Les allégations d’Israël à propos du massacre de l’hôpital s’écroulent rapidement

Les hauts responsables et les partisans d’Israël y sont allés de déclarations fausses et contradictoires dans un effort en vue de nier toute responsabilité pour une frappe aérienne qui a tué mardi des centaines de Palestiniens dans l’hôpital arabe al-Ahli de Gaza.

Conférence de presse parmi des corps de Palestiniens assassinés par Israël à l'hôpital al-Ahli

Conférence de presse parmi des corps de Palestiniens assassinés à l’hôpital al-Ahli (Photo via Twitter)

 

Ali Abunimah, 17 octobre 2023

Mais les tentatives de rejet se sont rapidement avérées bancales.

https://twitter.com/Aldanmarki/status/1714381390660202642

Un compte officiel du gouvernement israélien sur Twitter (désormais X), a posté et ensuite rapidement retiré une vidéo dont il disait qu’elle soutenait les allégations israéliennes selon lesquelles l’hôpital avait en fait été frappé par une roquette palestinienne défectueuse.

 

Dans sa version publiée actuelle, le tweet du gouvernement israélien essaie toujours de faire porter le blâme du missile lancé par erreur au Djihad islamique, une organisation palestinienne de résistance dans la bande de Gaza. Mais la vidéo a été retirée.

 

Plus tard, le même compte a publié une autre vidéo, avec des prises de vue en provenance d’Al Jazeera, prétendant qu’elle montrait

« l’instant où le Djihad islamique avait lancé une roquette qui avait dévié de sa course et frappé un hôpital de Gaza, tuant ainsi des centaines de personnes ».

Mais des observateurs avaient rapidement contesté ce récit aussi, en faisant remarquer que l’effet de la roquette dont on voit le lancement est très éloigné de l’explosion massive qui a lieu au solune déflagration bien plus forte que ce que permet une arme palestinienne.

 

D’autres comptes pro-israéliens – pas nécessairement officiels – ont également partagé d’anciennes vidéos et informations dans un effort en vue de disculper Israël.

 

Une déflagration massive

Une vidéo confirmée de l’attaque contre l’hôpital montre également une explosion massive, bien plus forte que tout ce qui est susceptible d’avoir été provoqué par une roquette palestinienne à la trajectoire déviée.

« La vidéo, filmée à l’extérieur de l’hôpital et vérifiée par The Washington Post, enregistre les premiers sons d’une explosion – un puissant vrombissement dans l’air, puis une explosion. La caméra opère ensuite un panoramique pour montrer ces flammes et des panaches orange de fumée »,

rapporte ce journal.

 

Des prises de vue de la scène du massacre montrent les corps sans vie de petits enfants et des douzaines et des douzaines de corps recouverts.

https://twitter.com/LocalFocus1/status/1714347393364209873?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1714347393364209873%7Ctwgr%5E6fa36932504534cb2dde5e1961a4af3d8febdb3e%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fali-abunimah%2Fisraels-spin-about-hospital-massacre-quickly-comes-apart

 

Wael Dahdouh, un correspondant d’Al Jazeera dans la bande de Gaza, opérant depuis al-Ahli, a dit qu’on avait surtout découvert des membres arrachés.

« Il est rare de trouver un corps entier avec toutes ses parties »,

a-t-il dit.

« Plus nous nous sommes avancés à l’intérieur de l’hôpital, plus nous avons découvert des scènes choquantes. »

 

L’hôpital avait déjà été attaqué à deux reprises par Israël

Le massacre de mardi n’était pas la première attaque contre l’hôpital al-Ahli.

Les Amis américains du diocèse épiscopal de Jérusalem, qui collecte des fonds pour l’hôpital, ont déclaré que le centre de traitement diagnostique du cancer de l’hôpital avait été frappé par un tir de roquette israélien le 14 octobre, blessant quatre membres du personnel.

Yousef Abu al-Rish, un important spécialiste de la santé à Gaza, a expliqué à Al Jazeera que, le lendemain de l’attaque samedi contre l’hôpital al-Ahli, l’armée israélienne avait appelé le directeur de l’hôpital pour lui dire que « nous vous avons prévenu hier avec deux obus » et lui ordonner de faire évacuer le site.

 

Avant la frappe contre l’hôpital al-Ahli, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait répertorié près de 60 attaques contre les soins de santé, lesquelles s’étaient traduites par la mort de 16 travailleurs des soins de santé et des dégâts dans 26 dispensaires de soins. Quatre d’entre eux, dans le nord de Gaza, avaient été évacués et « ne sont plus opérationnels », selon l’ONU.

