“Utiliser la famine comme arme de guerre”, pendant que les frappes israéliennes tuent des centaines de personnes

L’ONG britannique Oxfam met en garde contre le fait que « la famine est utilisée comme arme de guerre contre les civils de Gaza », puisque Israël empêche la fourniture d’aide et maintient le territoire sous un état de siège total.

 

Utiliser la famine comme arme de guerre : destruction d'une boulangerie dans le camp de réfugiés de Nuseirat

24 octobre 2023. Le centre commercial Abu Dalal, dans le camp de réfugiés de Nuseirat, vient d’être touché par une frappe aérienne israélienne. (Photo : Atia Darwish / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 25 octobre 2023

Ces dernières 24 heures, a déclaré mercredi le ministère de la santé à Gaza, Israël a tué 750 Palestiniens, dont près de 350 enfants. Le ministère dit que plus de 6 500 Palestiniens, dont environ 2 700 enfants, ont été tués dans le territoire depuis le 7 octobre.

Entre-temps, l’ONG britannique Oxfam met en garde contre le fait que « la famine est utilisée comme arme de guerre contre les civils de Gaza », puisque Israël empêche la fourniture d’aide et maintient le territoire sous un état de siège total.

Mardi soir, quelque 1 550 personnes, dont 870 enfants, étaient portées manquantes et « peuvent toujours se trouver sous les décombres », selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires.

« Cela résulte des bombardements et frappes aériennes les plus intenses d’Israël contre Gaza depuis le début de l’escalade », a déclaré l’ONU mardi.

Le porte-parole du ministère de la santé de Gaza a dit que le système des soins de santé du territoire s’était complètement effondré et il a demandé « un flux immédiat d’aide médicale et de carburant afin de relancer le travail dans les départements absolument vitaux ».


Sans carburant, l’UNRWA va fermer

L’UNRWA, la première agence d’aide à Gaza, a prévenu qu’elle allait être forcée de mettre un terme à toutes ses activités à la fin de la journée de mercredi, si on n’apportait pas immédiatement du carburant dans le territoire.

Les vies de milliers de patients sont en danger du fait que les hôpitaux tombent en panne de carburant. Parmi ces patients, ils sont un bon millier à dépendre d’un traitement de dialyse, il y a 130 bébés prématurés ainsi que des patients en soins intensifs ou qui ont besoin d’équipements destinés à les maintenir en vie.

Israël a imposé un siège total à Gaza, le 9 octobre, en coupant l’approvisionnement du territoire en carburant, en électricité et en eau. L’unique centrale électrique de Gaza s’est mise à l’arrêt quelques jours plus tard, à court de carburant.

« Depuis le 11 octobre, Gaza subit un blackout complet de l’électricité, ce qui rend ses hôpitaux et ses installations hydrauliques dépendantes de générateurs de secours fonctionnant avec du carburant »,

selon l’ONU.

Plus d’un tiers des hôpitaux de Gaza et près de deux tiers de ses installations de soins de première ligne ont fermé en raison des dégâts provoqués par les attaques ou en raison du manque de carburant.

Seul un mince filet d’aide humanitaire vient en empruntant le passage de Rafah, à la frontière sud de Gaza avec l’Égypte.

Vingt camions transportant de l’aide destinée à Gaza – le cinquième convoi de ce genre depuis samedi – ont été inspectés à un poste frontière israélien avant de pouvoir entrer à Gaza, a déclaré mercredi l’organisation égyptienne Sinaï pour les droits humains.

Des camions censés entrer à Gaza mardi soir étaient toujours à l’arrêt au poste frontière israélien, a ajouté l’organisation égyptienne.

Le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires a également déclaré mardi que Rafah restait fermé ce jour-là et que les camions censés entrer à Gaza étaient retenus « par les autorités israéliennes pour des raisons sécuritaires » au passage de Nitzana entre Israël et l’Égypte.

Le nombre de camions qui sont entrés à Gaza depuis samedi constitue une infime fraction de ce qui entrait quotidiennement sur le territoire avant le 7 octobre, alors que ce même territoire subissait déjà un blocus israélien depuis 2007.


