Les connexions historiques entre Cuba et la libération palestinienne

De l’autre côté de la planète, l’histoire de Cuba en tant qu’île défendant avec pugnacité sa révolution de 1956, a beaucoup de choses en commun avec la Palestine, un peuple luttant contre les mêmes puissances qui aimeraient voir les deux nations disparaître.

La Havane. Les Cubains manifestent pour condamner les attaques militaires israéliennes contre la bande de Gaza. (Photo : Javier Galeano)

Benay Blend, 24 juillet 2021

« Les gens choisissent la ‘nuance’ et ne se prononcent ‘ni contre un camp ni contre l’autre’ ; ensuite, un gouvernement est renversé et un pays sombre dans la dévastation et on ne peut trouver ces mêmes gens nulle part. »

Cette citation tirée du site Hood Communist résume l’histoire de l’impérialisme et du colonialisme dans le Sud planétaire.

Dans le cas de la Palestine, la position « favorable aux deux camps » a une longue histoire très peu glorieuse. Comme le fait remarquer Ramzy Baroud, la notion de « conflit » entre deux camps également responsables n’a jamais été applicable à l’occupation, une situation dans laquelle il y a une agression « unilatérale » de la part de l’occupant, lequel est confronté à une résistance justifiable de la part de l’autre camp.

Réitérant ce point de vue, l’activiste et analyste palestino-américain Steven Salaita énumère des « choses qui sont compliquées » : « planifier une réunion de famille », « assembler un futon (literie japonaise) d’Ikea », entre autres choses, mais il convient de remarquer qu’il ne cite aucunement « résoudre le ‘conflit’ entre la Palestine et Israël.»

Une solution n’est compliquée ,

ajoute Salaita,

 que dans la mesure où les nombreuses personnes (à l’intérieur de la colonie et un peu partout dans le monde) qui tirent profit de la dépossession palestinienne font preuve d’une mauvaise volonté violente à modifier le statu quo. Mais les actuelles conditions à la paix – le retour, l’égalité, les déplacements, la dignité, la restitution (en bref, la justice) – sont on ne peut plus évidentes et claires et elles n’ont pas changé en 72 ans. »

Pour en revenir à la citation, la Palestine est bel et bien vivante, et c’est un tribut au sumud (résilience) de son peuple. Néanmoins, son existence est souvent perdue dans le labyrinthe de la campagne des médias occidentaux en vue de déformer les faits, soit en faussant les informations, soit en produisant directement de faux rapports.

Comme le fait remarquer Ajamu Baraka :

« Les propagandistes de la mort ne dorment jamais. Même quand leur système est dénoncé en tant que générateur du réchauffement mondial (changement climatique), de la folie du nucléaire, de la dégénérescence culturelle et de l’apparition de sociétés et de gens étranges et violents, les gens qui font le sale boulot idéologique se chargent de détourner l’attention des échecs de leur système pour la concentrer sur les contradictions internes découvertes dans les quelques exemples de sociétés en lutte pour se remodeler de façon à se focaliser sur les besoins et aspirations du peuple. »

Le 14 juillet 2021, par exemple, la Société des prisonniers palestiniens (PPS) a fait savoir que l’armée israélienne avait arrêté des dizaines d’étudiants de l’Université de Birzeit qui avaient rendu visite à la famille Shalabi afin de la soutenir après que l’armée avait démoli leur maison. Selon la PPS, ce ciblage des étudiants palestiniens, et particulièrement ceux de Birzeit, était mû par un effort en vue de les intimider afin qu’ils renoncent à assumer des rôles en vue dans ce que les jeunes gens ressentent comme une juste et noble cause.

Comparez ce rapport, émanant du blog du Palestine Chronicle, avec un gros titre d’AP sur le même événement : « En Cisjordanie, Israël arrête des dizaines d’étudiants liés au Hamas. » Dans le corps de l’article, il était admis que l’armée israélienne n’avait « aucune preuve pour étayer ces allégations » mais, pour les gens qui ne cherchent pas à en savoir plus, le gros titre avait été conçu sans remettre en question la validité de sa source.

De l’autre côté de la planète, l’histoire de Cuba en tant qu’île défendant avec pugnacité sa révolution de 1956, a beaucoup de choses en commun avec la Palestine, un peuple luttant contre les mêmes puissances qui aimeraient voir les deux nations disparaître.

Pour adopter une note positive, il y a un autre aspect, face à l’agenda des États-Unis. Depuis les actuels efforts américains en vue de renverser la révolution cubaine jusqu’au désir des sionistes de mettre définitivement au rancart la décision de Ben & Jerry’s de supprimer ses ventes dans les colonies illégales israéliennes, il y a une corrélation directe entre le niveau d’oppression appliqué par le gouvernement américain et la solidarité parmi les peuples affectés par cette oppression.

Comme dans toute étude transnationale, il y a certaines différences. Cuba n’a pas été colonisé directement par les États-Unis, mais il a été la cible de sanctions américaines. De la même façon que Gaza a dû endurer le blocus israélien, soutenu également par le gouvernement américain, Cuba connaît des pénuries dans chaque secteur, suite aux sanctions imposées par les Américains.

En dépit de ses promesses de campagne annonçant le contraire, Joe Biden n’a rien fait pour remédier à la situation. Le 11 juillet 2021, des groupes de contre-révolutionnaires ont organisé des manifestations dans les grandes villes cubaines. Comme l’a fait savoir Francisco Dominquez, en même temps que les sanctions, il y a eu des plans de déstabilisation appuyés par les États-Unis. USAID et le NED (National Endowment for Democracy – Fondation nationale pour la démocratie) ont financé au moins 54 organisations hostiles à la révolution cubaine.

« Il ne fait pas de doute que nous assistons à cela, au moins en partie »,

écrit-il,

« avec cette manifestation de rue violente bien coordonnée et combinée à une offensive des médias sociaux sous obédience américaine. »

À l’instar du « conflit » palestino-israélien, toute cette affaire est très « nuancée », dans les médias.  

« Tous ces genres de manœuvres de bourrage de crâne »,

écrit Mawusi Ture,

« pour essayer de refiler n’importe quel sauf-conduit possible à l’impérialisme américain et autres forces réactionnaires à Miami et en d’autres endroits de l’Amérique latine ; idem avec ces ‘nuances’ et ces ‘couches diverses’ »,

poursuit-elle, «

 et autres histoires du même genre visant à diminuer l’importance qu’il y a de mettre un terme à l’embargo américain contre Cuba. »

En tant que sœur de Kwame Ture (Stokely Carmichael), qui avait reconnu très tôt le potentiel international de la lutte radicale noire en la reliant à la Palestine et à Cuba, Mawusi Ture poursuit l’héritage de son frère.

Dans « A Cosmovisión of Solidarity: Anticolonial Worldmaking in Havana, Palestine, and the Politics of Possibility » (Une vision cosmique de la solidarité : une refonte anticoloniale du monde à La Havane et en Palestine et la politique du possible), Sorcha Thomson retrace l’évolution des liens historiques de Cuba avec la lutte anticoloniale de la Palestine.

« Pour les Palestiniens », écrit-elle,

« La Havane était un lieu où des connexions furent construites, des connexions qui allaient soutenir l’ascension du mouvement sur la scène mondiale et surpasser la grande époque du tri-continentalisme, dans un modèle durable de solidarité réciproque entre des luttes anti-impérialistes. »  

Au moment où Cuba célèbre le 65e anniversaire de sa révolution, le 26 juillet 2021, et où le mouvement palestinien de solidarité connaît un regain de reconnaissance dans le monde entier, ces liens sont d’une très grande importance. Enracinés comme ils le sont, écrit Thomson, dans « la pratique collective de la solidarité transformative », leur histoire propose « une foi partagée en la possibilité d’avenirs alternatifs ».   


Publié le 24 juillet 2021 sur The Palestine Chronicle
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Benay Blend obtenu son doctorat en Études américaines à l’Université du Nouveau-Mexique. Parmi ses travaux universitaires figurent, chez Douglas Vakoch & Sam Mickey, Eds. (2017), « ’Neither Homeland Nor Exile are Words’ : ‘Situated Knowledge’ in the Works of Palestinian and Native American Writers » (‘Ni patrie ni exil ne sont de simples mots’ : ‘La connaissance localisée’ dans le langage des auteurs palestiniens et autochtones américains »).

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...