La famine sévit à Gaza où le nombre de tués a franchi le cap des 20 000

La guerre génocidaire des EU et d’Israël contre Gaza a franchi un cap sinistre, ce jeudi, avec un nombre de tués pour tout le territoire, depuis le 7 octobre, évalué désormais à 20 000.

 

19 décembre 2023. Une Palestinienne porte le corps enveloppé de son enfant tué par une frappe israélienne à Rafah, dans le sud de Gaza.

19 décembre 2023. Une Palestinienne porte le corps enveloppé de son enfant tué par une frappe israélienne à Rafah, dans le sud de Gaza. (Photo : Abed Rahim Khatib / DPA)


Maureen Clare Murphy
, 22 décembre 2023

Gaza a subi « certains des bombardements les plus intensifs de la guerre », ce jeudi, estime Reuters, alors que les combattants palestiniens du territoire continuaient de lancer des roquettes jusqu’au nord de Tel-Aviv.

Il a été rapporté que quatre soldats israéliens avaient été tués à Gaza entre mercredi et jeudi, portant au moins à 138 le nombre total de tués israéliens depuis le début de l’invasion terrestre, outre 771 blessés.

Entre-temps, le personnel chargé de tenir à l’œil la famine pour le compte de l’ONU a dit qu’il était prévu que,

« entre le 8 décembre 2023 et le 7 février 2024, la population de Gaza constituerait la plus grande proportion de personnes confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë jamais répertoriée sur terre »

par la Classification intégrée de la phase de sécurité alimentaire (appelée plus communément « échelle IPC »), et ce, depuis sa création, il y a près de vingt ans.

Parmi la population de Gaza (2,3 millions d’habitants), environ une personne sur 115 – avec plus d’une moitié d’enfants et une grande majorité de réfugiés – a perdu la vie ces dernières semaines.

Le personnel des morgues de Gaza a dû lutter pour établir le nombre des victimes

« au beau milieu de l’effondrement des services de communication et autres infrastructures (…) provoqué par l’offensive israélienne »,

affirme Reuters.

Le nombre réel de pertes humaines est bien plus élevé. L’estimation du ministère palestinien de la santé à Gaza ne comprend que les personnes qui ont été identifiées ou encore réclamées par des proches.

Plusieurs milliers d’autres personnes sont portées manquantes, dont un grand nombre sont toujours sous les décombres des bâtiments détruits.

Retrouver et identifier les restes de ces personnes va prendre des années, estime le Dr Gilbert Burnham,

« médecin et professeur à l’Université Johns Hopkins qui travaille depuis les années 1970 autour des problèmes de santé humanitaires dans les conflits »,

rapporte Reuters.

Le nombre officiel de morts à Gaza n’inclut pas non plus les personnes qui ont succombé aux maladies provoquées par le siège israélien ou décédées parce qu’il leur a été impossible d’accéder aux soins médicaux pour maladies chroniques ou autres problèmes de santé, suite au fait que la plupart des hôpitaux du territoire ont été rendus non fonctionnels.

 

Les EU font reporter l’initiative du Conseil de sécurité

Une vague de mortalité secondaire se prépare alors que, pour la troisième fois, les EU ont fait reporter un vote au Conseil de sécurité de l’ONU en faveur d’un accroissement de l’aide humanitaire à Gaza.

Le porte-parole de la mission de Washington à l’ONU a prétendu que la proposition du Conseil de sécurité

« allait en fait ralentir la livraison de l’aide humanitaire en forçant l’ONU à créer un mécanisme de contrôle impossible à mettre en pratique ».

Il s’avère en réalité que les EU bloquent toute initiative proposant d’apporter à Gaza des produits de première nécessité sans qu’ils soient directement contrôlés par Israël. Human Rights Watch a déclaré cette semaine qu’Israël utilisait la famine comme une arme de guerre en refusant délibérément aux civils tout accès à la nourriture et à l’eau.

 

Alors qu’Israël a accusé l’ONU de ne pas fournir de l’aide de façon adéquate, les agences humanitaires pointent du doigt Israël comme source des engorgements empêchant la fourniture d’une aide absolument vitale pour les civils qui doivent affronter des conditions de vie catastrophiques.

