniens avaient été attaqués. L’absence du terme dans la déclaration préparée du département d’État suite à l’incident de vendredi (c’est-à-dire quand ce sont les Israéliens qui ont été attaqués) peut être perçue comme un encouragement public afin qu’Israël prenne les mesures punitives qui lui semblent appropriées.

Il est à remarquer qu’au cours de la période des questions et des réponses, Patel a spécifiquement exclu l’incident de vendredi d’une considération nécessaire à la désescalade.

Patel a déclaré à l’adresse du journaliste Said Arikat :

« Je veux être très clair à ce propos, nous avons été cohérents et clairs, tout récemment comme hier, moi-même, ainsi que la secrétaire adjointe Barbara Leaf, ou Ned [Price] plus tôt dans la semaine, ou encore le secrétaire [Blinken] chaque fois qu’on lui pose la question, à propos de la condamnation de toute forme de violence contre des civils et de la nécessité au sens large – une fois encore, sans parler spécifiquement de cette situation, Said, parce qu’elle a tout simplement eu lieu – mais de la nécessité au sens large d’entreprendre des démarches en vue de faire décroître les tensions. »

Non, cette situation, d’après Patel, ne requiert pas nécessairement une désescalade.

Comment les extrémistes de droite israéliens qui entourent Netanyahou vont-ils interpréter cela ?

Plutôt que d’insister pour qu’Israël respecte les lois internationales en ce qui concerne l’occupation, les colonies illégales et les réfugiés, les EU continuent de fournir annuellement pour près de 4 milliards de USD en aide militaire afin de soumettre le peuple palestinien alors que la situation se détériore d’année en année.

 

Ben-Gvir est déjà occupé à insister pour qu’il y ait une riposte extrêmement violente. Sur le site de l’attentat de vendredi, au milieu d’exhortations à tuer les Arabes, les terroristes et les gens de gauche, il voulait à tout prix armer un plus grand nombre encore d’Israéliens.

« J’espère que d’ici peu nous modifierons la politique en matière d’armes. De plus en plus de civils doivent avoir des armes à feu. »

Et de répéter une fois de plus, dans un tweet samedi soir, cette détermination à vouloir mettre davantage d’armes à feu dans les rues.

« J’ai ordonné que soient doublés les effectifs du département des armes à feu. Des armes aux mains d’un plus grand nombre de civils, voilà une réponse rapide et meurtrière au terrorisme. Il est de notre devoir de créer une Garde nationale et de l’équiper en tant que force de poids, tant préventive qu’offensive. »

Selon un éditorial récent de Haaretz, Ben-Gvir cherche à se créer sa propre milice, ou garde nationale, qui compterait quelque 10 000 volontaires.

Bezalel Smotrich, le Premier ministre de facto de la Cisjordanie, s’il faut en croire The Times of Israel, et le second commandant militaire en Cisjordanie, selon le ministre de la défense Yoav Gallant, a tweeté samedi soir qu’on en est à « l’heure des tests », des mots qui s’alourdissent de la menace de la violence à venir.

« C’est sous notre surveillance et notre responsabilité. Nous avons promis un combat sans compromis contre le terrorisme, ainsi que la sécurité pour les citoyens d’Israël et, avec l’aide de Dieu, nous agirons de la sorte. L’heure des tests a commencé. »

Vendredi matin, Almog Cohen, un membre du Parlement israélien, la Knesset, a réclamé une réponse « disproportionnée » aux roquettes du Hamas tirées ce jour même depuis Gaza, suite à l’offensive meurtrière contre Jénine.

Samedi soir, a-t-il ajouté, « nous avons promis de répondre au terrorisme avec un poing de fer, et il en sera ainsi ! »

Précédemment, Cohen avait encouragé les soldats et les policiers à tuer les Palestiniens plutôt que de les arrêter, « et de laver les rues de Gaza à l’aide de flots de sang ».

Le gouvernement israélien est déjà occupé à introduire les mesures exigées par ses ministères les plus belligérants. Netanyahou a annoncé samedi qu’Israël allait accélérer la fourniture de permis de port d’arme aux citoyens israéliens et qu’il allait accélérer la démolition de maisons palestiniennes.

