Plus de 30 ans – les prisonniers d’avant Oslo (3)
Le Réseau Samidoun de solidarité avec les prisonniers palestiniens fournit le matériel de la troisième semaine de la campagne éducative « Plus de 30 ans : les prisonniers d’avant Oslo ».
Lisez les deux précédentes livraisons de matériel :
- Semaine 1 : Mohammed Al-Tus, Ibrahim Abu Mokh, Walid Daqqa.
- Semaine 2 : Ibrahim Bayadseh, Ahmad Abu Jaber, Samir Abu Nima.
Cette semaine, nous mettrons en exergue les prisonniers palestiniens suivants : Mohammed Adel Daoud, Mahmoud Abu Kharabish et Bashir Abdullah al-Khatib. Vous pouvez imprimer les affiches ci-dessous, les accrocher dans vos villes et communautés et partager ce lien afin de mettre en lumière la lutte des prisonniers palestiniens de longue durée pour la justice et la libération.
Cette campagne met en évidence les « doyens des prisonniers », un terme utilisé par les Palestiniens pour décrire ceux qui sont détenus dans les prisons de l’occupation israélienne depuis plus de 20 ans sans interruption. Au fil des années, nombre de prisonniers palestiniens ont été libérés via des accords d’échange de prisonniers ou d’autres formes de concessions politiques, tels les prisonniers libérés en 1995 après les accords d’Oslo ; l’accord d’échange de prisonniers imposé par le Hezbollah en 2004 à la suite duquel 400 prisonniers palestiniens ont été libérés ; l’échange de prisonniers de Wafa al-Ahrar en 2011, où 1 027 prisonniers palestiniens ont été libérés en échange du soldat israélien Gilad Shalit capturé par la résistance ; ou, en 2013, quand l’occupation a annoncé la libération de 104 prisonniers palestiniens en échange du retour de l’Autorité palestinienne aux négociations et à sa coordination sécuritaire avec l’occupant dans les termes d’Oslo et de ses corollaires.
Cette campagne cherche à faire en sorte que non seulement ces prisonniers palestiniens vétérans ne restent pas oubliés mais mis en exergue au centre de la lutte des prisonniers et du mouvement palestinien de libération dans son ensemble. Contactez-nous à samidoun@samidoun.net pour nous tenir au courant de vos actions et des événements qui ont lieu dans votre région.
Mohammad Adel Daoud (Abu Ghazi)
Muhammad Adel Hassan Daoud (Abu Ghazi) est détenu par l’occupation depuis son arrestation le 18 décembre 1987. Né en 1962, ce combattant dévoué de la résistance a été condamné à la prison à vie pour avoir pris pour cibles à Qalqilya les voitures de colons illégaux – dont celle du conseiller principal de la colonie de la zone de Qalqilya, et pour son rôle dans la résistance armée du Fatah. Sa famille a subi des punitions collectives après son arrestation et son emprisonnement, puisque l’occupation a confisqué la maison familiale.
Malgré de multiples échanges de prisonniers et un accord supposé de relaxe de prisonniers accompagnant les accords d’Oslo, l’occupation a refusé de le relâcher. De plus, les visites familiales lui ont été refusées durant de nombreuses années et, aujourd’hui encore, il ne peut recevoir de visite de ses proches qu’une fois par an. Durant sa période d’incarcération, il a perdu et son père et sa mère et il lui a été interdit d’assister à leurs funérailles. En fait, le père a été frappé d’une crise cardiaque fatale la veille d’une visite à son fils. Il avait rassemblé des photos de famille pour les montrer à Mohammed en prison et il était mort avec ces mêmes photos dans sa poche, sans plus jamais avoir revu son fils bien-aimé.