L’aide qui passe par Rafah : une feuille de vigne qui masque un génocide

Dans son discours prononcé lors du Conseil de sécurité de mardi, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a réclamé une fourniture d’aide « sans restriction ».

Appuyée par les Nations unies, l’ouverture du passage de Rafah était une importante réalisation des efforts du secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et elle avait été mise en avant par l’administration Biden pour démontrer son prétendu souci du bien-être des Palestiniens à Gaza alors qu’il soutient en fait la campagne militaire d’Israël qui a tué des milliers de civils.

L’emphase sur l’infime quantité d’aide qui entre à Gaza via Rafah masque le refus par Israël que soient livrés des essentiels vitaux – en particulier électricité, eau et carburant – aux 2,3 millions de Palestiniens du territoire.

Israël dit qu’il ne transférera aucune aide via les passages qu’il contrôle tant que les organisations palestiniennes armées de Gaza détiendront des personnes capturées en Israël.

« Empêcher volontairement le passage des fournitures de secours est un crime de guerre, puisque cela punit collectivement des civils pour les actions des organisations armées »,

a déclaré Human Rights Watch lundi.

En l’absence de toute pression sur Israël en vue des restaurer la livraison des essentiels vitaux, le mince flux d’aide qui entre via Rafah ne représente guère plus qu’une feuille de vigne censée masquer le génocide à Gaza soutenu par Washington et dégageant Israël se ses responsabilités envers les lois internationales.


Israël bombarde un supermarché bondé

Mercredi, l’ONG britannique Oxfam a déclaré que « la famine est utilisée comme une arme de guerre contre les civils de Gaza », puisque 2 pour 100 seulement de la quantité habituelle de nourriture était délivrée au territoire depuis qu’Israël a durci son siège.

« Alors qu’une quantité restreinte d’aide alimentaire a pu entrer, aucune importation commerciale de nourriture n’a pu le faire », a déclaré Oxfam. Et une partie de cette aide alimentaire, entre autres, du riz et des lentilles, « est inutile, puisque les gens n’ont ni eau potable ni carburant pour les préparer ».

L’ONG a ajouté que la catastrophe qui se déroule à Gaza contrevient à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée en 2018 et « condamnant unanimement le recours à la famine contre des civils en tant que méthode de guerre et qualifiant tout refus d’accès humanitaire de violation des lois internationales ».

Israël a bombardé plusieurs boulangeries et supermarchés et les rares boulangeries qui opèrent encore « ne peuvent satisfaire la demande locale de pain frais et risquent de devoir fermer en raison de la pénurie de denrées essentielles comme la farine et le carburant »,

a expliqué Oxfam.

Ramy Abdu, directeur de l’Euro-Med Human Rights Monitor (Moniteur des droits humains pour l’Europe et la Méditerranée) a déclaré mercredi que, la nuit précédente, Israël avait bombardé la seule boulangerie de la zone de Maghazi, dans le centre de Gaza, tuant 10 personnes et en blessant bien d’autres encore. La boulangerie

« s’était vu livrer de la farine quelques heures plus tôt par l’UNRWA »,

l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, a encore dit Ramy Abdu.

 

Mardi, l’ONU a déclaré que la plupart des boulangeries allaient fermer dans les trois jours si elles ne recevaient pas davantage de carburant.

L’ONU a expliqué qu’au moins 20 personnes avaient été tuées mardi quand les frappes aériennes israéliennes avaient touché le marché central du camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza.

« L’incident a eu lieu à midi, alors que le marché était noir de monde », d’après l’ONU. « Des gens qui faisaient leurs courses ont été touchés alors qu’ils se trouvaient à l’intérieur d’un grand supermarché. »

Des photos montrent des blessés et des tués que l’on emmène depuis le centre commercial Abu Dalal et on peut également apercevoir quelqu’un qui recouvre une partie d’un bras arraché à l’une des victimes :

 

Des prises de vue des caméras de sécurité montrent l’explosion à l’intérieur du supermarché bondé :

 

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 25 octobre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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