Le Canada salue en « héros » un vétéran nazi de la SS

Volodymyr Zelensky, était reçu comme un héros à Ottawa au Canada, où il a adressé un discours au parlement. Le président de la Chambre canadienne des Communes, a rendu hommage à un autre homme originaire d’Ukraine : Yaroslav Hunka, un vétéran de la 14e Division de Grenadiers de la Waffen-SS.

 

Canada : Le président ukrainien Volodomyr Zelensky, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et d’autres représentants au parlement canadien, le 22 septembre. Lors de la séance, au cours de laquelle Zelensky a pris la parole, Yaroslav Hunka, un vétéran de la Waffen-SS nazie, a reçu une standing ovation.

Le président ukrainien Volodomyr Zelensky, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et d’autres représentants au parlement canadien, le 22 septembre. Lors de la séance, au cours de laquelle Zelensky a pris la parole, Yaroslav Hunka, un vétéran de la Waffen-SS nazie, a reçu une standing ovation. (Photo : via CBC News sur YouTube)

 

Ali Abunimah, 24 septembre 2023

Un peu plus tôt, ce mois-ci, Israël a connu une tempête d’indignation du côté de son lobby et de ses sponsors en Occident, à propos de commentaires du chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, dans lesquels ce dernier blâmait les juifs de leurs assassinats mêmes par le gouvernement allemand dirigé par Adolf Hitler dans les années 1940.

L’une des dénonciations les plus virulentes est venue du Canada, dont les représentants à Ramallah ont affirmé que

« les remarques d’Abbas déformaient la vérité historique de l’Holocauste et promouvaient les tropes classiques et contemporains de la haine à l’égard des juifs ».

 

 

On pourrait penser que les membres de ce chœur se soucient réellement de préserver la mémoire des victimes des nazis et qu’ils prennent même au sérieux leur invocation régulière de slogan du genre « Jamais plus ».

Ce serait une erreur.

 

Bienvenue au héros

Vendredi, le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, était reçu comme un héros à Ottawa, où il a adressé un discours au parlement canadien.

Suite à la prise de parole de Zelensky, Anthony Rota, le président de la Chambre canadienne des Communes, a rendu hommage à un autre homme originaire d’Ukraine.

« Nous avons ici, aujourd’hui, à la Chambre (…) un vétéran de guerre ukraino-canadien de la Seconde Guerre mondiale qui a combattu pour l’indépendance ukrainienne vis-à-vis des Russes et qui continue aujourd’hui de soutenir les troupes, même à l’âge de 98 ans »,

a expliqué Rota face à un enthousiasme délirant et à une standing ovation.

Rota d’ajouter qu’il était « très fier » que l’homme, Yaroslav Hunka, vivait dans son propre district électoral de l’Ontario.

« C’est un héros ukrainien, un héros canadien et nous le remercions de tous ses services »,

a ajouté l’orateur au milieu d’applaudissements encore plus frénétiques.

 

En fait, Hunka est un vétéran de la 14e Division de Grenadiers de la Waffen-SS – qui faisait partie de la tristement célèbre Schutzstaffel d’Hilter, les troupes d’élite qui ont perpétré nombre des pires crimes génocidaires de la Seconde Guerre mondiale.

Comme le fait remarquer un article publié dans The Forward,

« c’est la même unité que celle qui a été honorée par des monuments controversés au Canada, en Australie et, comme le révélait récemment The Forward aussi, dans des faubourgs de Philadelphie et de Detroit. Des organisations juives ont demandé qu’on les fasse disparaître ».

Constituée en 1943 de recrues de l’Ukraine occidentale, l’unité Galicie de la Waffen-SS, explique The Forward,

« était armée et entraînée par les nazis et commandée par des officiers allemands. En 1944, la division avait reçu la visite du chef de la SS, Heinrich Himmler, qui avait parlé de la volonté de ses soldats de massacrer les Polonais ».

Le Musée des États-Unis à la mémoire de l’Holocauste détient un certain nombre d’artéfacts sur la division, dont un film d’actualités montrant une somptueuse cérémonie nazie adressant un adieu attendri à la division Galicie de la Waffen-SS au moment où ses soldats allaient quitter la ville de Lviv afin de recevoir un entraînement et une formation avant de se joindre à l’effort de guerre d’Hitler.

Après la guerre, des milliers de vétérans de l’unité Galicie de la Waffen-SS furent autorisés à se réinstaller en Occident, et ils furent plusieurs milliers à gagner le Canada, fait remarquer The Forward.

 


Le blanchiment des nazis

D’une certaine façon, l’horrible spectacle de vendredi au Parlement canadien constitue le point culminant de décennies de blanchiment de l’unité ukrainienne de la Waffen-SS par les membres de la diaspora ukraino-canadienne et d’autres apologistes du nazisme.

Ivan Katchanovski – un spécialiste politique ukraino-canadien de l’Université d’Ottawa qui refuse catégoriquement de blanchir l’ultranationalisme ukrainien et son rôle dans l’exposition de sa patrie au désastre actuel – s’est posé la question :

« Y a-t-il une seule personne au Parlement, ou Zelensky lui-même, qui se rend compte qu’il [Hunka] a servi dans la division de la Waffen-SS ? »

 

 

Il est vraisemblable que de nombreuses personnes qui ont applaudi n’en avaient pas la moindre idée ou ne s’en souciaient absolument pas, mais il y a peu de raison de croire que les dirigeants canadiens, dont le Premier ministre Justin Trudeau, n’en savaient rien. Et il n’y a pas de raison de croire qu’ils s’en seraient d’ailleurs soucié.

Il est bien connu qu’une des principales alliées de Trudeau, la vice-Première ministre Chrystia Freeland, est la fière petite-fille de l’un des principaux propagandistes ukrainiens d’Hitler, Michael Chomiak.

 

Le chef de la SS, Heinrich Himmler, s’adresse à un groupe de soldats de la Waffen-SS dans les « territoires de l’Est », en 1942

Le chef de la SS, Heinrich Himmler, s’adresse à un groupe de soldats de la Waffen-SS dans les « territoires de l’Est », en 1942. (Photo : Musée américain à la mémoire de l’Holocauste)

 

Au lieu de se conformer à la vérité historique sur le rôle de son grand-père dans le recrutement des SS et la diffusion de la propagande antisémite au nom du régime hitlérien, Freeland a tenté de blanchir ce rôle.

En 2018, quand il y avait eu un tollé public à propos de monuments au Canada honorant les nazis ukrainiens, le cabinet de Trudeau s’était attelé à détourner l’attention de la question.

Recourant à des requêtes qui s’appuyaient sur la liberté d’information, un journaliste canadien allait découvrir que « des responsables du gouvernement subissaient de lourdes pressions » du cabinet du Premier ministre « en vue de contrer les informations en l’honneur de collaborateurs nazis », avait rapporté The Ottawa Citizen.

Alors que de nombreux nationalistes ukrainiens avaient toujours gardé vivace une flamme en l’honneur de l’unité Galicie de la Waffen-SS, sa réhabilitation avait réellement décollé suite au coup d’État de 2014 soutenu par les EU, qui avait amené au pouvoir l’actuelle clique d’ultranationalistes.

Récemment, en 2021, les Ukrainiens ont organisé la première parade honorant la division Galicie de la Waffen-SS dans la capitale Kiev, ce qui déclencha des protestations de la part d’Israël et même du président Zelensky.

Mais les choses changent rapidement.

Aujourd’hui, une grande partie des médias et de l’establishment occidentaux, dont Israël et ses organisations de lobbying telle la Ligue anti-diffamation, ont la ferme intention de blanchir les nationalistes ukrainiens qui ont aidé Hitler à exterminer les juifs et les Polonais, puisque cela s’adapte bien à la politique de la guerre par procuration de l’Occident – qui se sert des Ukrainiens comme de chair à canon – contre la Russie.

Il est courant d’entendre les apologistes des volontaires ukrainiens d’Hitler prétendre que l’on se souvient de façon positive, aujourd’hui, des hommes de la division Galicie de la Waffen-SS, malgré leur association avec les nazis, parce que leur motivation véritable consistait à combattre pour l’indépendance ukrainienne contre l’Union soviétique.

L’an dernier, toutefois, Ellen Germain, l’envoyée spéciale américaine sur les questions concernant l’Holocauste, a dit de ce genre de « réhabilitation » des collaborateurs nazis était une forme de « distorsion de l’Holocauste ». Elle avait raison.

 

Cynisme et hypocrisie

Tout cela montre à quel point ont été cyniques toutes les condamnations pieuses prononcées contre Mahmoud Abbas.

Au moment où nous écrivons ces lignes, l’ambassadeur d’Allemagne à Tel-Aviv, l’envoyée des EU sur l’antisémitisme, Deborah Lipstadt, et son homologue à l’UE, Katarina von Schnurbein, ainsi que Jonathan Greenblatt, le responsable de la Ligue anti-diffamation – parmi les innombrables personnes qui ont condamné Abbas – n’ont rien dit de la célébration des nazis par la totalité des membres de l’establishment politique du Canada.

Honnêtement, il serait surprenant que l’un ou l’autre d’entre eux le fasse.

Parmi les gouvernements et élites de l’Occident, l’Holocauste n’est plus traité – en admettant qu’il l’ait jamais été – comme un crime historique avec des victimes réelles dont le souvenir mérité d’être vraiment honoré.

C’est tout simplement un club politique qui doit être hypocritement utilisé au nom d’Israël et contre les ennemis officiels chaque fois que la chose est utile et pratique.

Dans le contexte d’une mauvaise fois aussi outrancière, les universitaires et activistes palestiniens qui ont consciencieusement signé une lettre ouverte condamnant les commentaires d’Abbas devraient réfléchir sur la futilité – au mieux – de leur geste.

 

Pendant ce temps, les étudiants et les enseignants, les écrivains et les artistes – tous ceux qui défendent la Palestine – sont régulièrement accusés à tort d’antisémitisme alors que des nazis bien en vie reçoivent des standing ovations des amis les plus proches d’Israël.

C’est tout bonnement dégoûtant.

 

Mise à jour du 25 septembre

Dimanche soir, Anthony Rota, le président de la Chambre canadienne des Communes, a sorti une déclaration dans laquelle il s’excusait de ses chaleureuses louanges à l’égard du vétéran nazi de la SS, Yaroslav Hunka, qu’il avait invité à assister à la séance de vendredi durant laquelle le président ukrainien Volodymyr Zelensky devait prendre la parole.

« Par après, j’ai été mis au courant d’informations complémentaires qui m’ont poussé à regretter ma décision », a

écrit Rota.

Le président de la Chambre a assumé l’entière responsabilité de la chose, affirmant que

« personne, pas même ses collègues parlementaires et la délégation ukrainienne, n’était conscient de mon intention ou de mes remarques avant que je ne les délivre ».

Voilà qui, décidément, arrange bien les choses pour la classe politique du Canada qui, désormais, peut prétendre dans son intégralité qu’elle ne se rendait aucunement compte à quel point était profondément enracinée la vénération envers la division Galicie de la Waffen-SS parmi la diaspora ukrainienne du Canada, très influente sur le plan politique.

La déclaration du président de la Chambre est venue après que les Amis du Centre Simon Wiesenthal pour les études sur l’Holocauste, une institution farouchement pro-israélienne, avaient exigé une explication et des excuses pour la standing ovation accordée au vétéran nazi.

Michael Mostyn, le chef de B’nai Brith Canada, une autre organisation pro-israélienne très influente, a lui aussi condamné l’accueil, avec statut de héros, réservé à l’ancien soldat nazi de 98 ans.

 

De là, l’affaire s’est muée en un furieux scandale politique et elle a fait les gros titres au Canada et dans le monde entier.

Le Premier ministre Justin Trudeau qui, comme on l’a fait remarquer plus haut, doit bien être conscient des profondes connexions nazies au sein de certaines parties de la diaspora ukrainienne au Canada, essaie astucieusement lui aussi de se distancier de cette débâche plus qu’embarrassante.

« Le président indépendant de la Chambre des Communes a présenté ses excuses et accepté l’entière responsabilité de l’invitation et de se reconnaissance au Parlement. C’était exactement la chose qu’il fallait faire »,

a déclaré le cabinet du Premier ministre.

Une représentante du gouvernement, Karin Gould, a également nié que Trudeau ait rencontré personnellement Hunka, bien que des images postées dans les médias sociaux, apparemment par l’un des proches de Hunka, permettent de suggérer – que cette rencontre avec Hunka ait eu lieu ou pas – qu’on aurait très bien pu la planifier et s’y attendre.

https://twitter.com/DanPizzaGuy/status/1706196560785064361?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1706196560785064361%7Ctwgr%5E9ce3e0b01c5cc7163a233396ea522419982c7b0c%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fali-abunimah%2Fcanada-hails-nazi-ss-veteran-ukraine-hero

 

Une autre photo, apparemment postée et ensuite détruite par Gould sur Instagram, la montre en train de poser avec Hunka et le président de la Chambre, Rota.

Ces images ont circulé largement dans les médias sociaux, bien que The Electronic Intifada n’ait pas été en mesure de localiser leurs sources d’origine – vraisemblablement, elles ont été supprimées.

 

Aucune photo de Trudeau avec Hunka n’est apparue jusqu’à présent.

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique du Canada, de centre gauche, a lui aussi présenté ses excuses pour sa participation à ces scandaleux applaudissements en faveur d’un nazi.

 

Toutes ces excuses ne serviront pas à grand-chose pour alléger les inquiétudes à propos du très long soutien accordé par le Canada aux nazis en Ukraine, un soutien qui ne s’est pas exprimé uniquement par des louanges et des applaudissements, mais aussi à l’aide de formations, d’entraînements et d’armes, et ce, depuis de longues années déjà.

L’historien Tarik Cyril Amar, un spécialiste des ultranationalistes ukrainiens, a expliqué que le président de la Chambre canadienne des Communes s’était engagé dans un « kamikaze visant à contrôler les dégâts » et qu’il avait essayé de protéger la classe politique du Canada en assumant seul l’entière responsabilité de l’affaire.

 

« Mais le fait est que cela aussi est profondément déshonnête. Ce dont le Canada souffre, c’est d’un profond problème omniprésent, avec ses hommes politiques qui lèchent les bottes de l’extrême droite organisée de la ‘diaspora’ ukrainienne et qui font passer cette normalisation méprisable pour du ‘multiculturalisme’ et de la ‘tolérance’ »,

a ajouté Amar.

« Le pays a besoin d’un débat national douloureux et d’une sérieuse correction de cap. Et non pas d’un bouc émissaire, pas même d’un bouc émissaire volontaire. »

 

 

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 24 septembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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