 

The New York Times rapportait samedi que

« la police avait dit qu’elle avait arrêté 42 personnes liées à l’agresseur palestinien de vendredi soir non loin d’une synagogue dans une colonie israélienne ».

Cette punition collective avait déjà commencé, en fait, bien avant la réunion du cabinet.

Les maisons de ces 42 personnes seront-elles elles aussi démolies ou ne s’agira-t-il que de démolir les maisons de la proche famille tel que l’estiment légitime Israël et ses tribunaux ?

 

Sam Husseini lui aussi pose des questions à l’État

Le journaliste Sam Husseini était présent vendredi à la conférence de presse du département d’État et il a posé des questions supplémentaires à propos d’Israël qui ont bien montré, en ce moment précis, non seulement à quel point l’administration Biden était à côté de la plaque, mais également combien elle voulait détourner le regard des violations par Israël des droits humains.

Pour commencer, Husseini a posé des questions sur les armes nucléaires israéliennes. Répondant au nom du département d’État, Vedant Patel s’est couvert de ridicule en ne reconnaissant pas leur réalité.

 

Cette dérobade ne devrait surprendre personnes. La veille, Patel avait refusé de dire si les Palestiniens vivent ou pas sous occupation militaire.

Un peu plus tard au cours de cette conférence de presse de vendredi, Husseini a abordé la réalité historique des expulsions de Palestiniens par Israël et des menaces d’autres expulsions encore de la part des ministres israéliens d’extrême droite. Une fois encore, Patel n’a rien eu à proposer et a refusé de répondre quant à savoir s’il répondrait jamais à Husseini à l’avenir.

 

Dans une situation de Nakba toujours en cours et de dépossession des Palestiniens, en même temps que d’une menace de violence énorme de la part des Israéliens, ceci est terrifiant.

Puis il y a également le soutien du Congrès à la dépossession des Palestino-Américains.

Quelques jours à peine après la parution de l’article d’opinion de Rashid Khalidi dans The New York Times où il expliquait comment la propriété de sa famille risquait d’être confisquée au profit de la nouvelle ambassade des EU à Jérusalem, le congressiste Ritchie Torres avait tweeté son soutien à l’ambassade. Torres avait complètement ignoré Khalidi, qui enseigne à New York, la même ville que représente Torres.

 

Boilerplate

À commencer par la Maison-Blanche, trop de démocrates qui prétendent faire attention au racisme font semblant de rien quand il s’agit de racisme à l’égard des Palestiniens. Ils acceptent les arguments et explications les plus ineptes sur le compte d’Israël et de son occupation de la Cisjordanie, même si un système dual de lois y est imposé quotidiennement aux Palestiniens.

Blinken ne donne aucun signe d’avoir quelque intérêt à s’opposer publiquement cette semaine au cours actuel des affaires. Tout au plus défendra-t-il un retour au statu quo antérieur – le « calme » antipalestinien meurtrier du début janvier.

En débarquant lundi à l’aéroport de Tel-Aviv, Blinken a déclaré :

« Il est de la responsabilité de tous d’entreprendre des démarches en vue de calmer les tensions plutôt que de les aviver. »

S’exprimant aux côtés de Netanyahou, il a encore dit :

« Nous pressons désormais toutes les parties à entreprendre des démarches urgentes pour restaurer le calme et passer à la désescalade.”

C’est plus conciliant que le langage tenu les jours précédents, mais ce n’est quand même pas le langage émoussé qui convient contre un État d’apartheid et d’occupation dont les mesures quotidiennes sont en même temps violentes et fondées sur des menaces de violence.

La politique américaine consiste toujours à préférer de gérer les conflits plutôt que de les résoudre.

Le plus important, dans tout cela, c’est que les EU ne veulent pas supprimer leur aide militaire immuable à Israël refusant absolument de promouvoir la liberté et l’égalité des droits pour les Palestiniens.

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Michael F. Brown est un journaliste indépendant. Ses écrits et points de vue ont été publié dans The International Herald Tribune, TheNation.com, The San Diego Union-Tribune, The News & Observer, The Atlanta Journal-Constitution, The Washington Post et d’autres encore.

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Publié le 30 janvier 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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