En 2021, après que sa santé se fut dégradée et uniquement suite aux pressions et réclamations de ses compagnons de détention, Mohammed Daoud a été transféré en ambulance de la prison de Gilboa à l’hôpital d’Afula par l’administration carcérale de l’occupation. Il souffrait d’une affection permanente due aux longues conditions de détention particulièrement pénibles, sans parler de la politique systématique de négligence médicale qui affecte tous les prisonniers malades. Pendant tout le temps qu’il a passé en détention, il a perdu la plupart de ses dents et il se nourrit donc généralement de soupe et d’aliments liquides. Il a souffert d’insupportables douleurs abdominales pendant quelque temps et, plus tard, il a développé des problèmes stomacaux chroniques requérant une opération chirurgicale. Il souffre également de psoriasis, une affection cutanée qui provoque des fissures et des saignements, et il a besoin d’autres interventions chirurgicales afin de traiter ses autres problèmes de santé en cours.
La famille de Mohammed considère que la prison, ses fenêtres, ses pierres, ses pierres et les prisonniers ont été remplacés et que de nouvelles générations de la famille sont venues au monde, d’autres s’en sont allées, d’autres encore se sont mariées et ont donné naissance à des enfants pendant que Mohammed, le fils, est toujours resté derrière les barreaux.
Mahmoud Abu Kharabish
Le prisonnier palestinien Mahmoud Abu Kharabish est né dans la ville de Jéricho, en Palestine, au début juin 1965. Il était fermier, affilié au mouvement Fatah et il est le plus ancien prisonnier de la région de Jéricho. Il a été arrêté par les forces de l’occupation à l’âge de 23 ans, le 31 octobre 1988 pour avoir lancé des cocktails Molotov sur un bus de colons à Jéricho lors de la grande intifada populaire. Il a été arrêté par les autorités sionistes et condamné à la prison à vie. Actuellement détenu à la prison de l’occupation de Ramon, il en est à sa 35e année de détention.
Durant sa détention, il a été isolé à maintes reprises dans des cellules de confinement solitaire, ce qui l’a amené à faire plusieurs grèves de la faim contre ces abus. Malgré tout le harcèlement destiné à isoler les prisonniers du monde extérieur, Mahmoud Abu Kharabish n’a pas renoncé et s’est concentré sur sa propre éducation, au cours de ces années. Il a terminé son cycle moyen supérieur dans les prisons de l’occupation et a acquis par correspondance un sous-graduat à l’Université d’Al-Quds, en dépit des tentatives de l’occupation en vue d’empêcher les prisonniers palestiniens de poursuivre des études. Il s’est également arrangé pour apprendre plusieurs langues, dont l’anglais, l’hébreu, l’espagnol et l’allemand.
Pendant tout le temps qu’il a passé derrière les barreaux, Abu Kharabish a été transféré dans plusieurs prisons, dont Junaid, Ramle, Beersheba, Hadarim et la prison d’Ashkelon. Durant ces divers séjours, il a été soumis à la torture, a subi des mauvais traitements et a connu des conditions déplorables, bref, tout ce qui est infligé aux prisonniers dans le but de les forcer à renier leurs positions et à renoncer à participer politiquement à la cause palestinienne. Malgré tout cela, il est connu pour sa personnalité enthousiaste et son rire parmi ses camarades prisonniers palestiniens.
Quand il a été arrêté par les forces de l’occupation, il était marié et sa fille, Asma, était née 40 jours seulement avant son arrestation. Sa maison familiale avait été démolie la même année, au cours d’une action punition collective contre sa famille. Pendant que Mahmoud restait emprisonné, Asma terminait ses études universitaires, se mariait à son tour et avait des enfants. Elle attend toujours le jour où le soleil de la liberté brillera sur son père, dont elle a été privée par les prisons et leurs geôliers pendant près de 35 ans.
