Walid Daqqah : “Le temps parallèle” et “Lettre à un camarade”

Walid Daqqah n’a jamais arrêté sa production intellectuelle pointue, ni sa production littéraire, ni la mise sur pied de la fraternité et de la camaraderie parmi ses compagnons prisonniers. (Wisam Rafeedie, ancien prisonnier palestinien).

 

Walid Daqqah

 

Le temps parallèle”

 

« Nous faisons partie d’une histoire et, manifestement, l’histoire est un état d’événements passés qui ont pris fin, sauf pour nous. Pour nous, il s’agit d’un passé dont la fin est sans cesse reportée. À partir de ce passé, nous communiquons avec vous comme s’il s’agissait d’un présent qui n’est pas censé être votre futur. Notre temps est différent du vôtre, car le temps ici ne se déplace pas sur l’axe du passé, du présent et du futur. Notre temps, qui s’écoule dans un endroit immuable, a abandonné les concepts conventionnels du temps et de l’espace selon notre langage, ou il les a confondus, si vous voulez. Ici, nous ne demandons pas où et quand nous allons nous rencontrer, car nous nous sommes rencontrés et continuons de le faire au même endroit. Ici, nous nous déplaçons à l’aise, vers l’arrière et vers l’avant, sur l’axe du passé et du présent, et chaque moment situé au-delà du présent est un futur inconnu que nous sommes incapables de gérer. Nous n’avons pas le moindre contrôle sur notre futur, et notre cas est absolument semblable à celui de tous les peuples arabes. N’empêche qu’il y a une différence substantielle : notre occupation est étrangère et la leur est arabe. Ici, nous sommes en captivité parce que nous cherchons un futur, alors que leur futur, lui, a été enterré vif. »

 

“Lettre à un camarade”  (extrait)

« Pour dépeindre la vie en prison, je me sers toujours de l’image d’un wagon de chemin de fer, fermé et sans la moindre fenêtre. Pour savoir où ce wagon vous emmène et quelle distance il a parcourue, ou peut-être pour connaître sa vitesse, il vous faut forer un trou dans la paroi. Écrire ou peindre, c’est forer un trou. Les réponses que je reçois en feedback à ce que je produis […] sont les scènes de la nature perçues par cette ouverture, les montagnes et les arbres – lesquels me révèlent mon temps, l’espace que je parcours et ma vitesse. Il y a toujours eu, à l’intérieur du wagon, des ‘voyageurs’ bien au fait qui lisent votre texte et vous disent où nous en sommes et quelle est la vitesse du train. Toutefois, ces vétérans restent des voyageurs comme moi-même et pendant tout ce temps, ce n’est pas d’une appréciation, dont j’ai besoin, mais plutôt d’une certaine perception du temps parallèle venue de l’extérieur. »

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Traductions des écrits de l’anglais : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également :

Walid Daqqah, l’assassinat d’un Spartacus palestinien

Le prisonnier palestinien Walid Daqqah est décédé dans une prison de l’occupation israélienne


Trouvez ici d’autres écrits de Walid Daqqah
:

Deux nouvelles du prisonnier politique palestinien Walid Daqqah : « Un lieu sans porte » et « Mon oncle, donne-moi une cigarette » 

“Le modelage de la conscience ou la réidentification de la torture”, une étude de Walid Daqqah sur le système carcéral israélien (2003)


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: “Libérez Walid Daqqah et tous les prisonniers politiques”

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