Washington est également inquiet à propos de tout langage se rapprochant un tant soit peu d’un appel au cessez-le-feu, dont les EU et Israël prétendent que ce serait tout bénéfice pour le Hamas.

 

Antony Blinken, le secrétaire d’État des EU, s’est emporté sur ceux qui insistent pour que cesse la violence à Gaza, en raison, a-t-il dit, de leur refus d’exiger du Hamas qu’il se rende.

« Comment est-ce possible qu’on n’exige rien de l’agresseur et qu’on n’adresse des exigences qu’à la victime ? »,

s’est demandé Blinken, absolvant Israël de toute responsabilité dans ce que les experts des droits de l’homme des Nations unies et des centaines de juristes internationaux qualifient de génocide à Gaza.

 

« Des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire aiguë »

Alors que les EU continuent d’acheter du temps pour l’offensive militaire d’Israël, les responsables et les agences officielles de l’ONU mettent en garde contre le danger de voir s’alourdir de jour en jour le coût pour les civils, dans cette guerre totale et ce siège complet imposés à Gaza.

Les agences internationales font état de

« niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire aiguë dans toute la bande de Gaza »,

avec ce déplacement de quelque 85 pour 100 de la population, dont des personnes qui ont été relocalisées plusieurs fois

« et que l’on concentre actuellement dans une aire géographique qui ne cesse de se restreindre ».

La Classification intégrée de la phase de sécurité alimentaire (l’IPC, soutenue par l’ONU) a déclaré qu’il y avait

« un risque de famine de plus en plus grand et de jour en jour, à mesure que la situation actuelle d’hostilités intenses et d’accès humanitaire restreint persiste ou empire ».

« Tous les ménages, pour ainsi dire, sautent des repas chaque jour »,

a ajouté l’IPC. Quatre ménages sur cinq dans le nord de Gaza et parmi les familles déplacées dans le sud,

« passent des journées et des nuits entières sans nourriture ».

L’IPC a pointé du doigt l’extrême réduction dans la livraison de l’aide humanitaire alimentaire à Gaza, sur laquelle la plupart des habitants du territoire comptaient avant le 7 octobre, en disant que c’était l’une des principales raisons de cette insécurité alimentaire grave et répandue.

Les restrictions dans les importations et la suspension des activités commerciales à Gaza sont également des facteurs de premier plan, alors que les combats ont infligé

« des dégâts terribles à la production alimentaire, y compris aux terres et infrastructures agricoles, comme les serres, les boulangeries et les entrepôts ».

Arif Husain, un haut responsable du Programme alimentaire mondial des Nations unies, a expliqué à Reuters que, dans ses vingt années d’expérience, il n’avait

« jamais vu une situation aussi dramatique empirer à cette vitesse ».

 

 

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a déclaré que l’ouverture récente du passage commercial de Kerem Shalom (Karem Abu Salem) à l’aide humanitaire était

« un pas attendu depuis longtemps vers l’accroissement de l’afflux d’aide à Gaza ».

La réouverture de Kerem Shalom a permis à l’agence, pour la première fois depuis le 7 octobre, de faire entrer de l’aide à Gaza via la Jordanie. Mais l’aide qui arrive n’est qu’une fraction des marchandises qui entraient quotidiennement à Gaza avant cette date et, depuis, les besoins se sont accrus de façon dramatique.

« L’aide humanitaire à elle seule ne suffit pas »,

a déclaré le plus important fournisseur d’assistance humanitaire de l’ONU.

« Le PAM demande que l’on restaure les couloirs commerciaux d’approvisionnement. »

On a rapporté jeudi une explosion du côté palestinien du passage de Kerem Shalom, laquelle a tué quatre préposés au passage et a forcé l’ONU à faire cesser le ramassage.

 

« Un mélange toxique de maladie et de famine »

Abby Maxman, la responsable d’Oxfam America, a déclaré que

« les niveaux élevés de la famine à Gaza sont une conséquence directe, accablante et prévisible »,

non seulement des actions d’Israël, mais aussi

« du soutien inconditionnel et de l’approche diplomatique »

du président des EU, Joe Biden.

« Les EU ne peuvent continuer de rester là et de permettre que l’on affame à mort les Palestiniens »,

a ajouté Abby Maxman.

Philippe Lazzarini, le chef de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), a expliqué mercredi que les Palestiniens à Gaza allaient bientôt

« mourir à cause d’une combinaison entre une immunité affaiblie, une apparition de maladies et la faim ».

Répondant à l’allégation du président israélien Isaac Herzog qu’il fallait blâmer l’ONU s’il n’entrait pas plus d’aide à Gaza, Lazzarini a pointé du doigt les bombardements en cours et les procédures administratives absolument inefficientes aux passages.

« Quand les camions entrent, on ne leur permet pas de gagner leur destination finale »,

puisqu’on exige de les décharger à la frontière de Gaza et que leur cargaison doit ensuite être transposée sur des camions qui ne quitteront jamais le territoire.

« Si nous permettions aux camions de gagner leur destination finale, vous pouvez les laisser entrer par centaines et cela ne constituerait pas un problème »,

a déclaré Lazzarini.

Tedros Adhanom Ghebreyesus, le haut responsable de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a dit qu’il était

« profondément inquiet du mélange toxique entre maladie, manque d’hygiène et de soins » à Gaza, qui « connaît déjà des taux en nette hausse d’apparition de maladies infectieuses ».

Ghebreyesus a expliqué que les cas de diarrhée s’étaient multipliés chez les enfants de moins de cinq ans et qu’ils pouvaient « être mortels pour des enfants mal nourris, surtout en l’absence de services de santé en état de fonctionnement ».

« Ce carnage doit cesser », a déclaré le responsable de l’ONU pour la santé.

 

L’agence de l’ONU pour les enfants, l’UNICEF, a déclaré que les enfants récemment déplacés de Gaza n’ont accès qu’à 1,5 ou 2 litres d’eau par jour,

« bien en dessous des exigences recommandées ne serait-ce que pour la survie ».

« Les préoccupations à propos maladies transmises par l’eau, comme le choléra et la diarrhée chronique, se sont particulièrement accrues étant donné le manque d’eau potable »,

a ajouté l’UNICEF,

« surtout après les pluies et les inondations de cette semaine ».

 

Le centre ambulancier en état de siège

Jeudi, le Dr Munir al-Bursh, directeur du ministère de la santé à Gaza, a été blessé par une frappe aérienne alors qu’il se trouvait dans la maison de sa sœur, au camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza. Sa fille Janan, 13 ans, a été tuée par la même frappe.

 

Quelque 300 travailleurs de la santé ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre, selon Medical Aid for Palestinians. « C’est plus que le nombre total de morts de travailleurs sanitaires tués l’an dernier dans tous les pays, et dans toute autre année depuis 2016 », a déclaré l’organisation.

Il n’y a plus à Gaza un seul hôpital fonctionnant à plein rendement, après qu’Israël les a systématiquement assiégés et en a pris d’assaut un grand nombre, les forçant à arrêter leurs services.

 

La Société du Croissant-Rouge de Palestine a déclaré jeudi qu’elle avait reçu des rapports disant que les forces israéliennes avaient lancé un raid contre son centre ambulancier à Jabaliya et qu’elle avait arrêté ses équipes et ses paramédicaux pour les emmener dans un lieu inconnu.

L’organisation humanitaire a réclamé « la protection et l’évacuation en sécurité des femmes et des enfants » toujours piégés dans le centre.

 

Le ministère palestinien de la santé à Gaza a annoncé jeudi que des gens coincés à l’intérieur de l’hôpital al-Awsa assiégé, dans le nord du territoire, « vivaient une situation de terreur ». Le porte-parole du ministère a expliqué qu’un sniper avait tué une femme travaillant dans les soins de santé et qu’il n’y avait plus de nourriture, d’eau ou de médicaments.

Entre-temps, le ministère de la santé a expliqué que des centaines de personnes étaient mortes depuis la défection des services de santé à l’hôpital al-Shifa – le plus important centre médical de Gaza – et dans d’autres hôpitaux dans le nord.

Jeudi également, le ministre a réfuté une prétendue confession enregistrée sur vidéo et faite par Ahmed al-Kahlout, le directeur de l’hôpital Kamal Adwan, vidéo diffusée par Israël un peu plus tôt dans la semaine.

Al-Kahlout a été arrêté à l’hôpital au moment où celui-ci a été envahi par les troupes quelques jours plus tôt. Israël prétend qu’al-Kahlout a admis qu’il était une personnalité importante de l’aile armée du Hamas et que le complexe médical était utilisé par l’organisation comme centre de commandement.

Le ministère de la santé a déclaré que la déclaration d’al-Kahlout enregistrée sur vidéo avait été arrachée sous sévices et que son rang – général de brigade – renvoyait à sa position au sein de l’appareil médical du ministère de l’intérieur.

Le ministère a dit que la déclaration présumée arrachée de force « était une tentative désespérée et ridicule » d’Israël en vue de justifier ses crimes, particulièrement ceux contre le secteur de la santé de Gaza, y compris ses allégations fabriquées de toutes pièces contre l’hôpital al-Shifa.

Les organisations palestiniennes de défense des droits humains ont fait savoir qu’au moins 24 Palestiniens de la famille Abu Muammar avaient été tués lors d’une frappe aérienne israélienne dans une zone située à proximité de l’Hôpital européen, à l’est de Khan Younis, où toute la famille s’était établie après avoir été déplacée.

Les organisations ont dit que 13 autres Palestiniens avaient été tués par des frappes aériennes ciblant des maisons à proximité de l’Hôpital koweïtien et de l’école de l’UNRWA, où se sont installées des milliers de personnes déplacées.

L’ingénieur Moaz Mohsen du diffuseur Al Jazeera a été blessé, lors de cette frappe :

 

Des exécutions sommaires

Le bureau des droits de l’homme des Nations unies dans les territoires palestiniens occupés a déclaré mercredi qu’il avait « reçu des informations dérangeantes » prétendant que les troupes israéliennes

« avaient exécuté sommairement au moins 11 Palestiniens non armés sous les yeux des membres de leurs familles ».

Ce crime de guerre manifeste a eu lieu mardi soir dans le bâtiment « Annan » ou « al-Awda », dans le quartier d’al-Rimal de Gaza.

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La mission israélienne aux Nations unies à Genève a prétendu avoir fait une enquête à ce propos et

« n’avoir reçu aucun compte rendu d’une opération »

susceptible d’étayer les allégations du bureau de l’ONU, qu’elle a en outre accusé de répandre des

« accusations de sang ».

L’Observateur-réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH) a déclaré mercredi qu’un homme d’un certain âge avait été emmené de l’immeuble Annan par des soldats et conduit dans un endroit inconnu. L’organisation a dit que plus de deux douzaines de femmes et d’enfants avaient été piégés à l’intérieur du bâtiment et que bon nombre d’entre eux présentaient de graves blessures dont des membres amputés en raison des bombardements israéliens.

L’organisation, dont le siège est situé à Genève, a affirmé qu’elle avait reçu des témoignages similaires concernant des atrocités commises par les troupes terrestres israéliennes,

« dont des tueries et des exécutions sommaires de civils ».

« Selon les témoignages, quand les soldats israéliens font irruption dans une maison, ils font d’abord sauter les portes puis se mettent à tirer en tous sens, ignorant les appels à l’aide des résidents »,

a ajouté REMDH.

L’organisation a déclaré qu’elle avait

« enregistré une augmentation des exécutions sommaires, suite à des rapports d’attaques contre les véhicules militaires israéliens par les diverses factions palestiniennes ».

Ceci indique une

« politique illégale de représailles contre les civils palestiniens », estime REMDH.

L’organisation a invité le CICR à répondre aux appels d’évacuation des victimes dans les zones où opèrent les forces terrestres israéliennes.

REMDH a accusé la Croix-Rouge de coordonner l’évacuation des victimes dans des cas très restreints et seulement après de longues heures de retard. L’organisation a cité en exemple le cas du journaliste d’Al Jazeera, Samer Abu Daqqa, qui s’est vidé de son sang pendant des heures après avoir été abattu la semaine dernière par les troupes israéliennes.

« La dépouille mortelle d’Abu Daqqa a été retrouvée en même temps que les corps de trois hommes de la défense civile après qu’ils eurent été ciblés pendant cinq heures à Khan Younis »,

a déclaré REMDH.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 22 décembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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