Des bébés meurent, des patients sont abattus : Israël assiège les hôpitaux dans le nord de Gaza

Depuis jeudi 9 novembre, Israël assiège les hôpitaux de la partie nord de la bande de Gaza. Des sites médicaux subissent « d’incessants bombardements » depuis les dernières 24 heures, expliquait samedi l’ONG Médecins sans frontières (MSF).

 

3 novembre 2023. Des Palestiniens blessés sont soignés à l’hôpital al-Shifa, à Gaza même.

3 novembre 2023. Des Palestiniens blessés sont soignés à l’hôpital al-Shifa, à Gaza même. (Photo : Bashar Taleb / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 11 novembre 2023

L’ONG d’ajouter que ses équipes et patients se trouvaient toujours à l’intérieur de l’hôpital al-Shifa à Gaza, le plus grand complexe médical d’un territoire où, à la date de ce vendredi, plus de 11 000 personnes ont été tuées depuis le 7 octobre.

Ce samedi, le ministère de la santé de Gaza n’a pu publier de mise à jour du chiffre des victimes « du fait que les forces israéliennes assiègent les hôpitaux et ont coupé les télécommunications », a déclaré Defense for Children International – Palestine (DCI-P).

MSF a fait savoir qu’a-Shifa avait été privé de courant vendredi et que

« les ambulances ne pouvaient plus prendre en charge les blessés, et que les bombardements incessants empêchaient l’évacuation des patients et du personnel ».

Le personnel « avait vu des gens se faire abattre alors qu’ils tentaient de fuir l’hôpital », a expliqué l’ONG.

Mohammed Obeid, un chirurgien de MSF à l’hôpital al-Shifa, a déclaré que les tirs des snipers avaient ciblé quatre patients à l’intérieur du bâtiment, qu’ils avaient touché un tétraplégique au cou et un autre patient au ventre :

 

Il a encore déclaré que deux patients nouveau-nés étaient morts du fait que les incubateurs ne fonctionnaient plus, vu le manque d’électricité, et qu’un patient adulte était mort après que son ventilateur s’était arrêté.

Obeid a réclamé une garantie que les 600 patients hospitalisés d’al-Shifa puissent être évacués en sécurité.

 

Des membres du personnel de l’hôpital « pris pour cibles et blessés »

L’ONG britannique Medical Aid for Palestinians (MAP) a déclaré samedi que l’unité des soins intensifs d’al-Shifa avait été bombardée et endommagée et que « des membres du personnel se déplaçant entre les bâtiments s’étaient fait tirer dessus et avaient été très grièvement blessés ».

L’organisation a ajouté que des personnes blessées alors qu’elles tentaient de fuir « gisaient mortes ou blessées dans la rue, vu qu’il était impossible de leur porter secours ».

« Comme la morgue est fermée, une centaine de corps sont empilés et ne peuvent être incinérés », a déclaré MAP.

Les médecins ont dû ventiler à la main les patients dans un état critique, puisque les générateurs d’énergie de secours de l’hôpital s’étaient arrêtés.

Israël a coupé le courant sur tout le territoire voici un mois dans le cadre d’une punition collective, ce qui est interdit par les lois internationales, et il a refusé d’autoriser l’acheminement vers Gaza du carburant nécessaire de toute urgence.

MAP a déclaré que d’autres patients nouveau-nés « allaient mourir bientôt si l’approvisionnement en électricité n’était pas rétabli ».

L’ONG d’ajouter que cela faisait des semaines qu’elle mettait en garde contre les « conséquences catastrophiques que cela entraînerait si les dirigeants mondiaux ne protégeaient pas les soins de santé à Gaza ».

« Nos pires craintes sont en train de se réaliser », a déclaré l’organisation.

 

« Aucune justification »

Martin Griffiths, le responsable humanitaire de l’ONU, a déclaré samedi que

« rien ne pouvait justifier des faits de guerre contre des sites médicaux, en les privant d’énergie, de nourriture ou d’eau, en tirant sur les patients et les civils qui tentent de fuir »,

mais il n’a pas cité nommément Israël, dans sa déclaration.

« C’est déraisonnable, punissable et cela doit cesser », a ajouté Griffiths.

Robert Mardini, le directeur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a recouru à un langage inhabituellement musclé, samedi, en déclarant que l’organisation humanitaire avait été

« choquée et horrifiée par les images et les rapports émanant de l’hôpital al-Shifa, à Gaza ». « Les hôpitaux, les patients, le personnel et les soins mêmes doivent être protégés »,

a ajouté Mardini.

 

Tant les EU que l’ONU ont contribué à donner à Israël le feu vert dans ses attaques contre les hôpitaux dans le nord de la bande de Gaza.

Le porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby a confirmé en début de mois que l’administration Biden n’avait établi aucune ligne rouge pour Israël dans la guerre qu’il projetait contre le Hamas et qui a déjà tué des milliers de civils palestiniens :

 

Le département d’État de Biden refuse également de confirmer si les EU reconnaissent que la Quatrième Convention de Genève s’applique à Gaza et à la Cisjordanie et il ne fait en outre nullement état d’un cadre juridique susceptible de s’appliquer ici.

Lors d’un briefing de presse, le 9 novembre, le journaliste Sam Husseini a déclaré :

« C’est une zone de tir libre, si vous n’êtes pas disposés à respecter la Quatrième Convention de Genève. »

Entre-temps, António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a répété servilement la propagande du gouvernement israélien en réclamant « que cesse l’utilisation des civils comme boucliers humains ».

Guterres a donné à Israël un prétexte pour cibler délibérément des civils et des objets civils en floutant la distinction entre cibles civiles et cibles militaires. En agissant de la sorte, le chef de l’ONU a mis en danger les vies des patients, des membres de leurs familles, du personnel médical et des personnes déplacées.

Israël a prétendu à maintes reprises, et sans fournir de preuves crédibles, que le Hamas utilise l’hôpital d’al-Shifa comme centre de commandement. Le Hamas réfute avec énergie cette accusation et il a invité Guterres à constituer une délégation internationale afin de visiter les hôpitaux de Gaza et d’infirmer ainsi ce qu’il qualifie « de mensonges et d’affabulations manifestes proférés par Israël » afin de justifier le ciblage des civils.

 

« Une sentence de mort collective »

« Ayez de la compassion pour nous, nous sommes aussi des êtres humains »,

a plaidé Muhammad Rayhan, un homme blessé actuellement traité à l’hôpital al-Shifa, sur une prise de vue réalisée samedi par Al Jazeera en anglais.

Hanan Fayyad, une femme de l’hôpital, a expliqué que sa fille avait été paralysée suite à une frappe israélienne alors qu’elle faisait la file pour acheter du pain.

Muhammad Abu Salamiya, le directeur d’al-Shifa, a déclaré que le personnel médical ne pouvait évacuer

« car il y a plus de 60 patients dans l’unité des soins intensifs, plus de 50 enfants dans les départements néonataux et pédiatriques, et plus de 500 patients dans les départements de dialyse ».

Physicians for Human Rights – Israel (Médecins pour les droits humains – Israël – PHR-I) a déclaré que, sans électricité, eau et oxygène, et avec des patients blessés laissés en plan à l’hôpital al-Shifa

« sans traitement ou possibilité de s’échapper », la situation n’était plus une « catastrophe humanitaire, mais une sentence de mort collective ».

Vendredi dans la soirée, l’Office des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires a déclaré que des centaines de milliers de Palestiniens restés dans la partie nord de Gaza « luttaient pour survivre du fait que l’eau potable et la nourriture étaient rares ».

Désormais, l’hôpital al-Ahli, à Gaza même, est le seul site fonctionnant à demi qui soit capable de répondre aux besoins médicaux des gens du nord de Gaza, a expliqué samedi le chirurgien britannico-palestinien Ghassan Abu Sitta.

 

Abu Sitta a déclaré qu’Israël ciblait des écoles situées à proximité d’al-Ahli, où les abords de l’hôpital ont été transformés en hôpital de campagne rudimentaire dans le voisinage même de fusillades, de tirs de char, d’armes individuelles et de mitrailleuses.

Abu Sitta a déclaré vendredi que les médecins « avaient vu de multiples cas de malnutrition et de déshydratation aiguë chez des enfants en bas âge ».

Et d’ajouter que, suite à l’effondrement de la totalité des quatre hôpitaux pédiatriques de Gaza, « les enfants souffrant de maladies chroniques n’avaient plus aucun accès à des soins médicaux spécialisés ».

« Nous avons eu des enfants souffrant de diabète, d’asthme ou de maladie auto-immunitaire qui cherchaient des soins médicaux aux urgences de l’hôpital al-Ahli »,

a déclaré Abu Sitta.

 

Les ambulances à court de carburant

La Société du Croissant-Rouge de Palestine a rapporté samedi que des chars israéliens se trouvaient à vingt mètres de l’hôpital Al-Quds, à Gaza même. Il y avait

« des tirs directs sur l’hôpital, ce qui a provoqué un sentiment extrême de panique et de crainte parmi les 14 000 personnes déplacées »,

a déclaré la PRCS.

L’organisation humanitaire a ajouté que seules 7 de ses 18 ambulances de la partie nord de Gaza étaient actuellement opérationnelles et qu’elles seraient mises à l’arrêt dans les quelques heures à venir, lorsqu’elles tomberaient à court de carburant.

« Nos équipes assistent à de nombreuses pertes en vies humaines, avec de nombreux blessés, mais c’est un véritable défi pour elles de les atteindre, du fait que l’armée israélienne cible automatiquement les ambulances s’approchant des zones affectées »,

a ajouté la PRCS.

Mohammed Abu Mughaisib, coordinateur médical adjoint de MSF à Gaza, a expliqué à l’adresse du Washington Post que les tirs d’obus avaient forcés le personnel médical d’évacuer l’hôpital pédiatrique d’al-Nasr en laissant derrière lui cinq bébés dans des couveuses.

Le directeur de l’hôpital al-Nasr a dit dans The Washington Post que l’armée israélienne avait adressé au directeur de l’hôpital al-Rantisi, une autre clinique de soins pédiatriques, une carte détaillant une route d’évacuation pour les hôpitaux, et qu’elle avait accordé un délai de cinq minutes aux responsables de l’hôpital avant que l’armée ne se mette à encercler ses bâtiments.

Une vidéo postée vendredi dans les médias sociaux montre des gens qui portent des drapeaux blancs et qui se retrouvent sous les tirs au moment où ils tentent de quitter l’hôpital al-Nasr.

Dans la soirée de vendredi, 20 des 36 hôpitaux de Gaza ne fonctionnaient plus du tout, a estimé l’ONU.

Le chef d’une délégation du CICR à Gaza a déclaré vendredi que

« les destructions qui affectaient les hôpitaux de Gaza devenaient insupportables et devaient cesser. Les vies de milliers de civils, de patients et de travailleurs médicaux sont en danger. »

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

Ali Abunimah a contribué à ce reportage.

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Publié 11 novembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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