 

Une tentative de brouillage des pistes

En de tels moments, Israël a l’habitude de déverser des flots de propagande afin de brouiller les pistes et de rejeter le blâme sur autrui et de créer un discours médiatique dominé par l’incertitude et la controverse, exactement comme il l’avait fait après que les soldats avaient assassiné la correspondante d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh, l’an dernier.

https://twitter.com/TamaraINassar/status/1714447162187112474?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1714447162187112474%7Ctwgr%5E6fa36932504534cb2dde5e1961a4af3d8febdb3e%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fali-abunimah%2Fisraels-spin-about-hospital-massacre-quickly-comes-apart

Cette stratégie a déjà fonctionné avec un succès partiel. Le site internet du New York Times, par exemple, a publié ce gros titre sur sa première couverture : « Israéliens et Palestiniens s’accusent mutuellement de l’explosion à l’hôpital de Gaza qui a tué des centaines de personnes. »

 

D’aucuns s’en attribuent le crédit

Mais, alors qu’une partie du gouvernement israélien tentait de rejeter sa responsabilité dans l’attaque contre l’hôpital, un représentant israélien au moins s’en réjouissait.

Hananya Naftali, un haut fonctionnaire responsable de la « guerre digitale » en ligne d’Israël, a déclaré dans un tweet aujourd’hui supprimé que les forces aériennes israéliennes « avaient frappé une base terroriste du Hamas à l’intérieur d’un hôpital à Gaza ».

 

« Un nombre élevé de terroristes sont morts »,

a-t-il dit, ajoutant :

« Cela fend le cœur de voir le Hamas lancer des roquettes depuis des hôpitaux (…) et utiliser des civils comme boucliers humains. »

Après avoir effacé le tweet, Naftali est repassé au message et s’est mis à cracher les mêmes allégations du gouvernement israélien accusant les Palestiniens d’avoir bombardé leur propre hôpital.

Un autre compte – se faisant passer faussement pour un journaliste d’Al Jazeera – a prétendu que c’était le Hamas qui avait effectué l’attaque.

 

D’autres comptes pro-israéliens ont partagé des vidéos prétendant confirmer qu’une roquette mal tirée avait provoqué le carnage de l’hôpital, mais ces allégations ont-elles aussi été infirmées par Evan Hill, un journaliste en criminalistique visuelle du Washington Post.

 

Les journalistes n’en veulent pas

Les tentatives précoces d’Israël en vue d’inverser les faits et de détourner la vérité ne sont pas parvenues non plus à convaincre d’autres journalistes.

Un correspondant de la BBC à Jérusalem fait partie des nombreuses personnes qui ont fait remarquer que l’ampleur des dégâts était bien plus grande que ce qui avait jamais été causé par des roquettes palestiniennes. Le correspondant de MSNBC y est allé d’une observation similaire.

https://twitter.com/MazMHussain/status/1714373637464023393?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1714373637464023393%7Ctwgr%5E6fa36932504534cb2dde5e1961a4af3d8febdb3e%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fali-abunimah%2Fisraels-spin-about-hospital-massacre-quickly-comes-apart

 

Elior Levy, un correspondant du diffuseur public israélien, a exprimé sa frustration concernant l’extrême pauvreté de la documentation présentée par l’armée israélienne pour étayer ses allégations selon lesquelles le massacre avait été provoqué par une roquette mal tirée.

« Même un millier de rapports ne serviront à rien sans documentation visuelle »

a-t-il dit.

 

Menaces et attaques contre des sites de soins de santé

L’horreur de mardi, qui a tué des centaines de personnes selon les premières estimations émanant des autorités sanitaires de Gaza, est de loin la pire attaque de cette campagne militaire qui en était à sa onzième journée d’affilée ce mardi et qui vise les civils de l’ensemble de l’enclave côtière.

Cela vient après qu’Israël a déjà attaqué à de multiples reprises des sites et des travailleurs médicaux un peu partout à Gaza.

 

Ces derniers jours, Israël a ordonné à plusieurs hôpitaux du nord de Gaza d’évacuer complètement. Ils ont répondu que c’était impossible. L’OMS a qualifié cet ordre israélien de « sentence de mort ».

 

 

L’OMS a confirmé mardi que l’hôpital arabe al-Ahli

« était l’un des 20 hôpitaux du nord de Gaza à être confrontés à des ordres d’évacuation en provenance de l’armée israélienne ».

« Il a été impossible d’exécuter cet ordre d’évacuation étant donné l’actuelle insécurité, l’état critique de bien des patients, le manque d’ambulances et de personnel, la faible capacité en lits du système de santé et le manque d’abris alternatifs pour les personnes déplacées »,

a ajouté l’OMS.

À Washington, le Pentagone n’a pas hésité un seul instant à répéter les allégations israéliennes sans fondement disant que le Hamas opérait depuis les hôpitaux.

Mais il s’avère que cette ligne constitue une justification américaine de l’attaque israélienne contre l’hôpital, plutôt que comme une négation du fait que c’est Israël qui a effectué ce bombardement.

 

Malgré le soutien prévisible émanant de l’administration Biden, les premières indications sont que les tentatives maladroites d’Israël en vue de se disculper de cette horreur convainquent bien peu de personnes ne figurant déjà pas parmi ses apologistes les plus fidèles.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

 

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Publié le 17 octobre 2023 sur The ElectronicIntifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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NDLR : Afin de pouvoir lire les “tweets” et vidéos repris dans l’article, ouvrez un compte Twitter (X).

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