Dans une interview, Asma a déclaré :
« Qu’importe l’âge que j’aurai, j’aurai toujours en moi cette enfant qui a été privée de son père, à qui il a été interdit de partager sa vie avec sa famille (…). L’occupation ne m’a pas seulement privée de mon père, mais elle m’a aussi empêchée d’avoir une famille plus large. Mon père a été arrêté alors que j’étais encore un bébé d’à peine 40 jours. À quel point ai-je souhaité d’avoir des sœurs et des frères afin de partager l’amour de notre belle famille (…). Je suis fière de mon père. Il est mon héros, c’est à lui que je dois une plus grande détermination, surtout d’autant qu’il en a toujours autant contre les autorités d’occupation et leurs crimes. Il a droit à la liberté, qu’importe le temps qu’il a passé dans les prisons de l’occupation. Aussi longtemps que sa volonté sera intacte, sa liberté sera certaine. »
Mahmoud Abu Kharabish n’a pas seulement été privé de pouvoir étreindre sa fille Asma, mais également de sa connexion avec les palmiers de Jéricho. Pour lui, l’agriculture était bien davantage qu’une simple profession en vue de gagner sa vie. Il avait une histoire pour chaque palmier et pour chaque datte qu’il goûtait. Son nom faisait partie des noms des prisonniers vétérans censés être relâchés après la signature des accords d’Oslo en 1993, mais les autorités d’occupation ont violé leurs promesses de relâcher les prisonniers restants et Mahmoud et ses frères sont restés emprisonnés jusqu’à ce jour.
Asma a rappelé ceci :
« Ils ont tué notre joie et notre bonheur après que nous nous étions préparés à la fête, et ma grand-mère poussait des youyous en dehors de la maison en attendant de l’accueillir. Nous avions préparé notre maison pour recevoir les sympathisants et amis et distribuer des friandises. »
Durant les longues années passées derrière les barreaux, il a souffert de multiples maladies, qui ont empiré en raison de la négligence médicale systématique des autorités et leur refus d’accorder les traitements médicaux nécessaires. Il souffre d’une maladie de cœur et de problèmes associés aux os de ses pieds, ce qui fait qu’il a des douleurs énormes et que cela lui rend la marche très difficile. Les transferts dans de multiples prisons et les séjours dans les cellules de confinement solitaire ont détérioré plus encore sa santé, d’autant qu’Abu Kharabish a également entamé des grèves de la faim afin de voir ses revendications légitimes exaucées.
Son père est décédé en 1993, alors que Mahmoud était en prison. On lui a refusé d’assister aux funérailles. De même qu’on lui a régulièrement refusé des visites familiales pour des raisons prétendument « sécuritaires ». Sa mère, qui est malade et qui n’a plus qu’un rein, n’a pu lui rendre visite qu’après sept ans d’interruption. Elle avait été amenée à la prison en ambulance, pour cette visite familiale.
Bashir Abdullah al-Khatib
Le prisonnier palestinien Bashir Abdullah al-Khatib, 62 ans, de Ramla en Palestine 1948 occupée, est détenu depuis 35 ans dans les prisons de l’occupation.
Il a été arrêté le 1er janvier 1988, en pleine naissance de la grande intifada populaire à travers toute la Palestine occupée, et il a été accusé d’affiliation à une organisation interdite, de possession d’armes et d’explosifs et de participation à la résistance armée palestinienne. Il a été condamné à la prison à vie ; en 2012, le terme de sa sentence a été ramené à 35 ans. Comme tous les autres prisonniers palestiniens de Palestine 1948 occupée, il est visé par la nouvelle loi sioniste qui a pour but de faire des apatrides (= priver de citoyenneté) des prisonniers palestiniens après leur libération.
Il a été transféré à de multiples reprises entre diverses prisons et soumis à diverses sortes de violations par l’administration carcérale de l’occupation. Comme ses compagnons prisonniers de Palestine 1948 occupée, l’occupation a refusé de le faire figurer dans l’échange de prisonniers, tel l’échange de Wafaa al-Ahrar, prétendant que son emprisonnement était une affaire « israélienne interne ».
Au cours de ses longues années de captivité, Bashir a perdu toutes ses dents et il ne mange qu’avec une extrême difficulté.
Quand il a été arrêté, ses cinq enfants étaient tout petits encore. Depuis, alors que Bashir est toujours en prison, ses enfants ont grandi et se sont mariés. Il n’a pu recevoir de visites de ses petits-enfants qu’après une très longue bataille juridique ; on les lui avait refusées sous le prétexte qu’ils n’étaient pas des « parents au premier degré ».
Affiche du prisonnier Muhammad Adel Daoud (Abu Ghazi)
Affiche du prisonnier Mahmoud Abu Kharabish
Affiche du prisonnier Bashir Abdullah Al-Khatib
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Publié le 1er mars sur Samidoun
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine