Deux ans après avoir été abattu et en être resté paralysé, Harun Abu Aram a succombé à ses blessures

En 2021, Harun Abu Aram était abattu à bout portant dans le cou par des soldats israéliens alors qu’il tentait de s’opposer à la confiscation d’un générateur communautaire. Il en était resté complètement paralysé.

Le 14 février 2023, Harun Abu Aram, 25 ans, a succombé à ses blessures. (Photo : Mondoweiss / « Saving Masafer Yatta »)

Le 14 février 2023, Harun Abu Aram, 25 ans, a succombé à ses blessures. (Photo : Mondoweiss / « Saving Masafer Yatta »)

 

Yumna Patel, 14 février 2023

Mardi 14 février au matin, deux ans après avoir été paralysé à vie par les forces israéliennes, Harun Abu Aram, 25 ans, un habitant de Masafer Yatta dans le sud de la Cisjordanie occupée, a fini par mourir de ses blessures.

Harun Abu Aram était un résident de Khirbet al-Rakeez, un petit hameau des collines du sud de Hébron, ou Masafer Yatta, comme on appelle l’endroit localement.

En 2021, Harun Abu Aram était abattu à bout portant dans le cou par un soldat israélien lors d’un raid de l’armée dans son village. Il avait tenté d’empêcher les soldats de confisquer un générateur appartenant à la communauté.

Harun Abu Aram était resté paralysé, suite à ce coup de feu, et il avait souffert de toute une série d’infections pulmonaires et d’autres problèmes de santé qui l’avaient obligé des mois durant à faire la navette entre son domicile et l’hôpital.

Finalement, des artères de sa jambe droite s’étaient bloquées et il avait fallu lui amputer la jambe. Selon des responsables palestiniens de la santé, il souffrait également de « graves escarres dans le dos et au pelvis ainsi que de graves infections des poumons ».

En janvier 2021, les forces israéliennes avait fait irruption au domicile de Harun Abou Aram et avaient tenté de confisquer le générateur qui alimentait en électricité les maisons de deux familles, sous le prétexte qu’il était « illégal ».

Du fait que les maisons des deux familles sont situées dans les limites d’une « zone de tir » israélienne, l’armée les empêche de construire ou d’avoir accès à tous genres de réseaux infrastructurels, y compris l’eau et l’électricité, et cela inclut l’accès à des générateurs pour alimenter en courant les petites caves anciennes dans lesquelles vivent les deux familles.

Peu après l’arrivée des soldats, le père de Harun, Rasmi, s’était précipité pour aider son voisin qui tentait de reprendre possession du générateur. Les forces israéliennes s’en étaient prises à Rasmi et à son voisin, et leur avaient porté plusieurs coups. Harun s’était précipité au secours de son père et s’était mis à arracher le générateurs des mains des soldats.

Au cours de la mêlée qui avait suivi, et qui a été entièrement enregistrée sur une vidéo d’un téléphone cellulaire, un soldat israélien avait pointé son arme sur le cou de Harun et avait tiré. Selon les proches de Harun, les forces israéliennes avaient ensuite refusé d’appeler une ambulance sur les lieux. Quand la famille et les voisins avaient tenté d’évacuer Harun vers un hôpital, les soldats avaient tiré dans les pneus du véhicule.

 

Au moment où Harun avait été en mesure d’atteindre un hôpital, quelques heures s’étaient écoulées et les médecins avaient informé les parents de Harun que leur fils souffrait d’une blessure grave à la moelle épinière. Bien qu’il ait survécu, il était resté paralysé de tout le reste du corps.

Suite à ce coup de feu sur Harun, qui était absolument sans arme à ce moment, l’armée israélienne avait mené une enquête interne à la suite de laquelle elle avait conclu que les soldats avaient agi « en état de légitime défense » et qu’ils avaient été confrontés « à un risque manifeste et bien présent pour leurs vies ».

Mondoweiss a interviewé Harun et sa famille en 2022. À l’époque, la mère, Farissa, avait dit qu’elle « ne voulait rien d’eux [d’Israël] », hormis la justice pour son fils.

 

« Je veux qu’ils me laissent construire une chambre pour lui », avait-elle dit, faisait allusion à l’interdiction par l’armée de toute construction palestinienne dans la zone et au fait que, quelques mois à peine avant que Harun ne soit abattu, l’armée avait détruit la nouvelle maison que le jeune homme avait construite à l’époque pour lui-même et sa fiancée.

« Je veux qu’ils lui permettent d’avoir l’eau et l’électricité », avait-elle poursuivi. « Je veux que le tribunal nous rende justice et non qu’il dise qu’un soldat s’est défendu. »

Du fait que la famille Abu Aram vit dans les limites de la zone de tir – créée dans les années 1980, bien longtemps après que la famille était venue y habiter –, elle est aujourd’hui sous la menace imminente d’une déportation forcée.

En janvier de cette année, le nouveau gouvernement israélien a annoncé des plans en vue de hâter le transfert forcé des Palestiniens de Masafer Yatta, conformément à une décision de la Cour suprême israélienne de mai 2022 qui rejetait les appels des résidents et statuait en faveur de l’armée, clôturant ainsi tout le chapitre concernant une très longue bataille juridique qui avait duré vingt ans devant les tribunaux israéliens.

Plus de 1 200 Palestiniens, dont la famille Abu Aram, vivent sous le risque d’un transfert forcé imminent. Si les Palestiniens de Masafer Yatta sont chassés de leurs terres, cela constituerait la plus importante déportation massive de Palestiniens depuis 1967, au moment où Israël avait occupé la Cisjordanie.

Avant de mourir, Harun a dit à Mondoweiss que, bien qu’il ait été rendu invalide alors qu’il « défendait sa terre », il le referait encore.

« Si l’on me rendait mes bras et mes jambes, je défendrais à nouveau ma terre »,

a-t-il déclaré.

« Jamais je ne renoncerai ! »

Harun est l’un des 49 Palestiniens tués par Israël en 2023. Ailleurs, mardi, un autre Palestinien, Mahmoud Majet al-Aydi, 17 ans, a été abattu et tué par les forces israéliennes au cours d’un raid contre le camp de réfugiés d’al-Faraa, dans le district de Tubas, en Cisjordanie du nord.

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Yumna Patel est la directrice des infos sur la Palestine de Mondoweiss

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Publié le 14 février 2023 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal pour Charleroi pour la Palestine

 

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